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Billet de blog 17 mai 2013

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Amnistie : question de justice, question de grâce

L’histoire est remplie d’une image quasiment constante : le détenteur de la violence légitime exprime périodiquement sa mansuétude en accordant sa clémence à quelques brebis égarées de son troupeau. Dans ces situations, il faut moins rechercher la bonté du monarque que l’affirmation de sa puissance. Il pourrait d’un seul claquement de doigts les détruire tous, les transgresseurs ; on touche là aux stratégies de la peur en lien avec l’épouvantail de l’exemple.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’histoire est remplie d’une image quasiment constante : le détenteur de la violence légitime exprime périodiquement sa mansuétude en accordant sa clémence à quelques brebis égarées de son troupeau. Dans ces situations, il faut moins rechercher la bonté du monarque que l’affirmation de sa puissance. Il pourrait d’un seul claquement de doigts les détruire tous, les transgresseurs ; on touche là aux stratégies de la peur en lien avec l’épouvantail de l’exemple.

Cette façon d’exercer le pouvoir a surement été une étape même si elle continue d’exercer un  attrait universel, celui d’un moment de discrimination, d’étalonnage ou les diverses compétitions du jour le jour contre la mort mettent  à mal la survie du groupe, ou les bienfaits de la domination éclairent  l’esprit des puissants. Nous nous devons d’échapper à l’évidence naturelle de cet état ; nous nous devons échapper aux superstitions implicites, à la fatalité des aliénations. Même si nous devons manier le sens du progrès avec retenue, nous sommes en capacité de décider, d’agir sans souteneur. Nous sommes en capacité collective d’anticiper, d’organiser.

L’actualité nous montre que revêtir les habits du pouvoir provoque quelques dérèglements fâcheux : la jouissance, l’impunité. Sous nos yeux d’où le citoyen est banni, on nous impose le spectacle d’exhibitions nombrilistes qui consiste à louer les atours d’un arbitraire sans limites.  Cette danse du ventre médiatique a pour objet de s’éloigner davantage un peu plus de la démocratie. Le roi est nu mais il nous emmerde. Il soliloque sur la misère du monde mais ne parle pas avec la misère. Il s’en va à la commission européenne des soliloques. On pourrait résumer de façon abrupte la situation de la manière suivante : le pouvoir n’a aucune conséquence sur celui qui l’exerce, il est dégagé de toute responsabilité puisqu’une fatalité libérale le pousse à se conduire honteusement (avec courage). Pour prendre la mesure d’un aphorisme moderne, il gère.

Mélangeons donc les ingrédients : du pouvoir, de l’irresponsabilité et nous obtenons un magnifique mouvement d’accélération : plus l’irresponsabilité croît, plus le besoin de pouvoir  est exacerbé, magnifié.

On l’aura compris : le refus de l’amnistie pour les syndicalistes condamnés se dégage de toute ambition politique. Ce n’est pas la capitulation devant l’injustice qui est la plus marquante. Ce qui désespère, c’est cette célébration permanente de l’indéboulonnable arrogance des pouvoirs en place avec  ses complicités curieuses et bien ancrées. Ne touchez pas à l’édifice, semble-t-on nous narguer. On comprend mieux pourquoi la sixième république agace, la cinquième pourvoyant largement aux besoins symboliques et matériels des élites diverses et bien copines

Justice ou grâce : l’enjeu est bien sur politique. L’amnistie ressemblant à une remise à plat, son déni a une valeur hautement révélatrice. Il nous est dit : continuons à jouer le même jeu, on ne va pas changer la distribution des cartes.

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