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Billet de blog 11 avril 2009

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Allez, encore un effort... Le dernier?

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... but, projet, priére, paradis, pécher (manquer la cible) : ce sont là d'anciens termes de chasseur. Précisément des termes? Il n'aurait su le dire. Le chasseur en a-t-il fini avec la chasse quand il tient par les deux oreilles, sur fond de fourrés assombris par le crépuscule d'automne, le lapin qu'il vient de tuer? Il savait -c'était-là chose admise- que toute mort renvoie à la vie, dans le tout gluant de la pâte molle dont suinte le suif. Le chasseur rentrait chez lui, longeant les labours. la chair du lapin se défaisait à la cuisson, et l'entour de la chasse se faisait sans fin, en ondes concentriques réverbérées par les bords du temps.

Les chasseurs étaient certes à présent parqués avec les lapins et les Sioux, et le lecteur ignorait tout de ce que l'on avait pu lui dire sur la notion de synthése, de monde synthétique. Il l'ignorait, à la l'exception de la trace imprimée sur l'un des neurones de son cerveau. le mot "cervelas" lui était venu à l'esprit, ajoutant à la nostalgie de la chasse et des prés humides bordés d'aurores et de crépuscules, celle des nourritures rondes et lourdes à absorber au-dessus de la surface brune et luisante d'une table de bois polie par les générations, dans la pénombre prometteuse, prés d'une fenêtre derriére laquelle s'éclairait déjà le vert d'une cour herbeuse. Mais cela lui vint au moment précis où il put lire ceci : "L'homme qui n'éprouve pas le besoin de polir un vieux poéme, mais l'abandonne dans la désagrégation de son sens à demi-ruiné est le frére de celui qui refuse de mettre un nez nouveau à une statue antique qui a perdu le sien. On pourrait évoquer le sentiment du style, mais ce n'est pas cela. Ce n'est pas non plus que son imagination ne soit pas assez vive pour que les manques ne le gênent pas. C'est bien plutôt qu'il n'accorde aucune valeur au fait d'être ou non complet, et qu'il n'exigera pas de ses sensations qu'elles soient totales." *

(Ce qui, certes, pouvait être considéré comme un passage obligé pour pouvoir lire ceci : "Poésie et électricité s'accumulant et restant insoupçonnables jusqu'à l'éclair, voilà qui marche avec l'esthétique des "quanta". Et bien sûr qu'aucun hymne ou discours dans le style soutenu n'est plus possible, quand triomphe, en physique, le discontinu."**) Quel choix, parmi les milliers de possibles? Et comment croire à un choix volontaire? Autant s'abandonner et retrouver l'apparente simplicité de la feuille qui bouge dans le vent, attachée à l'arbre qui la nourrit.

Ambiguité : approche. Il semblait bien que ce fût cela qui s'ébauchait et devait être assemblé : un équivoque roman de l'ambivalence dont le titre aurait pu être : "Le lecteur".

* R. Musil, "L'homme sans qualité particuliére", trad. P. Jacottet

** F. Ponge, texte sur l'électricité.

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