Quelle surprise, cette campagne de boycott qui semble proposée comme immédiate par Pierre Zarka ! Je réagis par ce texte parce que, en temps et en heure, elle comporte des dangers importants.
Il m’est arrivé, en 1969, d’en faire une : « bonnet blanc- blanc bonnet », après la démission de De Gaulle et l’élimination au deuxième tour des partis de gauche (Duclos, 21,27%, Defferre, 5 %, Rocard, 3,61%, Krivine,1,06%). Elle était une étape qui fasse oublier le choix de la direction du PCF en mai 68 : avant tout un accord avec Mitterrand (FGDS) et Mollet (SFIO), plutôt qu’un gouvernement provisoire porté par la grève générale.
Ayant cassé la dynamique de Mai, il fallait jouer les braves : ni Pompidou, ni Poher. Et la poursuite du gaullisme, à la Pompidou.
La situation actuelle n’a rien à voir ? C’est vrai, sauf la défaite des mobilisations des dernières années. Citer les Gilets Jaunes ne fait pas oublier les manifestations contre la « Loi Travail » en 2016, soutenues au milieu des agressions policières par 75% de la population. Avec le rejet de Hollande/Valls, l’absence de majorité à l’Assemblée… Aucune force politique n’a exprimé une évidence, un mot d’ordre à débattre : cette Assemblée ne doit pas obéir au 49,3 sur une telle question ; elle doit être dissoute. Toutes étaient occupées à lancer leur échéance pour 2017. Appeler à des réunions pour des exigences politiques aurait risqué de renouer avec le style des « Nuits debout » ?
Restons attentif à un fait : 69 % des électeurs potentiels d’une gauche qui veut faire cesser les politiques gouvernementales souhaitent une unité de candidature ; les études d’opinion confirment bien des discussions. Refuser de nous mettre à l’écart d’une campagne qui aura lieu jusqu’en janvier, pour des candidatures de février à avril, consiste, à agir à l’opposé de ce que promeut Pierre Zarka. Rappelons : nous avons le 1er mai 2020 lancé le site http://ensemble-tout-est-possible.org/. Notre objectif était qu’il contribue à un cadre unitaire et permette des activités « le moment venu ». L’impatience de voir la domination capitaliste en échec n’exclut pas d’en construire les conditions, et des instruments ; on peut se reporter au site 2022 Vraiment En Commu contact@2022vec.fr
Faut-il que des forces militantes boycottent ces instruments et trois mois d’activités, pour arriver à une Assemblée anticapitaliste, alors que nous partageons les buts et le chemin, la révolution démocratique et l’autogestion ?
Dans la situation, qui ne craint pas « que le refus de voter serve à l’extrême-droite » ? Ceci appelle une analyse de l’abstention. Pierre Zarka insiste sur un fait qui a l’apparence du vrai : « ce sont plutôt les situations qui ont découlé du vote Chirac au second tour de 2002, du vote Hollande en 2012 ou du vote Macron au second tour de 2017, qui ont été à chaque fois des leviers pour l’extrême-droite ». La photo est vraie ; mais d’où venait le mouvement, l’instant d’avant ?
Dans le cas de 2002, notons que la sanction, - une abstention de 28,4% après 21,6% en 1995 et 18,65% en 1988 - vient après le gouvernement de la gauche plurielle. La déception à l’égard de cette gauche-là et de sa politique depuis 1981 se voit.
N’oublions pas nos tentatives de pérenniser une dynamique de collectifs unitaires, après 2002 et dans la foulée du succès du NON au Traité européen en 2005[1]. Depuis 2006-2007, combien de déceptions nos échecs ont provoqué ? Combien se sont reclassés dans d’autres organisations, y compris à se dire « Mélenchon est tout ce qui nous reste » ? Combien ont pensé, et nous en sommes blessé.e.s, que finalement Macron centriste était une façon de refuser les options racistes et liberticides ?
Nous verrons bien si la situation appelle « une campagne de boycott de la présidentielle », comme l’écrit Pierre Zarka. En février, pour le choix des candidatures, voire en avril… Combien de situations peuvent se produire ? Dont les pires…
Dans cette phase si confuse, le souci qu’existe « un premier terrain de rencontre pour un prolongement politique de leurs actes » est un objectif partagé. En dialogue avec toutes celles et tous ceux qui le veulent nous opposerons à toutes les droites les changements écologiques, la lutte pour l’égalité et contre les discriminations.
Plusieurs textes, discutés dans ENSEMBLE !, sont des éléments pour un avenir qui dépasse le capitalisme, qui en détruise les nuisances. Contre ce système destructeur avec ses propriétés et ses privilèges, les enjeux sont une démocratie active (radicalement démocratisée) et l’autogestion généralisée.
[1] Nous devrions, avec tous ceux et celles qui le souhaitent, réaliser une sorte de « Au fur et à mesure » : si la FASE y a sa place, que dire du NPA, des doubles langages de dirigeants du PCF, des calculs d’ex-PS … Les pages ne se tournent pas sans effort de démystification.