(Les propos du premier ministre, prononcés le 12 mai avant le vote de la motion de censure, figurent en caractères droits, tandis que nos commentaires sont en caractères gras. Rappelons qu'avant lui, M. Jacob, LR, et M. Chassaigne, PCF, s'étaient notamment exprimés.)
Gouverner, c'est faire des choix, les assumer, les porter dans la durée, aussi savoir écouter et bâtir des compromis.
(Candeur social-libérale : Valls pense sincèrement être un homme de compromis, de dialogue. Il est indéniable qu’il dialogue beaucoup, qu’il a de véritables débats d’idées avec d’autres personnes. Mais ce dialogisme est biaisé, sans qu’il en soit conscient : il ne dialogue quasiment qu’avec des pairs, des banquiers et des hauts fonctionnaires qui conçoivent la politique comme de la gestion, et tiennent pour indépassables les principes du marché tels qu’ils sont notamment définis par l’UE et l’OMC.)
(Il y a donc un premier mensonge, inconscient lui aussi : « faire des choix », c’est ce que Valls ne fait que dans un cadre très restreint, avec l’étroitesse d’esprit de ceux dont la vision du monde est terriblement étroite, idéologique.)
C'est fort de ces principes que j'ai engagé la responsabilité du gouvernement. Cette décision s'est imposée car derrière les appels au dialogue, il y a une volonté d'aller au blocage.
(Encore un mensonge inconscient. Sa loi détruit le dialogue social, et n’est pas combattue – mensonge cette fois conscient – par des amoureux du blocage, mais par des adversaires de l’intolérable, qui ont tenté de dialoguer en proposant des projets alternatifs, mais qui se sont heurtés à sa surdité méprisante.) (cf. par exemple la proposition de la CGT. )
Nous sommes arrivés au constat qu'une alliance des contraires était en mesure de faire obstacle à l'adoption du projet de loi.
(Pure posture. Celle de l’homme raisonnable, de compromis, qui serait coincé entre des extrêmes. En vérité, les opposants LR veulent simplement une loi plus dure que la loi El Khomri, tandis que les opposants de gauche veulent une loi très différente. Valls est beaucoup plus proche de LR, mais fait mine d’être à mi-chemin.)
Il y a ceux qui veulent s'affranchir des syndicats, partout et tout le temps, ceux qui trouvent que la loi donne trop de droits aux salariés, ceux qui considèrent qu'au contraire elle remet en cause des droits des salariés.
Des oppositions s'expriment ici, dans la rue. Hors de question de restreindre cette liberté essentielle. Mais cela ne peut pas être la violence. J'appelle chacun à se démarquer de ceux qui jouent le coup de force, à ne pas souffler sur les braises car ne pas condamner cette violence c'est mettre en cause la République.
(Mensonge de droite autoritaire : la plupart des violences et des provocations ont été commises par les forces « de l’ordre », qui ont sali la République ; cf. l'analyse d'ACRIMED. Valls a instrumentalisé des faits violents pour détourner le débat public. Sur ce point, il est ignoble.)
Gouverner, ce n'est pas craindre le débat, c'est aussi savoir le clore quand il faut. Combien de temps allons-nous continuer à opposer employeurs et salariés ?
(Argumentaire de droite libérale : le refus de reconnaître l’existence d’intérêts divergents entre employeurs et salariés est une caractéristique fondamentale de l’idéologie de droite.)
Ni le gouvernement, ni le groupe socialiste n'ont de leçons de gauche à recevoir du Front de gauche. (...) Plus de 340 amendements ont été adoptés en commission. Chacun a fait des pas et apporté des améliorations. Sortons des postures et des caricatures.
(Sophisme : parce que la loi serait moins pire qu’auparavant, elle serait bonne ? Les « améliorations » ne sont qu’un peu de parfum sur une bouse nocive – en particulier parce que la loi persiste à inverser la hiérarchie des normes. Le déni est ici total. Valls est bien, lui, une caricature de Matamore.)
Qu'y a-t-il dans ce projet de loi qui a alimenté tous les fantasmes ?
(Pur mépris, que ce « fantasmes ». L’argumentaire de la vraie gauche est précis, beaucoup plus que celui qu’ont avancé le gouvernement et les médias – qui n’ont l’air de n’avoir connaissance ni de l’expertise des syndicats en la matière, ni des enjeux des relations de subordination.)
Amener sur le marché du travail ceux qui en sont exclus. S'il y a un échec français, c'est celui de la dualité du marché du travail. Il faut permettre à nos entreprises de créer plus d'emploi. Aujourd'hui, embaucher en CDI pour les petites entreprises, c'est faire un pari sur l'avenir. Le licenciement a actuellement pour seul cadre une législation imprécise et une jurisprudence fluctuante.
