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Billet de blog 10 mai 2016

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Récit d'un lâche face au 49.3.

Tandis que nous vivons un coup d'Etat, je reste tranquillement devant mon PC.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je suis passé devant l’assemblée nationale à 18h40, après l’appel à s’y retrouver à 18h pour protester contre l’usage du 49.3 contre la loi El Khomri. Mais il n’y avait guère que 500 personnes. J’ai pensé que j’arrivais trop tard, que les gens étaient déjà repartis. Ce que j’ai moi-même fait. A tort : ils n’étaient pas encore arrivés. Et à présent je suis chez moi, comme un lâche, tandis que d’autres se battent contre les CRS.

J’ai remonté le boulevard Saint-Germain en ressassant des pensées misanthropes : « dans une ville de la taille de Paris, il faudrait trente rassemblements ! » ; « ces milliers de badauds ne voient donc pas qu’on subit aujourd’hui un coup d’Etat ? » ; « va t’étonner qu’on nous impose n’importe quelle loi liberticide, vu notre mollesse…

Puis la colère : après l’état d’urgence, après l’écrasement devant l’ultralibéralisme de Bruxelles, voilà que le gouvernement méprise ce qui restait de la République. Beaucoup de gens se mettent à dire que le PS est de droite, mais ils ont encore un temps de retard : le PS établit une dictature des milieux financiers avec l’appui des forces de l’ordre, il relève bien de l’extrême droite classique. Le Pen, tu as déjà gagné.

Alors je vais à l’assemblée par procuration (j’ai mes informateurs) :

Illustration 1
Au premier rang, les voyous, souvent assez bêtes pour croire sincèrement qu’ils défendent la République.

Résumons :

- Le gouvernement passe en force sur une loi à laquelle s’opposent les trois quarts des Français, une loi qui, par l’inversion de la hiérarchie des normes, soumettra l’essentiel des salariés au pouvoir de leur employeur (c’est-à-dire des taux d’intérêt imposés par les banques.)

- Le gouvernement continue de prétendre être de gauche. De même, il y a quelques jours, j’ai croisé une estrade du PS du 11ème qui célébrait l’anniversaire du Front Populaire. Ça ne m’énerve même plus, ça m’a juste fait marrer, tellement c’est ridicule.

- De véritables républicains se réunissent devant l’assemblée. J’y suis manifestement parmi les premiers, trop tôt. Je participe tout de même au blocage de la rue, avant de m’enfuir, en bon misanthrope.

- La foule s’amasse, s’excite, et n’est pas d’humeur à partir. Il est 20 heures passées. Les CRS lancent une sommation. Alors certains montent des barricades.

- Mercredi matin, sans doute, Hollande aura des rencards avec quelques patrons du CAC 40 : les gens qu’il respecte. Et les opposants à sa loi seront qualifiés « d’ennemis de la gauche ».

Illustration 2
Le boulevard Saint-Germain, le 10 mai vers 20h30

Ce sera peut-être un déclic. Vers la grève générale, le blocage de l’économie jusqu’à sortir de ce monde où des crétins bardés de MBA sont montrés en exemples – quitte à mettre en faillite quelques centaines d’entrepreneurs ; mais je n’ai pas d’état d’âme pour des patrons qui croient que l’intérêt général est la somme des comptes d’exploitation des entreprises françaises.

Ou bien, va savoir, les gens seront raisonnables : c’est le bon sens français, ils savent bien qu’il vaut mieux rester dans son coin à bouffer des burgers ; et à espérer que leur avenir sera un peu moins pire que leurs pires cauchemars.

Il faut les comprendre. Nous n’avons pas le temps de penser. Et puis, on a nos crédits, nos petits soucis, nos comptes Facebook à gérer chaque jour…

Je ne m’exalte pas, remarquez : j’ai été paresseux et lâche, tandis que l’élite de nos forces vives se battait devant l’Assemblée.

(A suivre.)

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