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Billet de blog 30 mai 2013

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Un vestiaire, un vestiaire pour mon royaume

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je fréquente avec une grande assiduité une salle de sport. Que faire dans une salle de sport ? Du sport certes. Mais la répétitivité des mouvements impose une méfiance aiguisée par rapport à la gratuité des gestes. Il convient de donner du sens à l’effort. Par nécessité intellectuelle, mes objectifs prennent valeur sur deux pratiques, le cardio-training et la musculation. Je vise donc pour moi, les impossibles capacités pulmonaires, une irrésistible force virile, une indomptable résistance à l’effort de longue durée, un corps qui marche bien avec sa tête, une tête légère et même amnésique, une lutte contre le délabrement qui, les jours de soleil et de brise, se prend à rêver de séduction.

Atteindre ce nirvana au prix d’un abonnement modique est un miracle de la société moderne. Je me sens un peu décalé dans la communauté du corps parfait, la présence des miroirs agaçant mes inhibitions héréditaires. Pourtant, le miroir envahissant n’est pas le monstre dévorant que j’imaginais ; on peut se le coltiner de mille manières : regarder le miroir comme objet d’avant la réflexion, regarder discrètement les autres dans le miroir, se concentrer sur l’image. Mille possibilités fines et diffuses d’échapper à sa contemplation maladive et sentencieuse.

Mais, tout bien réfléchi, l’attrait de cette salle de sport réside moins dans ses appareils que dans son vestiaire. Coulisse d’un théâtre éphémère, confessionnal pour masse musculaire déprimé, repos du guerrier, espace de relâchement, complicité de la communauté des hommes entre eux, construction d’un éternel féminin toujours plus incompréhensible, indifférent et cruel, exposition des blessures du corps et de l’âme, sentiment inquiet du temps qui passe, le vestiaire est une tragi-comédie légère, rapide , furtive ou les fragilités se révèlent , ou les faiblesses s’autorisent à devenir visibles.

Passer donc la porte du vestiaire avant et après l’effort relève donc de la métamorphose du papillon avec cette particularité inouïe d’un transformisme permanent entre chenille, chrysalide et papillon. Finalement, la salle de sport grâce au vestiaire m’accepte  bienveillamment   comme chenille, me reconnait un peu comme papillon et me laisse vivre sans discussion ma vie de chrysalide. Quand on y pense, la salle de sport avec vestiaire est un luxe rare.

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