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Billet de blog 23 mai 2025

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Le vote du 29 mai 2005. Jalons pour mémoire

Vingt ans après… . Lancée par un « Appel des 200 », a eu une dynamique de refus et de volonté de changer, y compris pour « une autre gauche ». Faisant l’unité d’une partie du PS à toutes les autres organisations politiques de gauche, Ce texte, complété par une Charte pour une alternative au libéralisme sont plus porteurs que bien des « Programmes » ultérieurs. Une volonté unitaire…

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Vingt ans après… Cette circonstance inspire toujours un peu la presse[1]. Faudrait-il se féliciter de ce vote, et regretter que ce référendum voulu et perdu par le président Chirac, n’ait pas eu de suite ? On sait bien que, malgré la victoire du « non », le Parlement, réuni en congrès l’a ensuite adopté [2].

Cependant, rappelons la participation record pour ce rejet du traité constitutionnel européen : sept Français sur dix sont allés voter. Les abstentions ont atteint 30,26 %. Soit un taux de participation équivalent à celui enregistré lors du référendum sur le traité de Maastricht, en septembre 1992. Le non, majoritaire dans 84 départements sur 100, a obtenu 54,87 % des suffrages contre 45,13 % pour le oui. Toutefois, outre Paris, les grandes villes françaises comme Lyon, Bordeaux, Strasbourg et Toulouse ont plutôt voté oui.

Politiquement, ce résultat semble bien appeler des reclassements. Un souvenir : la couverture de Paris Match, en mars 2005, François Hollande et Nicolas Sarkozy appellent ensemble à voter « Oui ». Le Monde (30 mai 2005) souligne « la victoire de Laurent Fabius ». « Le numéro deux du Parti socialiste, partisan du non, apparaît comme le grand vainqueur du scrutin, qui a vu 67 % des électeurs de gauche — du PCF en passant par le PS, les Verts et le MRC — voter non. Les socialistes adversaires du traité constitutionnel (Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, etc.) ont remporté leur pari. En revanche, François Hollande a été battu jusque dans sa ville de Tulle, en Corrèze. »

Pour comprendre la dynamique du vote « non », deux éléments-clé, sont décisifs. La campagne contre ce texte s’est faite en décidant que la difficulté, - notamment l’ampleur du document -, ne serait pas un obstacle s’il était montré comment ce vote allait donner une forte légitimité, une validité constitutionnelle à toutes les attaques en cours, contre les services publics et les droits sociaux[3].  Cette bataille était prise en charge par une grande unité d’organisations et de militants politiques, qui animaient en commun des « meetings », souvent des « assemblées de débats » répondant aux questions.  Le style choisi pour les meetings, visait à ce que les présent·es en sortent assez confiant·es en eux/elles pour reproduire des réunions de ce type sur leurs lieux de travail. Y participaient des associations, des syndicats, la plupart des forces de la gauche.

Un grand vent d’unité !

Souvenons-nous, un instant, du contexte, de l’immense réaction populaire à la présence de Le Pen le 21 avril 2002 : de nombreux groupes militants et organisations s’étaient mis à vouloir « une autre gauche ». Lancée par un « Appel des 200 », interpellant et faisant se réunir des forces politiques, a eu une dynamique de refus et de volonté de changer. Cette jonction entre les refus, les résistances au quotidien, et le besoin de tracer une autre voie permettait une campagne en dynamique.  Comprendre, ne pas se laisser berner par les prêcheurs du « cercle de la raison » : 71 % des interventions à la télévision entre le 1er janvier et le 31 mars 2005 !  Ce traitement par les médias, in fine, amplifiait la volonté d’agir pour convaincre de voter « non ».  

Voyant que cette bataille avait des chances de gagner, - et pas seulement de « protester » et « témoigner » -, nous avons pu obtenir qu'un groupe pluraliste travaille à écrire et diffuser un document [4]: "si le non l'emporte… nos propositions pour une relance européenne".

