Toi
Ta chevelure, qui est l'étendard de mon amour.
Ton front, tiéde et bombé comme une cassolette.
Tes yeux, qui sont couchés sur ton visage.
Tes lévres, cette porte du Jardin.
Tes dents, entre tes lévres comme de la neige sur la pourpre.
Ta langue, qui a mûri pour ma bouche.
Ton cou, qui est une colonne d'ivoire.
Ton épaule, lisse comme une pensée de jeune fille.
Tes bras, qui seront deux flammes autour de mon corps.
Tes seins, qui jaillissent pour se donner.
Ton ventre, ce parvis de marbre.
Tes jambes, réunies comme deux agneaux craintifs.
Tes pieds, qui ont franchi le seuil de ma demeure, et que je pose sur mon front.
*
Le chant des guerriers
Nous sommes venus des grands sables où naît le simoûn.
Nos chevaux enfonçaient jusqu'aux genoux dans de l'or, et des astres énormes comme des fruits nous indiquaient , la nuit, notre route.
Nous sommes venus des grands sables où naissent les lions.
Le jour, nos boucliers étaient des soleils en marche. La nuit, nos lances étayaient les étoiles. Nos compagnons qui sont tombés, nous les avons ensevelis debout, la face vers l'Occident.
Nous sommes venus des grands sables où naquirent les Pharaons, et leurs mausolées ne nous ont pas fait détourner la tête.
Nous sommes venus des grands sables où verdoient des oasis plus belles que les Jardins du Paradis, et leurs délices ne nous ont pas retenus.
Nous sommes venus des grands sables où l'on entend la parole de Dieu.
**
La danseuse nue
Grande et mince, elle s'était érigée, les mains à la nuque.
Quand j'évoque sa beauté, mon coeur me remonte à la gorge.
Elle avait dansé quelques unes des danses de sa tribu : la danse du Soleil, qui était une danse vertigineuse ; la danse de la Lune, qui était une danse mesurée ; et la danse de la Mort, qui était une danse immobile. Mais elle n'avait pas dansé la danse de l'Amour.
Le Soleil avec son cortége de joies, la Lune avec son cortége de mélancolies, et la Mort avec son cortége de douleurs, avaient dansé devant nous. L'Amour attendait que nous eussions jonché de roses le tapis de sa célébrante.
Deux enfants étaient venus la dépouiller de ses voiles, et elle avait renvoyé les musiciens.
D'abord, elle dansa de ses yeux et de ses paupiéres ailées de cils. Dans la corbeille de ses paumes, sa tête pesait comme un monde.
Enfin, un ravissement illumina son visage. Elle fit trois pas, le dos arqué, les mains ouvertes, dans une résolution passionnée.
Et, tout à coup, elle se redressa en nous dédiant ses mains qui avaient emprisonné le parfum des roses.