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Billet de blog 21 août 2014

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Aurillac : un festival de la nécessité subversive

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’ai le bonheur de me trouver à Aurillac pendant le festival. Je ne vais pas vendre ici le paradis perdu  cantalien. Les temps sont durs en cet endroit comme en plein d’autres et  le génie pas toujours au rendez vous. De grandes misères s’exposent  côtoyant  des joies simples des fulgurances créatives au coin des rues et des surprises magnifiques.  C’est précisément dans la possibilité de ces juxtapositions, de ces rencontres, de ces mélanges simplement visuels, auditifs, tactiles, verbaux ou hospitaliers  que se tisse un certain fil de l’humain.   Le cœur qui bat partout change la tentation d’être simplement léger pour toucher au légèrement grave et  permet d’enfanter un  sens de  la débauche du sensoriel offert.

Il me vient deux mots pour qualifier ce qu’il faut bien considérer comme une espèce en voie de disparition : l’envie et l’audace. Mais, j’ajoute immédiatement l’envie et l’audace du partage. Jouer le jeu dans des lieux improbables, des lieux de passage parfois, oser montrer sa création, risquer l’interpellation. Stupeur, il semblerait que cette quête de bonheur ne soit pas simplement mercantile. Il faut bien sur que le chapeau passe et se remplisse. Même à Aurillac, l’eau fraîche ne nourrit pas son intermittent. Mais, on trouve là un besoin de création, un besoin d’alimenter  la machine, de l’étendre, de l’enrichir, de la renouveler et le plaisir  de la reconnaissance est authentique, souriant et vrai.

Les spectateurs de ce lieu sont singuliers : ils offrent un mélange savant de vagabondage, de picotage, d’attention et  de disponibilité. Le hasard très organisé qui les mène vers certains spectacles est souvent interrompu  d’imprévus. Mais, on flâne, on s’assoit par terre, on applaudit sans compter. Chacun est habillé d’un halo de charme imperceptible

Revenir d’Aurillac, c’est gagner en colère. Comment ce peuple de créateurs itinérants, de précaires  peut-il être à ce point maltraité, méprisé ? Pourquoi des lieux de la non- rentabilité économique  sont-ils en danger alors que leur intelligence et leur productivité nourrissent la convivialité, l’intelligence et la tolérance ? Pourquoi sont-ils les cibles prioritaires des bouts de chandelle ?

J’ai mal à finir par un poncif  mais que maudite soit la gauche gouvernementale  pour traiter l’intermittence au régime du Medef ; l’équilibre des caisses marque l’inculture crasse de nos gouvernants. Sans doute la torpeur de l’entre soi, le regard condescendant d'une vision de  l’art totalement détachée du vivant, l’obsession de la rentabilité les font-ils pouffer en leur bouillie communicante ?

Il ne s’agit pas ici de déclamer le beau, le vrai, l’inaltérable mais de défendre un essentiel. Nous pensions avoir un allié et il se révèle notre ennemi.  Nous saurons nous en souvenir.

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