  • Une réorientation fondamentale de la construction européenne
  • Dix mesures immédiates
  • Un nouvel édifice institutionnel
  • Une réorientation profonde des politiques de l’Union

Le texte, reproduit en fichier joint[5], est explicite pour divers sujets et exigences qui font paraître très en retrait et confus bien des « Programmes » ultérieurs.  Et les signatures montrent une diversité assez peu souvent atteinte. Diffusé, il fut adopté, formellement, par toutes les réunions qui purent en débattre durant les deux ou trois dernières semaines de campagne.

Les groupes, les militant·es, les collectifs locaux, - quelques 800 groupes locaux -, n'ont pas voulu disparaître après le vote du 29 mai 2005.  Cela a abouti à une élaboration d'une Charte pour une alternative au libéralisme (21 août 2006)[6].

 Pour sa préparation, des implications de militants syndicaux et des groupes locaux, une circulation des textes, des corrections discutées, des commissions de synthèse et des réécritures. Une ample réflexion. Puis une Assemblée des Collectifs unitaires anti-libéraux discuta, amenda et adopta le texte. Surprise ! Avec une discussion précise, la question du nucléaire trouvait une réponse politique qui permette le débat démocratique et une décision.  De même, on lit : « les droits démocratiques, déjà accordés aux citoyens européens, seront étendus immédiatement aux autres résidents étrangers. Nous nous sommes également pour l’extension de la citoyenneté permettant le droit de vote à toutes les élections. Les modalités en restent à définir ». De même au sujet de plusieurs questions écologiques. Ce document, qui serait tout à fait à sa place dans les discussions du Nouveau Front Populaire marquait la nécessité d’un « véritable projet de société » : La révolution technologique informationnelle a ouvert de nouveaux espaces d’affrontement entre la logique de l’appropriation privée et de la défense des biens communs devenus fondamentaux dans le fonctionnement de l’économie, de la société et de la démocratie ».

Dans le marasme politique de 2025, une bouffée d’air garantie : la (re)-lecture de ce texte. Mais il est sans doute nécessaire, de dire aussi , dans un article à venir, pour quelles raisons la division s'est instaurée quelques mois après son adoption.  

Pierre Cours-Salies (21 mai 2025)

[1] Dans Le Monde Diplomatique, (Mai 2025), l’article d’André Bellon : Le 29 mai 2005, un peuple disait « non ».

[2] Le 4 février 2008, à Versailles,  ce texte à peine retouché sur des détails, a été adopté par  la  « loi constitutionnelle n° 2008-103 ».

[3] - Les Echos, le 21 avril 2005, écrivait, souesle titre « Le syndrome du 21 avril plane sur le référendum » : Trois ans plus tard, le syndrome du 21 avril n'a pas disparu. Il est au contraire présent dans toutes les têtes et s'affiche sans complexe : Le pays a le moral à zéro, rongé par la crainte du chômage et la peur de l'avenir. Il ne fait plus crédit à ses dirigeants. Et il a de nouveau très envie de donner un grand coup de pied dans la fourmilière, à l'occasion du référendum sur le Traité constitutionnel européen. « A six semaines du scrutin, la méfiance est devenue le principal moteur du "non" et il constitue le sentiment majoritaire des Français lorsqu'on évoque la Constitution européenne », constate Pierre Giacometti, directeur d'Ipsos France. "Il y a trois ans, le vote protestataire était dominant dans les classes populaires. Aujourd'hui, il imprègne aussi très largement les classes moyennes".

[4] - Anticipant ces débats, plusieurs contributions à rappeler. Deux livres d’Yves Salesse  (Copernic) doivent  être signalés :   Propositions pour une autre Europe aux Editions du Félin (1997) ; et L'Europe que nous voulons  – Fayard mars 1999. « L’Europe sociale 1993 : illusion, alibi ou réalité ? » (1991) , Eliane Vogel-Polsky et Jean Vogel, Collection Etudes européennes éditions ULB. Quelle Europe pour quel monde ? Collection Espaces Marx (éd. Syllepse, 2003) Coordonné par Elisabeth Gauthier et Jacques Le Dauphin ;

[5]  Parti de Gauche - Midi Pyrénées    https://www.gauchemip.org › spip › article434

https://www.bellaciao.org/fr/Si-le-NON-l-emporte-PROPOSITIONS-POUR-UNE-RELANCE-EUROPEENNE

[6] - charte29 PDF (hussonet.free.fr

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