Après deux mandats, fort contestables, et fortement contestés Joseph Kabila voudrait bien poursuivre « son œuvre de développement » de la RDC. Son projet social doit avoir quelque chose d’extraordinaire, puisqu’il n’arrive pas à le réaliser durant ses deux mandats qui touchent à leur fin. Il a alors décidé de réviser ou de réaménager la constitution qui l’empêche d’aller au-delà. Rien que l’idée fait bouillir la marmite congolaise.
Les Congolais ont eux aussi pris une décision, ils ont dit NON. Après les partis de l’opposition, les ONG ont pris position et l’ont fait savoir aux deux présidents des chambres du Parlement, Léon Kengo, président de la Chambre haute, et Aubin Minaku, président de l’Assemblée Nationale. Juste pour rappel, le premier a mis en garde contre l’entreprise présidentielle, le second la défend corps et âme.
Dans le discours d’ouverture de la session ordinaire du Sénat (septembre 2014), Léon Kengo s’est déclaré « pour le respect par tous de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République dans son ensemble, telle qu’adoptée par le référendum populaire en 2005 ». Voilà qui est clair. En tant que juriste le président du Sénat s’interroge « comment une Constitution qui prévoit des dispositions intangibles peut-elle autoriser les institutions issues d’elle de modifier lesdites dispositions sans tomber dans un cas flagrant de violation intentionnelle de la Constitution ? ».
De l’autre côté, les 650 ONG ont élaboré un mémo et invité le parlement à le prendre en considération. Leur objectif est d’ « attirer l’attention des organisations de base sur les risques de dérive autoritaire et d’atteinte aux droits de l’homme qui pèsent sur la nation ». Vu comme çà, le risque est évidemment très grand.
Aussi, la rentrée parlementaire du 15 septembre a dû être assez studieuse. Les ONG disent qu’on ne peut pas la leur faire deux fois. Ils n’ont pas oublié les dégâts de la révision de 2011 par laquelle le président s’est accordé de nouveaux pouvoirs et supprimé son élection en deux tours. Maintenant, les observateurs et les Congolais savent que ce n’était qu’un tour d’échauffement. Aujourd’hui, le projet de révision comporte des risques plus graves, puisqu’il porte sur un élément fondamental de la culture démocratique, les mandats présidentiels.
L’Assemblée nationale et le Sénat saisiront-ils l’opportunité du débat offerte par le mémo des ONG ? Surtout que le président Kabila semble décidé à allonger sa présidence. Inépuisable, pour dépasser les contraintes politiques, il a même envisagé de recourir au référendum. Mais là aussi les ONG ont bien senti le coup. «Le référendum pose [...] des difficultés quant à la capacité du peuple à se prononcer en connaissance de cause, notamment au vu des éléments qui lui sont fournis à cette fin. D’abord, fort souvent, la manière dont la question est élaborée, en matière de référendum, est entourée d’une certaine ambiguïté. Elle ne permet pas à ceux appelés à se prononcer de saisir les vrais enjeux », mettent en garde les ONG dans leur mémo, soulignant que « cette voie ne serait qu’une astuce pour maintenir Joseph Kabila au pouvoir après 2016 ».
Cependant, magnanimes, ces ONG ont pensé à une juste récompense du président. Elles ont alors élaboré un projet de loi sur les anciens présidents de la république. Puisqu’aucun d’eux n’est vivant, le projet s’adresse donc à Joseph Kabila.
Ainsi, « les anciens Présidents de la République élus sont de droit Sénateurs à vie », selon cette loi qui, en plus accorde à l’ex les garanties judiciaires (immunités et privilèges de juridictions), sécuritaires, matérielles (pension mensuelle), protocolaires… Les opposants à la révision ont voulu de cette manière faire miroiter au président un avenir peinard, avec les honneurs et pas mal de blé à dépenser en toute quiétude.
Pas sûr néanmoins que cette gâterie finisse par attendrir le président qui veut toujours poursuivre « son œuvre » malgré la baisse de popularité. Et c’est un sondage du site Gallup.com sur les présidents africains les plus populaires chez eux qui le constate de manière imparable. Joseph Kabila est dernier sur une liste de 26 chefs d’Etat, crédité seulement de 24%
(http://www.gallup.com/poll/174287/african-leaders-scorecard-mixed-bag.aspx).
Après le défi aux ONG, au Sénat et donc aussi aux sondages, le président devra défier les Etats-Unis. Bien sûr, ses partisans font circuler l’information que la Maison Blanche aurait donné son accord pour une nouvelle constitution, ce qui est complètement faux répondent des observateurs à Kinshasa, écrit Marie-France Cross sur La Libre Belgique. (http://www.lalibre.be/actu/international/joseph-kabila-rester-ou-non-apres-2016-540f20dc35708a6d4d54d315). Si Kabila n’a pas réussi à instaurer une égalité économique entre les régions, il a cependant réussi l’exploit de mécontenter les Congolais qui pourraient prendre mal son interprétation de la démocratie.