Je ne suis pas expert en géopolitique. Je ne connais donc pas, dans les recoins des détails, les enjeux du conflit en Ukraine, le sens de ses morts, tragiques et récents. Je sais juste qu’une fois mise dans l’assiette de la gouvernance internationale, les nobles principes vendent souvent du rêve ; les preux héros de la liberté écoutent avec des casques de concierge le babillage des habitants de la planète. Le produit liberté a un beau packaging, mais sent la merde, une fois sorti du vide.
Je sais aussi l’importance entre deux antagonismes de la nécessité de ne pas perdre la face. Si l’on ne tue pas son ennemi, il faut le laisser vivre et prospérer.
Précisément, aujourd’hui, par le jeu de la virtualisation et de la dématérialisation, un de deux antagonistes n’a plus de face, il se veut partout universel, unique, sans alternative, il n’a pas de frontière, pas de territoire. Il chante les transatlantiques, les paradis fiscaux, le lisse, le beau, le bronze. Il est de « nulle part ».
Aussi, la Crimée apparait-elle comme l’émergence d’un refoulé inattendu, d’un archaïsme improbable ; le « quelque part », avec son lot, d’histoires, de conflits, de vieille terre, de traditions, d’appartenance en un mot, en un seul. Il ne s’agit pas d’un paradis, les conflits d’appartenance sont légions, les palabres interminables, la légitimité mouvante et jamais acquise.
Mais, au moins ce grand bordel au risque génocidaire, vient nous taper sur l’épaule et nous demander si nous sommes de quelque part ou de nulle part et si nous existons un peu dans la dépendance aux autres.