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Billet de blog 16 septembre 2011

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600000 joueurs pas bons joueurs : l’INPES, un croupier aux poches non cousues.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

400 000 personnes atteintes légèrement, 200 000 plus gravement….

Est-ce une forme fulminante de la grippe aviaire ? Le retour de la peste ? Et bien non, vous avez tout faux, il s’agit du nombre de joueurs un peu problématique ou plus problématique selon l’INPES.

Et l’on se dit que la boucle est bouclée, que l’anosognosie est contagieuse : faire basculer, en effet, dans le champ du symptôme et du traitement potentiel, un facteur social et politique constitue d’abord une déroute de la pensée mais surtout une redoutable machine idéologique de guerre : écrire une belle histoire, masquer les responsabilités, mettre en place un très rentable système économique et symbolique. Hélas, pour des raisons diverses, convergent autour de ce nouveau paradigme un certain nombre d’acteurs dont la pureté des intentions est égale à l’absence de radioactivité autour de la centrale de Fukushima.

On aurait aimé moins de lâcheté pour certains, plus de déontologie pour d’autres, plus de mémoire aussi.

Rappelons nous avec émotion cette ouverture du marché du jeu, qui par le merveilleux hasard de respect d’une directive européenne a abouti à livrer ce juteux marché aux amis de notre cher président. Rappelons nous aussi que la lecture de cette directive avait été particulièrement idiomatique puisque des peuples moins éclairés ont pu conserver un monopole, compte tenu des risques nombreux (et pas seulement de santé publique et on peut parler de risques maffieux)

Mais bon, le souffle de la modernité a passé amenant un immense progrès, ces chiffres le prouvent.

Seul problème, il y a quelque escroquerie à positionner la difficulté des joueurs du coté psycho comportementaliste alors que le jeu est devenu une valeur phare du fonctionnement social : pourrions nous dire alors que certains ont trop bien compris le message ?

Nous n’avons qu’à regarder les tirages faramineux de l’Euromillion : tout un imaginaire s’y développe agrémenté de reportages nombreux, de commentaires de la machine à fabriquer du rêve. Plus étonnant, ce dispositif n’est pas une simple communication de la Française des Jeux mais prend toute sa place dans le système d’information télévisuel, radiophonique : cette information est inscrit désormais dans la symbolique sociétale et promeut un fétiche majeur : la chance.

Et on comprend que la chance est un avenir radieux puisque ce qui faisait foi à tendance à présenter quelques traces de rouille : le travail avec un certain nombre de millions de personnes sans activité, le mérite avec ses jeunes surdiplômés qui vont faire caissier dans les grandes surfaces, la compétition dont chacun a bien compris qu’il était inutile de faire la course avec des brodequins quand l’autre avait des chaussures de marque allégés.

D’ailleurs, le pari est devenu le modèle de lecture de la compétition sportive ce qui est très inquiétant : l’effet principal qu’il produit est de transformer l’activité en jeu de hasard avec sa cohorte de spécialistes pour limiter le risque de perdre. On ne compte plus les émissions sur les paris.

Ce pari se démultiplie à l’infini, on n’en a jamais fini avec le pari : le résultat, le moment, les écarts, les différences. Tout ceci est soutenu, valorisé, mis en tension (on peut jouer 24h sur 24h). Des vedettes sympathiques décontractées comme Chabal, Bruel nous permettent une identification douce : Sacré farceur, on est des joueurs, on rigole, on s’amuse….

Si l’on écoute ce que les opérateurs nous suggère discrètement, on saisit qu’on a intérêt à miser davantage pour augmenter ses chances

Moi, je me demande ce que je ferai, si je n’avais comme perspective que 480 euros par mois : j’imagine que je pourrais y croire à ma chance au risque de redistribuer à l’Etat ce qu’il me verse comme allocations. D’ailleurs, je crois comme ça marche un peu comme ça. Je déconseille donc à ceux qui voudraient faire bosser les bénéficiaires du RSA. Je crois qu’il est plus efficace de les faire jouer.

Mais bien évidemment, le jeu n’est pas l’apanage des pauvres. Il est aussi un merveilleux antidote contre l’ennui : regardons avec intérêt comment les pensions de retraite retournent dans les poches de l’ETAT à travers les machines à sous.

Tout ceci nous montre combien sont pitoyables les tentatives de l’INPES de mettre du coté du symptôme une donnée qui s’origine d’abord dans le politique et le social, dans ce que le vieux fond de marxisme qui sommeille en moi appellerait l’aliénation. Ignorer les problématiques sociales, se pavaner jusqu’à l’absurde dans des corrélations à la mort moi le nœud, on comprend mieux le rôle de la nationale institution. Dans ce contexte, la seule alternative des politiques publiques est de valoriser un hypothétique jouer bien (comme boire) : c’est triste à pleurer mais il faut sans doute en conclure que l’ambition de la prévention n’est que la gestion médicalisée des diverses ignominies du moment.

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