Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

240 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 avril 2012

Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

Archéologie d'un engagement, violence du résultat

Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mon histoire d’aujourd’hui se fait voyage entre déterminisme et choix, entre possible et impuissance ; regarder avec sérénité  l’écart que l’on s’octroie par rapport à ses fatalités est une victoire du murissement qui rend le vieillir envisageable.

Mon histoire m’amène à penser et à souhaiter un  cadre pluriel, partagé, en nécessité de lien avec les autres, en état de fragilité permanente du fait que le pluriel est un pari et un risque dont la forme est quelque part un château de cartes.

Tel est ainsi vêtu que je m’engage politiquement mu par une envie de faire,  désireux  de rencontre et m’octroyant une dose d’ingénuité et de naïveté dont il faut savoir doser les ingrédients afin de permettre la proximité avec  l’autre et me donner aussi  le droit d’exister. Le vivre ensemble est une noble tâche ;  il est fait également  de grands espaces et de triviaux énervements.

J’appelle le Front de Gauche, le Front de Gauche m’appelle et me voici parti derrière le rouge qui me porte à travers un programme travaillé, construit, intelligent mais aussi, sans doute, un peu enivré par une limpidité si pure et si fraiche, par une telle évidence qu’elle se suffit un peu à elle – même. Nous avons raison, j’en suis sur, nous avons aujourd’hui toujours raison, que la raison me donne tort si je n’ai pas raison mais nous avons raison entre nous. Je pense que nous nous sommes un peu saoulés de cette dignité retrouvé, de ce sens commun qui nous traverse, du fait qu’à nouveau, nous avons chaud ensemble

Il ne fait pas bon avoir raison trop tôt ou trop seul…..et il est vital d’être là trop tôt ou trop seul…..et il nécessaire de répéter sans cesse que l’ennemi, ce n’est pas l’immigré, c’est le banquier. Non, rien de rien, non,  je ne regrette rien…..J’en redemande même…. La « radicalité » de l’Humain d’abord répond à l’urgence et à la gravité de la situation. Et je suis certain par ailleurs que nous ne portons pas de responsabilité particulière sur la montée de l’extrême droite (juste sur une erreur fâcheuse de discours, j’y reviendrai)

Je crois n’être pas le seul dans ce cas : nous serons toujours pris dans plusieurs contradictions  non pas insurmontables mais en tout cas tenaces. Au fond, comme le disait Méluche, il y a une part d’universel en nous, qui ne nous rend pas indifférents à toutes les turpitudes et aux  fragilités y compris de nos adversaires les plus niais, les plus absurdes : nous nous refusons de trop nous éloigner de nos ombres, de nos démons au point de nous en rapprocher pour battre le fer, pour porter le pet, nous les colleter. Mais on ne sait jamais vraiment  si c’est pour les estourbir ou essayer de les transformer.

Il y a d’autre part ce trouble de la reconnaissance dont je souffre : je dois l’avouer l’électeur du Front National évoque en priorité pour moi, l’affreux crétin stupide haineux qui vide son fiel de manière primaire et vengeresse dont la perspective politique ne porte  qu’un devenir  de sang, d’exclusion et de massacre . Mon identité s’est forgée autour des pratiques de la responsabilité et de l’implication, de la nuance et du droit à l’erreur qui s’élaborent et se décident dans le collectif. Rien ne m’est plus étranger que le recours à des chefs omnipotents, l’incantation à  l’exclusion et  à la fermeture, la stigmatisation de l’autre.

Mais reste en tout cas une énigme secondaire : Nous appelons à la constitution d’une 6ème république à l’heure même ou une partie non négligeable de la population (notamment ouvrière) en a bouffé et rebouffé  de la république, de ses partis et de ses élus, de ses promesses et de ses abandons  pour se voir reléguer socialement et humiliée  dans son identité. Je pense qu’à cet endroit, le front de gauche a fait une erreur de tactique mais proposant  de refaire le toit  dans une maison ou les murs sont effondrés (en Lorraine et en Moselle, notamment,) : l’exaltant programme de mettre un coup dans le cul du Front National à l’heure même ou celui-ci constituait une des dernières références de cette population a sans doute cristallisé un reflexe « identitaire » du style : « tout le monde nous veut du mal ». Bon, mais en vrai, je suis fier qu’on  est ouvert notre grande bouche contre le FN : c’est notre dignité. Je vous l’avais dit qu’on est affreusement complexe.

J’établis ainsi  de légères distinctions entre des votes Front National et un vote Front national : je reconnais que ça ne change pas grand-chose au film mais que ça ouvre à des réponses diversifiées et pas seulement à une réponse « universelle »

Ceci dit, j’éprouve le besoin de redire, dans tous les cas de figure, que l’adhésion globale dont tous ces électeurs font montre à l’endroit des valeurs  et des propositions du FN (et plus la simple protestation) me révulse absolument  quelque soit la difficulté dans laquelle ils se trouvent, l’imbécilité et la violence n’étant pas un corollaire obligé de l’aliénation. Je pose ici la bêtise et la beauferie comme des ennemis mortels de la démocratie et du devenir de nos enfants.

Hier soir, j’avais un sale goût dans la bouche et une légère envie de dégueuler contrebalancée par l’idée que le vote ne relève pas du combat des options mais aussi des déterminismes et des traumatismes…

Que faire de plus sinon entretenir notre élasticité entre idéaux et quotidien ? Entre souhait de débattre et nécessité de combattre ?

Je me rappelle enfin la polysémie d’un vers de Léo Ferré : ils ont voté et puis après ? C’est bien cette définition de l’après qui nous fera soit devenir indigné, soit nous engager dans les luttes sociales, soit renforcer le Front de Gauche.

Je ne suis pas découragé, je suis juste un peu énervé…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.