Faire moderne, c’est assigner au mot une autre signification ; le courage, passé à la moulinette du progrès sort lessivé, essoré de l’opération. Le courage était un acte de cohérence et de dignité avec soi-même qui imposait une prise de risque : on était courageux parce qu’on n’acceptait pas l’évident, la facilité, la parole haineuse de la multitude ; plus profondément : le courage n’était pas de hurler avec les loups.
Par une étrange transmutation, le courage est un devenu un acte de basse communication politicienne : on valide l’ignorance et le préjugé des gens, on les conforte dans la haine ordinaire, on les encourage même à l’exprimer et pour les flatter, on passe à l’acte, mobilisant pelleteuses, force de l’ordre tandis qu’on décrète la sous humanité. Pourquoi prendre la précaution d’évoquer encore des pays d’origine alors que peut être des camps d’internement placés judicieusement dans des zones rurales n’offusqueraient plus les autochtones, l’Europe sociale est assez grande. Ce courage donne envie de vomir.
J’ai bien sur conscience que mon écriture est provocante, mais elle l’est moins que la gravité de la situation. Au fond, entre les milices d’Aube dorée qui écument les quartiers grecs pour les débarrasser des indésirables étrangers et la stigmatisation des Roms, il commence à y avoir l’épaisseur d’une feuille de cigarette, la différence étant surtout dans l’existence d’un service après-vente policé dans la deuxième hypothèse (cacher l’horreur que nous ne saurions voir).
Finalement, ce ne sont pas des affaires de police et de maintien de l’ordre républicain qui provoquent la folie ordinaire, mais plutôt le fait que dans la rhétorique néo-libérale, les Roms n’ont aucune justification, leur mode de production, leur façon de vivre (dépendante du rejet dont ils sont l’objet), leurs consommations ne générant aucun profit. Et dans notre merveilleux système, il ne fait pas bon ne pas être une pompe à fric, captive et contrôlée.
La criminologie façon Bauer, c’est ça : organiser la rentabilité des espaces par la terreur au service de la tranquillité du nanti.
Quel est donc ce foutu horizon européen qu’on nous propose, les riches dans leurs bunkers, les pauvres dans leurs prisons ?Je suis franchement exaspéré quand je vois que cette exclusion est approuvée par un parti qui n’a pas honte de s’appeler socialiste, portée par un ministre dont les parents habitaient une contrée de sinistre dictature, et commentée par une souriante ministre dont le prénom est Najat.
Puits, nous sommes encore loin de ton fond, que le crépuscule est têtu.