Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

240 Billets

0 Édition

Billet de blog 31 décembre 2014

Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

Ouvrir des places et mourir de froid.

Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comment éviter de nommer l’indispensable et ainsi  d’avancer ? C’est d’abord inventer de toute pièce une nouvelle langue, rendant caduque la fraternité  avec la langue ordinaire. C’est ensuite métaphoriser un propos qui pue des pieds et qui fait peur pour enjoliver et brouiller les pistes. Par conséquent, comment résoudre de faux  problèmes dont les mots sont pipés ?

En effet, les pouvoirs trichent. Nommant un point très général sur des individus rendus  trop spécifiques, la place d’urgence marque d’entrée d’énonciation,  sa limite humanitaire, le lien de ressemblance s’opérant sur les capacités du corps à rester tempéré ; les sans-abris ne sont donc pas tout à fait des serpents.

L’urgence rameute immanquablement sa fausse jumelle, la calamité naturelle. Tu parles. L’hiver a le bon gout de revenir tous les ans, amenant sa probabilité de température trop basse. Et alors ?

J’en conviens la question du logement n’est pas toujours simple. Appréhender sous l’angle mécanique d’un manque d’objet, elle résiste. Il ne suffit pas que  du toit sur la tête. Mais, pour autant  l’argument vaut surtout  comme joker d’inaction.

C’est en effet un parcours de distance variable sur ce jeu de l’oie;  tu tombes sur une case, tu retournes en prison, tu tombes sur une autre case, tu recommences, tu tombes sur la bonne case, tu avances. La seule condition pour espérer, être dans le jeu,la responsabilité des politiques publiques  et leur honneur , étant de garantir la possibilité de jouer.

N’envisager que du global, du bâtisseur est certes insuffisant, mais oublier qu’il constitue la base, la nécessité, le préalable est une escroquerie. L’exclu, le sans abri disent quelque chose de profond sur notre monde, celui du critère de rentabilité ou des pans entiers du corps social n’en font plus partie et peuvent geler sans problème. Qu’est-ce que ça coute ? Dans les ARS et dans la rue,   le fonctionnaire de Bercy jette un froid glacial avec sa sensibilité excelcienne et sa calculette à la place des neurones. 

Qu’y a –t-il de moins rentable qu’une masse de chiffons en train de faire la manche. A quoi ça sert ? Se faire prendre en photo avec eux ? Et on perçoit mieux l’hypocrisie de responsables et de technocrates qui font tout  et le maximum 364 jours durant pour débusquer le superflu, le non solvable, le ralentisseur et qui se payent leur sanglot compassionnel le trois cent cinquième jour.

Grande est la tentation d’ouvrir des places vides, je veux dire par là des places qui accueillent autre chose que des hommes, des places de Robinson Crusoé leur déniant ainsi toute consistance, toute réalité. Ouvrir des places, c’est comme ouvrir des coquilles de noix vides.

Et bien sûr que cette question est d’abord politique. Notre gouvernement a pour critère que si la police ne peut rien faire, le problème n’existe pas. Ce projet de faire place, d’accueillir n’est pas clairement pas leur projet. Au bar de Matignon, les conversations sont ailleurs, elles invitent à la tournée des sacrifices.

L’Europe est folle, elle ne mérite que des commissaires qui invitent en Grèce, les gens à voter pour ceux qui les empêchent de se soigner, de travailler. La France reçoit  le prix d'insistance du  très bon élève de premier rang. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.