La canicule et l’émeute sont du pain béni pour l’exhibition de l’activisme gouvernemental. Rassurez-vous, on est là, semble dire le ministre à la Population assommée et inquiète. Dans la torpeur, autorisons-nous à assister à une version new age de la carotte et du bâton, c’est-à-dire à un show médiatique relevant des amours illégitimes de Bugs Bunny avec le père Fouettard.
L’époque est manifestement à la crétinisation. Quand on voit, un jour de grande chaleur, en l’an de grâce 2013, deux ministres proclamer l’urgence de boire de l’eau et de rester à l’ombre, on se dit que le niveau est bien bas, une sorte d’invention de l’eau chaude, une métaphore de l’inanité du politique.
La répartition des rôles est également à noter : mesdames Touraine et Delaunay en maman attentive, monsieur Valls en papa sévère.
À quoi résister et comment résister nous disent les vigiles de l’ensoleillement ? Loucher ostensiblement vers le climatique, naturaliser à l’envie les sauvages de banlieue et vous avez un gouvernement qui se dresse contre la fatalité.
N’utilisez que 30 mots, répétez inlassablement les mêmes formules lapidaires, le climat, je vous dis ; il n’y a pas plus de saisons, tant va la cruche à l’eau, il n’y a qu’une loi ; décidément, ministre de l’Intérieur est une simple et saine occupation qui lubrifie le sautoir vers les sommets. Comme aux petits chevaux, ministre de l’Intérieur se dépêche vers la gloire suprême ; il rejoue sans cesse.
Le péremptoire est un sujet vendeur, l’affirmatif, un raccourci sans contenu.
Si j’en restais aux premières impressions, je m’étonnerais qu’un tel creux assourdissant puisse constituer une pareille rampe de lancement, toutes tendances politiques confondues. Avant Manuel, le Nicolas, tout aussi droit dans ses bottes, tout aussi inflexible. Du style différent aujourd’hui, moins de Karcher, sans doute un peu plus d’hypocrisie malsaine (ce couplet vallsien sur le traitement estrossien des Roms, on en aurait pleuré tellement c’était beau et sans arrière-pensée.)
Trappes est donc une belle illustration de la décrépitude ambiante. Plus avisé, Manuel n’aura pas fait son discours de Grenoble, il aura fait son show à Trappes. L’état des services publics est lamentable, mais faire son incantation à l’ordre, ça ne mange pas de pain. La nécessité qui ferait loi ? Une exhibition médiatique indécente à l’époque pour quelques années plus tard, 400 contrôles au total sur 65 millions d’habitants. L’intégralité est un concept vendeur : du nu intégral au voile intégral, au bronzage intégral, l’intégralité effrayante.
Mais à la réflexion, le creux, dans son habilité communicationnelle, se fait décorer intérieurement par les fantasmes de la population qui vote, se fait même submerger par la vindicte populaire. L’intégral nous fait nous terrer dans les coins.
La république de l’intérieur bredouille l’évidence des règles simples, d’évidence dans une situation de crise économique majeure avec ces quelques millions de personnes sur le carreau : la république est une et indivisible ? C’est cela oui, regarde là-haut l’autruche qui vole !
Ajouter quelques couplets sur l’ordre, identifier le ministre à l’ordre. En ces périodes caniculaires, le désordre est un épouvantail efficace. La méthode Coué de l’ordre républicain brait son jingle sédatif qui évite le changement et le mal de tête.
Glisser entre la poire et le fromage, quelques petites saloperies qui volètent l’air de rien : pas assez de Français sur certains marchés, la saleté des camps de Roms, le fondamentalisme musulman et puis resservir la soupe humaniste et républicaine et s’indigner aux dérapages du voisin.
Valls a une super qualité : il n’a jamais eu aucune idée, il a juste une ambition. C’est pour cette raison qu’on doit se gratter la tête jusqu’à la racine des cheveux pour trouver un autre moteur passionnant, mais tel le caméléon, il prend la couleur adéquate.
Enfin, ce qu’il y a de plus désespérant, c’est l’incroyable stabilité des volailles de cour, experts auto désignés en ordrologie tapageuse (ils sont comme l’ordre, ils ne bougent pas beaucoup), locataires honoraires et inamovibles des émissions d’Yves Calvi. Quand des conseillers sont d’un aussi piètre niveau, leur réflexion folle est une calamité pour la vie démocratique, une insulte à l’intelligence. Ce sont des concierges qui caquètent sur la politesse de l’autre à se laisser habiller pour l’hiver.
Courage, manuel, encore quelques années à entendre, et l’idiotie collective pourra t’élire, président de la République dont la devise ne sera plus Liberté, égalité, fraternité.