"De son voyage en l'île, on peut croire qu'il ne fut effectué qu'en vue de l'achat de cartes postales, comme pour attester qu'il y fût réellement. Comme si la seule chose qui importât était la représentation de l'île, et au tremblement qui me saisit je sus que cela était, qu'il avait retrouvé le léger sentiment de peur qui accompagne la sensation du caractére sacré, violent, de la vie, les retrouvailles avec le noyau d'isolement face à la grandeur de l'abandon dans les rets de l'insu. Mais tout cela risquait, avait à courir le risque de se perdre à nouveau dans les éclats de silence où l'on cherche sans cesse à atteindre une vérité indicible.
Arrivé dans l'ignorance de la raison pour laquelle il y était, le premier soir il n'eut qu'une hâte : que la nuit vienne afin que quelque chose réponde à l'obscurité de son dessein. Le lendemain, il le passa presque entiérement enfermé dans sa chambre d'hôtel, à attendre que s'évanouissent les vapeurs de la nuit passée à boire -où il avait fini par s'écrouler sur un banc de pierre, derriére un rempart qui lui cachait la mer mais pas les étoiles.
Il repartit le lendemain. La mer elle-même s'était évanouie, la marée basse ayant retiré l'eau même du petit port où il ne put voir les bateaux que gisant sur la vase. Il pouvait douter de n'être, en fin de compte, venu que pour travailler à cette histoire autour de L., dans cette chambre où les seules présences d'un livre, d'une bouteille et de cette lancinante question : "Que suis-je venu faire ici?" l'induisirent à penser qu'il était venu tenter de retrouver le regard bifide et la présence apaisante de la catastrophe."