L’ordre fige, l’ordre clive. En nos périodes troublées, l’ordre va au-delà du rassurant ; il aurait le pouvoir magique d’apaiser nos intégrités, derrière les murs de ses forteresses. L’ordre a un petit gout amer de désillusion.
L’ordre ne règne pas, c’est un euphémisme. Un des symptômes, c’est bien sur la déliaison ambiante : on ne règne pas sur de l’atomisé, du précaire, de l’éclaté, de l’incertain. S’il n’est pas brutal et arbitraire, l’ordre a pour corollaire la justice.
Alors, si l’ordre ne règne pas, l’idée de l’ordre triomphe et l’idée de l’ordre ne fait pas dans la dentelle : prétentieuse, suffisante, totalisante, elle prétend ne pas vouloir voir une tête dépasser, elle affirme par le plancher poser des limites à la liberté, elle plastronne et fait la fière. L’idée de l’ordre est décidément bien abstraite, elle sort peu, montre beaucoup de cécité dans deux domaines principaux : le têtu des faits et les ignominies qu’elle génère.
En effet, l’idée de l’ordre pose son empire sur une généralisation abusive. Quand on essaie de décrypter, on n’arrive plus à saisir de quoi on parle vraiment, où commence le transgressif : d’une caravane de gens du voyage sur le privé d’un terrain, de la mendicité sur la voie publique, de l’incivilité , de l’agression, du règlement de compte, du meurtre familial, de l’agression dans un hôpital : l’idée de l’ordre va de l’œuf au bœuf et du bœuf à l’œuf. Elle sécrète le fiel d’une paranoïa qui va toujours plus loin dans les méandres de son origine. Il faut prendre le mal à la racine et la société devient démente : les derniers millions d’écoutes téléphoniques, inlassablement injustifiés par l’interception du coup de fil de la menace terroriste sur nos bijoux technologiques de famille, tu parles…..Il y aura dans tout système même le plus sophistiqué quelque chose à rater.
Disant cela, on est vite un paria et un mal pensant : le laxisme et l’angélisme me rongeraient, quelle douce plaisanterie. Que j’aime l’ordre qui permet et pas l’ordre qui interdit. Je sais la nécessité de la peine aussi, je sais les nécessités de la privation de liberté aussi, pensée, élaborée, réfléchie (regardons ailleurs par pitié) . Par là, j’espère la possibilité d’une vie sociale meilleure (sinon à quoi sert la politique ?)
Il semblerait hélas que des avatars aient surgi du néant ; il y a du fric à se faire dans l’inquiétude, il y du pouvoir symbolique et réel à prendre, de l’huile essentielle de démagogie à ronger jusqu’à l’os. Depuis Sarkozy, Hortefeux, Guéant, Valls, la somme des imprécations vengeresses est inversement proportionnelle à une quelconque efficacité sinon à auto légitimer un système qui produit du dysfonctionnement. Mais les divers experts sont là pour entretenir la trouille : si ce n’était comme cela, nous serions déjà morts……….Le trouillomètre est le meilleur ressort électoral et il faut ramer pour que l’électeur se déplace mettre son bulletin de trouille dans l’urne.
Le plus curieux réside dans le fait que ces réponses idiotes viennent remplir un autre lieu que les problèmes qu’elles sont censées résoudre
La démission de la gauche officielle est patente : trop contente de muscler ses petits avant-bras, elle vocifère, saluer son nouveau héros ; nous aussi on en a. Comme c’est bizarre ces circulations d’armes implicites en certains endroits, à croire que les fabricants et les distributeurs financeraient les partis politiques, en tout cas, feraient marcher le business symbolique
Et bien sur, ce qui trouble c’est la virtualité des mondes, les distances invraisemblables qui séparent certains de l’anormalité ambiante. Qu’y faire, sinon les regarder comme étant aussi des nôtres ?