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Billet de blog 18 octobre 2014

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Macron et le pauvre : une fable farcie de poncifs et de lieux communs

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C’est bien connu, l’hôpital se fout de la charité. Le compassionnel débordant d’Emmanuel Macron évoque l’erreur d’aiguillage. Un ministre de l’Économie qui parle, les mauvais jours, comme un ministre des Affaires sociales et les bons jours, comme Mère Theresa, ça sent la grosse manipulation ou une défaillance du casting.

Frère Emmanuel veut absoudre ses roboratives aventures dans la finance à la façon pudding. Il a beaucoup à se faire pardonner et il en fait un peu trop. Le choix de ses victimes est éclairant ; de la femme dite illettrée et sans permis de conduire, travaillant laborieusement dans un abattoir (si ce n’est pas du symbole ésotérique de première main) à la horde des miséreux qui sont prêts à sauter dans les autobus, on peut dire que, dans le caricatural condescendant, on aura atteint des sommets.

Peut-être que dans les bus, il serait de bon ton de distribuer quelques mignardises en rab que les buffets de la finance auraient mis dans des sacs en plastique après une injonction gouvernementale (ce serait beau et on en aimerait encore plus l’entreprise entreprenante et on comprendrait mieux la générosité patronale dans l’océan de harcèlement fiscal qu’elle doit affronter)

Frère Emmanuel se trompe, il est impossible de faire du bien aux pauvres parce que les pauvres sont d’abord des hommes et ce sont les hommes que l’on rencontre toujours avant. J’ose le gros mot, des égaux d’abord. En tout cas, si l’impétrant se pense de gauche, il serait de bon ton qu’il puisse approcher, ne serait-ce que le temps d’une nano seconde, cette étrangeté, ce frisson de dégout. L’homme est égal et on évite d’en parler (surtout quand on le connait particulièrement mal) comme une vieille chaussette sale et trouée. François Hollande a affirmé l’égal dans les jours qui ont suivi, mais l’égal était bien invisible ce jour-là. En quelque sorte, François Hollande surplombait l’égal et nous en mesurions l’absence.

Donc, Frère Emmanuel veut le bien des pauvres et que demande le bien des pauvres ? L’ouverture des commerces, le dimanche, le travail dominical la multiplication des poids lourds sur la route et autres miracles que le commun des mortels à tort, dans sa crasse ignorance, attribuerait à la concurrence libre et non faussée. En vérité, je vous le dis, autant le capitalisme est, en temps normal, une sombre calamité, autant quand il larmoie sur le sort des pauvres, le capitalisme devient un outil merveilleux d’éradication des damnés de la terre et de restauration du jardin d’Eden. La croissance pour tous, la consommation pour chacun et la rue de Solferino comme agence de voyages. On voit briller du rêve en nos yeux, une larme perle de nos cils tellement c’est crédible et émouvant.

La mise en scène et l’instrumentalisation de la pauvreté deviennent particulièrement pesantes (la ravissante écharpe verte de notre président, quelle comédie) et on peut dire qu’en terme de communication, agiter la misère du pauvre, ça ne mange pas de pain et pleurer sur son épaule, ça le mouille.

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