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Billet de blog 24 septembre 2013

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Roms : une approximation lexicale pour une distance introuvable

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans un beau livre simple et savant, la dimension cachée, Edward T Hall explorait les frontières de nos espaces personnels en les appréhendant comme un territoire social dont l’ouverture et la limitation induisaient les possibilités de lien ou de rejet. Postulat bien évidemment culturel ; en fonction des lieux et des structures, se tenir la main, être très proche n’ont pas du tout la même signification.

La fausse question Rom (qui aboutit à un vrai rejet) vient réalimenter le thème de cette dimension cachée. Il est marqué  par le sceau du flou : on ne sait pas vraiment de qui on parle ; on dirait qu’ils viennent de là-bas en montrant du doigt une vague direction vers l’Est, grand symbole de l’envahissement. Un contact simplement visuel avec leurs silhouettes  déclenche chez certains sédentaires un mélange phobie et de paranoïa.

L’idée du nomadisme est, en effet, devenue  une représentation extrêmement négative dans  notre société (même si ce nomadisme n’a que de très vagues rapports avec la réalité quand on chercherait plutôt à stationner là  où  on peut survivre). Elle évoque l’envahissement par les Barbares, la terre brulée tout en mettant en avant un mode de vie des cueilleurs-chasseurs dont on pense qu’ils vont tirer une utilisation maximale des ressources qu’ils trouvent à l’endroit  ou ils le trouvent : naturalisée, cette vision donne l’image de la nuée de crickets, du déferlement.

L’irrationnel règne donc en maître, renforcé par la situation de crise dans nos sociétés de l’accumulation ou toute atteinte même symbolique à nos provisions, à nos propriétés relève du crime de lèse-majesté. C’est de cette crainte de mourir dépouillé dont il est question et dont le nom de Rom est le bouc émissaire.

Bien évidemment, on ne va pas faire dans la naïveté, dans l’amour universel, le partage de la rareté n’est pas chose facile, les conflits existent, mais l’inquiétant vient du fait qu’on disqualifie l’usage de la parole pour magnifier le passage à l’acte : ces images de pelleteuses qui détruisent les caravanes ou les cabanes sont là pour convaincre la population d’un mal absolu et c’est bien sur lamentable. (Valsien dans l’ignominie dirais je)

L’explosion de l’exception, du para normal signe quelque chose du haineux : là, ou la justice est mécanique, le rapport méprisant, il y a de la ratonnade dans l’air.

Peut être qu’un jour d’éminents chercheurs nous diront pourquoi dans les années 2000, une raclette posée sur un pare-brise signifiait une agression insupportable, pourquoi la vente d’une revue était violente,pourquoi l’accès au débat était refusé à des êtres humains et pourquoi le préjugé était devenu le huitième commandement.

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