La fête de l’humanité est une belle démesure organisée. Je ne suis pas communiste, mais l’énergie déployée par les camarades pour réussir leur fête me fascine ; c’est, par certains aspects, monstrueux d’investissement. J’aime marcher dans les allées captant des torrents de parole, des odeurs de nourriture, de la joie, de la gravité aussi. Il y a dans le puissant à vivre et à partager. Me vient aussi l’image de l’alambic, une ébullition qui produit quelque chose de plus fort qu’elle-même. Mais, il y a surtout, à travers, les lutteux, les combatteux, une image de la résistance et du courage collectif qui nous parle de dignité et du déshonneur à ne se contenter que du présent. Cette parenthèse ouverte de trois jours est à la fois un remède, un remontant, une utopie plausible, un raccourci avec toutes ces composantes de découragement, de cécité, de mauvaise foi, d’inspirations lumineuses, de rattachement à la mémoire, de transmission.
Aussi, quand plane au-dessus de la marmite, le débat sur les municipales, le passage au stand Ricard s’impose. On aura compris que la fête peut être aussi un épisode de la tragédie : Se profile, en contrepoint, l’idée de mort et de disparition. Le PC est en danger : à quel prix pourra-t-il survivre et à quel prix pourrait-il renaître ? Il vit aussi de ses élus et ses élus sont menacés tant méthodiquement le PS a cherché et a réussi pour l’instant le supplanter dans ses bastions et que ses électorats sont enclins au découragement.
Donc, pour le membre du Parti de Gauche que je suis, je ne comprends pas toujours en première intention, cette expression du syndrome de Stockholm qui vise à tenter de convaincre son bourreau qu’il est inutile qu’il vous coupe la tête puisqu’on partage les mêmes intérêts de classe. Au jeu de l’arroseur arrosé, le résultat est connu d’avance : le PS va être emporté dans les prochaines échéances électorales. Je corrige : bon nombre d’élus PS vont être emportés, mais subsistera l’appareil solférinien avec ses éléphants et ses caciques puisque la sociale démocratie joue un rôle déterminant dans la gestion et la survie du néo-libéralisme. Pas plus que je ne crois à la capacité du PC de mobiliser la base militante du PS : je ne la vois pas, on est plutôt en Panurgie et Gérard Filoche, avec tout le respect que je lui dois, fait figure de grand alibi : Ani, retraites, le bilan commence à être lourd. Il faudra donc à nos camarades du PC, un talent particulier pour être positionnés en tête de liste d’union pour éviter d’être dégagés.
Pourtant, j’aurais tendance à dire : ce n’est pas mon affaire. Dans ces jeux de la complexité quand l’existence même est en péril, je me garderais bien de donner des leçons de morale ou de comportement. J’aimerais juste une clarification au niveau du Front de Gauche, c’est-à-dire, éviter la schizophrénie trop grande de dénoncer internationalement et nationalement, la sociale démocratie et gouverner avec elle localement en avalant toutes les couleuvres qui vont avec.
Au niveau du terrain, nous sommes positionnés en lien diffus avec la gauche hollandienne (punaise, quelle horreur). Les électeurs ne s’emmerdent pas avec trop des détails ; nous avons fait élire Hollande ; ils nous considèrent d’un côté de la barrière, d’un seul et une de nos marges de manœuvre est de clairement prendre une distance audible (entre nous, c’est clair, au-delà moins).
J’entends et je respecte le poids du PC. Son apport dans le Front de Gauche est capital, Sa force d’organisation et de moyens nécessaire, mais je l’invite à ne pas nous tirer une balle dans le pied. Après, me situant sur le plan des principes, je m’éloigne de la réalité et de ses négociations inévitables. Puisse nous rester notre capacité à parler, à échanger et à produire l’humain d’abord.