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Billet de blog 26 mai 2014

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La vie qui vaut, la vie qui compte.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Des questions simples traversent la vie de l’être humain. Elles ont, en fonction des âges, des saveurs différentes, des urgences particulières. Leur simplicité a le tranchant d’une lame de couteau. Deux émergent aujourd’hui avec obstination : où vivre et que faire ? On peut les inverser puisque, derrière ces questions, un grand quelque chose de la dignité de vivre, du droit à prendre place dans l’humain impose sa présence.

En creux, l’exilé, par les dangers insensés qu’il accepte, titille le ressenti de nos enfers auxquels il aspire comme paradis. Accoster un paradis inhospitalier en déjouant la noyade, voilà bien la force de la rage de vivre des hommes et le dilemme d’Orphée qui doit toujours regarder devant.

Beaucoup d’entre nous n’ont pas à se poser la question du lieu où vivre, tant  semble aller de soi ce lien avec une histoire, des valeurs, des fidélités, des évidences, mais l’actualité récente, à partir d’entrées extrêmement différentes, indique l’épuisement de nos lieux habituels, leur moderne neurasthénie à encaisser l’immédiat avec son corollaire du « que pouvons espérer » ; il faut décidément pour certains partir ailleurs. Il y a peu d’analogies entre la mort tragique de la jeune reporter en Centre Afrique et l’épopée  de jeunes dit djihadistes vers la Syrie, l’engagement du témoignage et le témoignage de l’engagement. Néanmoins, il est question de cause, cause à porter, cause à montrer, cause à défendre et la cause s’inscrit dans un sens ; il n’y a pas de cause sans sens à donner, et cela sur fond d’agacement d’une jeunesse qui n’a décidément pas de temps à perdre. Ailleurs, il faut chercher a à croire et à manger par un mouvement d’épure, de conviction, de raccourcissement.

Nous voyons, non sans fascination, l’irruption d’un terrain commun, la guerre, où se joue cette partie. Que dire de ce rapport au risque funambule qui n’est pas de l’addiction, mais qui pourrait être de l’ordalie. La vie me laissera-t-elle vivre ? Les casques sont trop grands et protègent mal. La guerre est ce théâtre kaléidoscope où l’on peut patiemment et joyeusement tenter de chercher les traces d’homme dans le pire comme le faisait Camille Lepage, ou tendre à endosser l’héroïsme du vainqueur, la force du combattant. Vivre la guerre ou regarder vivre la guerre, telle est la question.

Le système médiatique donne à voir une bien vilaine image de ces nouveaux aventuriers. En instantané, en boucle, il induit une vision particulièrement terroriste ou bravache de ces destins, surchargés de sensationnel, d’émotionnel, de vendable sur le marché de la cruauté jetable et de la compassion à géométrie variable à un endroit où les questions posées seraient beaucoup plus essentielles, subversives et s’accommoderaient de moins de frénésie d’audience et davantage de désirs de rencontre et de compréhension.

Les méchants, les gentils, les intégrés, les intégristes font trop injure à un mouvement qui dit que c’est en marchant qu’on arrive à penser et qu’on sort des impasses par le haut, dans la difficulté, la contradiction en s'estimant un peu.

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