A défaut de guerre des civilisations, une guerre du comique réquisitionne les esprits et c’est un comble.
Je veux dire quelque chose qui ne rend pas la sentence du pas drôle, plutôt un essentiel qui ne dit pas non plus « je refuse d’être l’arrosé de l’arroseur, l’esclave du colonisateur »mais une colère panique qui dirait « ton regard m’obsède et m’agresse et peut être que tu cherches à me tuer ».
En un mot, en un seul, tu te fous de ma gueule à dessein.
Du coup, à un endroit ou ne l’attendait pas, le hitparade des civilisés vient proclamer ses nominations. Alors que des républicains sincères et exigeants comme Jean Luc Mélenchon, posent la laïcité comme le postulat nécessaire, indispensable de la vie en société, le président turc accuse les caricatures du champ public français de rallumer les hostilités. (Ça fait pas rire)
C’est là où on se dit que le processus laïc fut aussi un champ de croix, une capacité obstinée des hommes à choisir un lien historique et un possible ici et maintenant.
On est donc parti à tort sur la symétrie de deux prophéties, de deux dogmes (même si l’un se défend à raison de sa capacité prophétique) : le règne d’un au-delà, d’une rédemption qui commande l’obéissance d’un côté, une finitude qui demande un sens à sa vie sur terre de l’autre côté. La guerre des boutons est déclarée. Pour ne pas caricaturer, on dira que même si la seconde proposition fait plus moderne et plus attrayante, elle ne se présente pas spontanément comme exaltante. Construire sa vie sur terre peut amener à aliéner la liberté des autres pour glorifier la sienne et dans l’espace limité qui nous occupe, établir des rapports de force tellement déséquilibrés que des vies valent moins que d’autres en mettant des enclumes dans les chaussures des autres compétiteurs. (Ça fait ne pas rire.). La croyance qui rigole contre la croyance qui rugit mais Google bosse pour dépasser la contradiction et on va tous crever.
L’arrivée des armées en maint pays du monde, l’explosion des milices, refrène la gorge déployée bien qu’un comique de répétition les nomme libérateurs. La liberté unilatérale est une spécialité des dictatures discrètes.
Evidemment, les religions portent un risque encore plus grand puisque c’est Dieu qui l’a dit qui y est ; il vaut mieux qu’il s’occupe d’autre chose parce que s’il est mal viré, ça craint.
Le rire est le propre de l’homme et c’est bien vrai parce que ni l’huitre, ni le doryphore ne font des blagues. On est aujourd’hui plus circonspect du côté du singe et du mouton et du perroquet. On peut rire de tout même de l’intelligence, surtout quand c’est celle des autres. Mais pour vraiment se marrer, il faut parler la même langue, celle de considérer l’existence dans sa dérision et son absurdité de mourir tout en essayant d’en faire quelque chose. Et considérons que cette forme d’anarchie positive n’est pas très répandue parce qu’elle fout les jetons et plombe l’ambiance des réunions familiales. Elle se moque de tout, d’elle-même, de ses amis et de ses ennemis.
Alors, pour les alliances, tu repasseras mon petit gars, débrouille toi avec toi, je ne déciderai pas à ta place. J’ai fait partie des émus, des soutiens mais le nombre fait plaisir et fait problème à moins de nous considérer comme moins cons qu’on ne l’imagine. Le rire est aussi une blessure non cicatrisable qui a l’audace de ne pas se prendre au sérieux. L’exorbitant, l’indiscutable de la fragilité n’ont pas le même sens sous les latitudes de l’horreur. Ce ne sont pas des valeurs d’ici, des raisons de vivre, ce sont des malheurs et des très jeunes morts en vrai.
Rire de l’autre suppose qu’il existe, rire de tout suppose qu’il y en ait un, rire de l’instant suppose qu’il y ait une fin et le franc est suisse.