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Billet de blog 1 mai 2010

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7.

Il lut d'abord en silence, les mots résonnaient dans son cerveau, il voyait la page dans son entier, ratures, rajouts, texte, tissu de sons codés. Puis les mots sortirent de sa bouche, lui revenaient par les oreilles, à voix basse, d'abord, mal assurée, puis de voix plus ferme, grave, soigneuse.

"Je songeai donc qu'il était peut-être temps de s'halluciner un peu. Dire, par exemple, le bleuté que la lune diffusait sur ce froid crépuscule d'automne, entre deux nuages. Dire, aussi, la présence, prés de Poitiers, des collines de Jérusalem, au-delà du Clain, face à la falaise qui le surplombe. Collines aux lumiéres ténues, aux maisons blanches teintées du bleu de la nuit qui s'établissait dans le fracas que déclenchaient les passages sans cesse renouvelés des trains archaïques parce que métalliques.

Voir, pensai-je, mais voir à travers le changement continu de notre texture ; entendre, à travers et avec les craquements réjouissants des fils ténus qui nous tenaient.

Lui, qui était encore ivre, chantait une chanson bête, quelque chose comme l'histoire d'un scarabée de porcelaine qu'il aurait porté à son cou.

"Puisque tout change, puisque plus rien n'est sûr désormais, et comme rien ne sera jamais définitif, essayons de saisir les mouvements incongrus de ce texte."

Qu'aurais-je pu dire de plus. Sinon, peut-être l'histoire de mes pas qui claquaient autrefois sur le pavé sonore d'une rue qui descendait à travers le quartier ancien. Les gens, plus tard, dans les rues encombrées d'employés qui rentraient chez eux, les gens parlaient sans cesse d'hallunicement : "Ils ont hallunis, ils sont allés sur l' hallune..."

Je pensai, et il s'esclaffa de m'entendre penser ainsi.

Nous nous assîmes à la terrasse d'un café et, buvant des biéres bien fraiches, nous écoutâmes le doux pétillement qui montait de nos ventres. Lui, il ne comprit pas les explications que je m'acharnais à lui donner sur le changement quasi biologique qui s'opérerait si, un jour, je parvenais à voir avec les oreilles ou avec le nez. Il s'esclaffa, ricanant que, avec un nez pareil, je devais avoir une belle vue."

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