(Mensonge par omission : il reconnaît l’exclusion sociale, mais réduit sa cause à des réalités juridiques, sans considérer les causes politiques – le choix étroit du néolibéralisme – et en laissant entendre que la simplification du droit entraînera mécaniquement une baisse du chômage.)
Le projet de loi clarifie les motifs de licenciement économique, non pas pour faciliter les licenciements, mais donner plus de visibilité (sur quoi ?) et favoriser les embauches en CDI (sans obligations de contreparties ; c’est donc un vœu pieux, la même promesse existait à la création du CICE). La moitié des contrats courts dure moins d'une semaine, il faut combattre cela, c'est l'enjeu des négociations sur l'assurance-chômage
(Cette phrase repose sur l’argument ressassé ces derniers mois, mais de mauvaise foi, selon lequel 87% des contrats signés sont en CDD ; ce qui est vrai, sauf que le même pourcentage de personnes travaille en CDI. Tout bêtement, certaines personnes signent 5 ou 20 CDD dans l’année, mais celle qui signe un CDI ne signera généralement pas d’autre. La mauvaise foi consiste ici à laisser entendre que le CDD domine largement. De plus, Valls répète ici le même vœu pieux que plus haut, à savoir qu’en l’absence de contreparties, la loi inciterait les employeurs à recruter plus de CDI.)
(L’alternative ne serait pas d’interdire les CDD ou de les surtaxer, mais de plafonner le pourcentage de CDD, et de contrôler les taux excessifs – sans parler de mesures politiques de relance de la demande et de contrôle du dumping social, dû par exemple aux fraudes aux détachements ; ce type de mesures n’est jamais évoqué ou étudié par le gouvernement.)
Je suis confiant en la capacité des partenaires sociaux à assumer leurs responsabilités. Ce projet de loi est une confiance dans le dialogue social.
(Candeur du social-libéralisme : se croire réaliste et objectif parce qu’on se placerait à mi-chemin entre les employeurs et les salariés.)
(Argumentaire et vocabulaire de droite libérale : parler de « partenaires sociaux » et de « responsabilités », c’est nier les aspects par lesquels employeurs et salariés sont des adversaires aux intérêts contraires ; et c’est nier qu’un déséquilibre existe entre leurs pouvoirs du fait de leur relation de subordination – le dialogue ne se fait pas d’égal-à-égal, ce que compense le Code du travail, dont le sens principal est ainsi aboli.)
Ce texte n'inverse pas la hiérarchie des normes. M. Chassaigne, vous faites une intervention sur la démocratie mais ne voulez pas du dialogue dans l'entreprise ! Ne mentez pas quand vous présentez ce texte. (...) La première garantie c'est que les souplesses accordées aux entreprises ne pourront l'être que par accord, par principe majoritaire. Qui peut penser qu'un accord signé par des organisations représentant plus de 50 % des salariés soit le signe d'un dumping social ?
(Vision du monde patronale, basée sur un déni de la réalité. La loi n’inverserait pas hiérarchie des normes si le dialogue était équilibré entre les salariés et les employeurs. Or ce n’est le cas – tautologique – qu’avec les salariés assez dociles pour adhérer à la vision de leur patron. Dans le cas contraire, le chantage au licenciement, au plan social, à la pression psychologique, etc., empêchent ce dialogue. En pratique, les petits employeurs pourront imposer des accords moins-disant, qu’approuveront des syndicats trop faibles pour se battre ou des référendums démagogiques, ce qui conduira de fait à l’inversion de la hiérarchie des normes. Valls prône des dialogues qui conduiront tous à des accords défavorables aux salariés. Belle conception du dialogue social, liée à un joli mépris pour Chassaigne, qui veut la persistance d’un dialogue véritable.)
Le projet de loi c'est aussi de grandes avancées pour les salariés. Ce texte porte cette grande révolution qu'est le compte personnel d'activité (CPA), il faut que tous les droits suivent tout du long de la carrière, construire cette sécurité sociale professionnelle dont on parle depuis longtemps. Dès la publication de la loi, chaque salarié peu qualifié bénéficiera automatiquement de 48 heures de formation créditées sur son CPA.
(Argumentaire social-libéral. Le CPA individualisera les droits, ce qui les fragilisera, tandis qu’un droit solide est collectif. De plus, le CPA risque fort d’être une coquille vide ou une usine à gaz. Obtenir les formations souhaitées est actuellement un parcours du combattant.)
Des bourses seront prolongées de quatre mois, de nouveaux droits pour les travailleurs indépendants, le droit à la déconnexion, le droit de prendre des congés dès le début du contrat...
(Quelques nouveaux droits apparaissent. Ils paraissent toutefois bien faibles.)
