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Billet de blog 25 juin 2014

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La loi de la mort et la mort de la loi.

À quel moment, la loi meurt-elle en nous ? C’est quand nous mourrons nous-mêmes.Ainsi, les paisibles, les assassinés, les suicidés, les accidentés, les génocidés, les longues et douloureuses maladies convergent vers l’indicible et l’incessible, nimbés des mots de départ ou de disparition.

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À quel moment, la loi meurt-elle en nous ? C’est quand nous mourrons nous-mêmes.

Ainsi, les paisibles, les assassinés, les suicidés, les accidentés, les génocidés, les longues et douloureuses maladies convergent vers l’indicible et l’incessible, nimbés des mots de départ ou de disparition. Il vaut mieux être armé pour accompagner l’autre dans ce passage, c’est un des moments de notre humanité totale ou une conscience, une histoire, une vie cessent d’exister, nous laissant à la confiance de nos mémoires, à l’aléatoire de nos interprétations, à nos chagrins inconsolables. Vivre ces moments, c’est tragiquement grandir, mais aussi, pour certains, trouver sens et morale à la vie, pour d’autres, s’enfoncer dans l’absurde au quotidien.

Mort violente, mort lente, il n’y a rien qui ne départage sinon les conditions de la souffrance et de l’indignité. C’est tout le sens de la loi, chargée de protéger l’humain jusqu’au bout de son voyage et veiller à ce qu’il ne soit pas traité comme une chose ou comme une bête. Mais, dans ces moments, nos volontés, nos paroles, nos silences ne font pas force de loi parce qu’ils rencontrent les désirs de l’autre, la force de la contention sociétale. Il ne fait pas toujours bon parler parce que cela suscite l’anticipation de l’auditeur, la pensée de sa propre peau, mais c’est absolument nécessaire.

Enterrer, incinérer, embaumer, disperser, panthéoniser, construire des rituels de séparation immédiate et durable, pouvoir dépasser le sensible du présent et composer ainsi l’absence. Se faire à sa propre absence est bien sûr impossible tout seul et les introuvables corps des passagers de l’avion disparu peuvent nous hanter aussi

C’est une bien étrange affaire : il y a un médecin aux assises pour l’avoir donnée, il y a une famille qui se déchire pour débrancher et pour rester branché, il y a la loi, les assises, le Conseil d’État, la Cour européenne des droits de l’homme. Il y aura et il y a eu ces moments si particuliers ou les poumons ne vont plus chercher l’air, ne l’expirent plus,ou de battre les cœurs se sont arrêtés, ce fulgurant moment indescriptible,  cette trouée  séparant le  mouvement de vie et  l’état de mort, ce fulgurant moment de certitude. Endeuillé, on peut refaire cette séquence  des nuits durant pour en approcher la substance, pour être bien sûr de l’avoir accompagnée jusqu’au bout du possible.

Pour nos aimés, on aimerait que cela n’arrive jamais, mais on s’y prépare. Penser donc naïvement qu’il n’y aurait que des lois de la vie nous rend quelque peu aveugle. Oui, la vie dans la mesure où elle se vit a ses conditions de lien et de rencontre avec l’autre ; elle a un prix et n’est pas à n’importe quel prix ; elle n’est pas éternelle à notre échelle.

Une fois dit ça, on doit faire avec dans un bricolage douloureux, douloureux parce qu’il ne rattrapera rien. Je défends le bricolage légalisé parce qu’il offre un espace de douceur et de sérénité et que de voir se déchirer, devant un agonisant chronique, une famille me semble (mais  ce n’est pas de leur faute) relever de la transgression la plus indécente.

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