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Billet de blog 9 mai 2009

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Pour jeter encore un petit caillou poéticien dans le flux du discours politicien.

"Voici les Apoèmes tels qu'ils auraient du paraître à l'origine si la grâce eût voulu y mettre la main du premier coup.

Une vie est brève ; et dans la perspective du temps jeunesse et maturité se confondent, au point de ne faire qu'un elliptique destin. Nous nous rappelons que notre hier se mêlait de futur, et nous osons croire que ces juvenilia s'adressent au présent du lecteur. C'est par respect pour nous-même et pour lui que nous avons décidé de retravailler nos ouvrages... <... ...>

Somme toute, le poéte est l'homme de la plus longue enfance ; et son oeuvre de débutant, eh bien! elle est faite d'instinct et de promesses, d'ambitions, de risques pris pour la beauté, de découvertes heureuses, comme de réminiscences filiales qu'il innocente par génie : générosité qui se multiplie en autant de vies qu'il y a de possibles." (Mai 1977. Préface aux Apoèmes.)

"...

Ravi des beaux jours, mon sang me

Répand dans ses vaisseaux choisis.

En vérité, c'est le printemps.

Nous parlons langue contre langue.

Crois-tu les larmes décisives ?

Elle dit non en se donnant.

Crois-tu seulement à quelque

Chose? Au coq ? Au grillon ? A Lourdes ?

Ses doigts laissent perler du gui.

Les nuits puissantes nous éprouvent,

Pieds et poings liés, gerbe fatale.

Trempés d'étoiles, nous dormons

L'un avec l'autre dans les champs.

Je comprends mieux notre habitude

Et tes façons élémentaires :

La terre, l'eau, l'air et le feu.

Tu as voulu quitter la ville ;

Et le silence te fait peur,

De ceux qui manquent à l'appel :

Les maquisards, les réfractaires,

Les compagnons des jours sans pain.

Il faut s'agenouiller. Car si

L'on dédaigne les fiers visages,

Ce sera pareil aux chefs-d'oeuvre

Ravalés à si peu que rien.

Donne-moi ta parole vive

Et ma priére sera pure.

Adieu le calme, les soirs bleus !

Tu as si faim, ma solitude,

Si soif qu'il faille ainsi partir ?

Ce n'est pas ta faute, je sais :

Ta mémoire vit de ruelles

Où vont les linges évasifs,

De persiennes, de lampadaires,

De nuits endolories par les

Canons dorés de la musique...

Voici le Monde. Tu entames

La nostalgie expiatoire,

La course lourde des mourants

Au ralenti de la pensée.

Où est l'ourlet de cresson d'eau?

Où sont les éperviers rouant

A vau-le-vent ?Où sont les filles,

Drapeaux déployés pour les dieux ?

Nous avons faim, ma solitude.

Mords à ton sein, mords à ma chair,

Mords à la pomme originelle,

Mords à l'image corporelle.

Sans notre amour nous titubons,

Les jambes gourdes, les mains lasses ;

Nos corps gémissent - (ils ont faim,

Faim comme au temps où l'on semait

Du sel sur le sol d'Israël).

Suivons les rives de la vie...

Compagne, rosée sur mon coeur :

Compagne, étoile dans mon âme ;

Compagne, mon chemin de croix,

Je te veux prendre l'éternel...

Bol de tilleul, volcan secret,

Orange molle, alcool, désir...

J'ai oublié la forme d'ange,

Et seules les pierres le savent.

Tu n'avoueras plus rien, toi,

Plus rien, plus rien, plus rien que l'aube :

L'aube toujours assermentée :

L'aube tendue vers la justice :

L'aube, l'autel des fédérés ;

L'aube, l'auberge du soleil ;

L'aube l'amour, l'aube la fête,

L'aube la naissance, le cri

Des compagnons libérés, - l'Aube."

(extrait de Apoème 1. Ecrit "Aux armées, 1945)

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