La loi travail est une loi de progrès social et une réforme indispensable pour notre pays.
(Le pire mensonge : Valls veut faire croire qu’il est de gauche. Celle loi répond en fait à une commande la commission européenne, qui a demandé une réforme et une déréglementation du droit du travail français.)
Il faut toujours revenir au fondement d'une motion de censure. Au fond, que voulez-vous censurer ? La confiance aux acteurs de terrains, aux chefs d'entreprise, aux salariés ? A la visibilité que pourront avoir les entrepreneurs ? L'encadrement du recours au CDD ? De répondre à l'inquiétude de nos jeunes ? D'agir pour accompagner des carrières moins linéaires ? (...)
(Mauvaise foi persistante. La censure de gauche visait autre chose, que Valls a évacué en accusant Chassaigne de mensonge. Vive le dialogue et la démocratie.)
C'est tout cela que vous voulez censurer. Je sais qu'une motion de censure dite de gauche a été envisagée pour renverser le gouvernement. Et donc, faire tomber cette majorité, qui a créé la prime d'activité, augmenté le RSA, engagé la France sur la voie de la transition énergétique, créé le mariage pour tous... Vous voulez faire tomber cette majorité ?
(Mensonge par omission. Cette majorité a aussi multiplié les aides au patronat, fait régresser le droit syndical, autorisé le travail du dimanche, poursuivi le gel des traitements des fonctionnaires, transféré aux préfets des pouvoirs décentralisés, et institué un état d’urgence inefficace et discriminant, tout en renonçant à d’innombrables engagements.)
Cette démarche aventureuse a un intérêt : celui d'une clarification entre ceux qui s’arc-boutent sur le passé et ceux qui voient l'avenir. Je prends cette tentative pour ce qu'elle est, et elle est grave. Mais leurs signataires sont dans une impasse. Je ne laisserai pas la gauche du gouvernement, la social-démocratie française et le temps de la clarification est venu.
(Posture de gauche réformiste, de la « social-démocratie » raisonnable et moderne, par rapport à la « démarche aventureuse » gauchiste et passéiste. Valls refuse toujours de considérer les critiques et les arguments de ses opposants de gauche, qui accusent justement la loi d’être passéiste en permettant un retour au 19e siècle – avant la hiérarchie des normes –.)
M. Jacob, vous voudriez tellement que tout aille mal. La France est en train de relever la tête. Il y a des premiers résultats, il faut les consolider mais nous sommes sur la bonne voie. La croissance revient, portée par la consommation des ménages, à un niveau inédit depuis 2004. (...) Nous avons agi, face à la situation que nous avons trouvée en 2012, 600 milliards de dettes que vous nous avez laissées. (...) Censurer est une chose, caricaturer c'est la facilité des faibles, proposer et réformer en est une autre. Pendant que vous hurlez, ce débat que nous avons aujourd'hui anticipe celui que nous aurons bientôt devant les Français, et vous devrez leur dire clairement les moyens que vous voulez employer.
(Le mépris s’adresse aussi à LR. Le mensonge concerne cette fois le bilan, qui semble bien positif.)
Pensez-vous que notre pays a-t-il besoin de la suppression de l'ISF alors qu'il y a un besoin de solidarité ? Couper 100 milliards dans les dépenses publiques sans couper dans les forces de l'ordre, la justice, l'éducation ou la santé ? Comment ferez-vous toutes ces économies en faisant un effort sans précédent dans la défense comme le dit Nicolas Sarkozy ? Faut-il supprimer 300 000 emplois de fonctionnaires alors que les Français demandent davantage de services publics et que vous demandez en parallèle plus de gendarmes, plus de policiers, plus d'enseignants ? Quelle cohérence ? Quels mensonges aux Français !
(Posture de gauche combative. Cela omet que le PS a réduit le budget public, n’a pas tenu ses promesses sur les emplois de fonctionnaires et a affaibli de nombreuses structures de solidarité, parce qu’il a suivi la même logique néolibérale que LR – qui s’en démarquent en faisant de la surenchère.)
Il y a le projet, et la méthode. Légiférer par ordonnance, est-ce respecter les droits du Parlement ? Contester le 49-3, c'est votre droit, voire une posture quand on est dans l'opposition. Mais pensez-vous que faire passer 15 lois dans une journée, comme j'ai pu l'entendre dans vos rangs, c'est respecter le débat parlementaire ? Ce que vous proposez, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, c'est de la violence. Ce que nos compatriotes attendent, c'est que nous mettions notre pays en mouvement, sans démagogie.
(Une vérité pleine de candeur : beaucoup de gens en ont assez de la démagogie, celle de Valls en particulier.)
Je suis fier de ce projet de loi.
(Vérité sans ombre : Valls est vraiment fier.)