"L'initiative et la responsabilité, le sentiment d'être utile et même indispensable, sont des besoins vitaux de l'âme humaine.
La privation à cet égard est le cas du chômeur, même s'il est secouru de maniére à pouvoir manger, s'habiller et se loger. Il n'est rien dans la vie économique, et le bulletin de vote qui constitue sa part dans la vie politique n'a pas de sens pour lui.
Le manoeuvre est dans une situation à peine meilleure.
La satisfaction de ce besoin exige qu'un homme ait à prendre souvent des décisions dans des problémes, grands ou petits, affectant des intérêts étrangers aux siens propres, mais envers lesquels il se sent engagé. Il faut aussi qu'il ait à fournir continuellement des efforts. Il faut enfin qu'il puisse s'approprier l'oeuvre tout entiére de la collectivité dont il est membre, y compris les domaines où il n'a ni décision à prendre ni avis à donner. Pour cela, il faut qu'on la lui fasse connaître, qu'on lui demande d'y porter intérêt, qu'on lui en rende sensible la valeur, l'utilité, et s'il y a lieu la grandeur, et qu'on lui fasse clairement saisir la part qu'il y prend.
Toute collectivité, de quelque espéce qu'elle soit, qui ne fournit pas ces satisfactions à ses membres, est tarée et doit être transformée.
Chez toute personnalité un peu forte, le besoin d'initiative va jusqu'au besoin de commandement. Une vie locale intense, une multitude d'oeuvres éducatives et de mouvements de jeunesse, doivent donner à quiconque n'en est pas incapable, l'occasion de commander pendant certaines périodes de sa vie."
S.W. "L'Enracinement" pp 25,26