Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

240 Billets

0 Édition

Billet de blog 21 septembre 2014

Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

Djihad breton, bonnet rouge et sainteté de la guerre.

Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bien sûr, on ne saurait mettre sur le même plan, au même niveau, les grandes tueries de l’armée dite islamique et les passages à l’acte des activistes bretons contre les portiques et les perceptions, mais, dans la mesure où les pouvoirs postulent une guerre totale et généralisée entre le bien et le mal, une échelle de valeurs et de gravité de transgression fait référence, s’étalonne. Et, du coup, en tant qu’enrôlé de force dans le merdier libéral, chacun de nous est invité à s’engager dans l’armée du bien ou l’armée du mal ou bien, dans l’armée encore plus indistincte et massive des laissés pour compte.

On peut donc, de façon un peu hasardeuse, suggérer une petite proposition obsédante qui traverse les questions religieuses et agricoles qui est celle de l’opulence ou de la rareté. Le bien occidental se pose comme une gloutonnerie non entravée à qui est prêtée une fable démocratique (c’est la gloutonnerie qui est démocratique) et illimitée (plus c’est planétaire et plus c’est glouton et plus, c’est glouton, plus c’est démocratique). Cette prodigalité lui confère un incomparable sens du gaspillage. On peut hardiment poser un parallélisme entre le cadavre et l’invendu. Éviter les stocks, travailler à flux tendu, faire que l’invendu n’impacte pas le profit, rendre l’invendu le plus rentable possible, banaliser le cadavre. Détruire le superflu et le nécessaire est une marque de puissance.

Cette posture implique sur la majorité de la planète plusieurs effets :

  • Une colère en face d’un mensonge qui ressemble à une provocation tant les réalités sont caricaturales par rapport à l’hypothèse de satiété et de liberté.
  • La construction d’une obligation idéologique contraire qui va affirmer la contrainte, la sujétion à un interdit explicite, la rareté, le rétrécissement comme idéal de vie.

Ça a été pointé mille fois avec talent, mais l’hyper destruction d’une surproduction agricole dans un contexte de culture intensive est un versant particulièrement lamentable du libéralisme. Des tonnes de légumes, des cadavres de légumes, des invendus de légumes qui sont empilés et mis en miettes  par des agriculteurs, appelés au productivisme et dont les conditions de production auront pesé sur l’environnement. Tout ça pour ça. C’est ce paradoxe fou qui se pose comme image dans la guerre au terrorisme. Nos sociétés de liberté protestent contre les archaïsmes, s’auto désignent comme parangon de vertu, mais donnent à voir un pitoyable spectacle. L’alimentation n'est ni une nécessité, ni un sacré, c'est un marché.

Il n’y a aucun parallèle sérieux entre une église et un centre des impôts, un être humain et des légumes, mais ils participent d’une logique commune d’abandon et de désappropriation. Elle nous rappelle en permanence la tentation cannibale lorsque, quand nous mangeons, nous nous mangeons aussi et aussi la différence qu’il existe entre le jeûne et la famine. Tout est question de contrôle et de dignité.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.