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Billet de blog 19 février 2011

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D'un événement fortuit l'énoncé : que dire aprés ceci ?

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Il dit : "Il serait intéressant d'examiner par quel moyen une pensée peut détruire ta pensée, peut contribuer à commencer à détruire ton être -je veux dire : ta maniére d'être- si tu n'y prends pas garde dés les prémisses. Mais voici où je voulais en venir, à peu prés précisément...

-J'aime beaucoup cette précision approximative...

-... asçavoir si ta pensée et ton être se confondent...

-Il s'agit là, en effet, rétorqua l'Autre, d'une pensée confondante...

-Laisse-moi terminer, veux-tu ?

-Tu vas encore développer une pensée interminable...

-... Je parlais donc de théorie, d'une de ces théories qui sont sensées éclairer, et qui en fait embrouillent davantage ; une de ces pensées qui tuent ce qu'il peut y avoir de vivant et de libre en nous..."

Voici comment, encore, Lejeunomme partait effectivement dans d'insupportables digressions, d'écoeurantes, vagues et incomplétes discussions.

Mais Lécrivain surmonte de petites choses légéres ce qui se pourrait considérer comme l'incroyable gravité de la vie, et nulle digression jamais ne pourra surpasser la définitive réalité de celle-ci, et tous les mots toujours ne feront que recouvrir encore et encore le noyau dense de son improbable réalité, (buée légére, vapeur), de sorte que l'on peut dire (encore et encore) que Lécrivain ne fait qu'écrire pour surmonter son insurmontable envie de parler pour (ainsi peut-on s'exprimer) éloigner son angoisse, ou s'éloigner lui-même de son angoisse. Tel était Lejenomme (car tel était son vrai nom : Le-je-nomme), ainsi que tout autre, confronté à cette réalité finale, incontournable, comme on dit, et, finalement, évanescente (effectivement incontournable : on ne contourne pas une brume) de sa propre vie bornée par devant, par sa naissance -confuse- , et par derriére, par sa mort -diffuse . Et pourtant. Et pourtant, il aurait certes mieux valu atteindre à cette précision réclamée par d'aucun, homme sans qualité particuliére autre que celle de, précisément, réclamer cette précision, tout au moins devant ces deux phénoménes fondateurs (peut-être) que sont la mort et la naissance (ou peut-être est-ce dans l'autre sens ?)

Lejeunomme avait, ce jour-là, atteint un état de fatigue cultivée avancée -ou un état de culture avancée fatiguée. Je veux dire, de cette façon, que cet état de fatigue avancée, qui le menait, comme souvent, au bord de l'impuissance (comme si l'impuissance avait des bords), cet état de fatigue, donc, il le cultivait, presque sciemment. Beuveries, déréglements.

Des anecdotes, petites choses légéres, voilà ce dont nous surmontons la pénible lourdeur de nore mélancolie. Et, aprés tout, il vaut certes mieux contempler ces petites choses légéres flottant dans l'air clair, que de s'enfoncer dans les marécages de notre lourdeur mélancolique, ou, si l'on préfére, notre lourde mélancolie. Donc, voire même adoncques, chercher le rire. Quel pénible travail ! Quelle pénible recherche que de se maintenir dans une humeur légére sans que le rire tout à coup se fige en un sardonique sourire.

"Bien ! Nous y voilà enfin ! s'écrie Lejenomme à l'adresse de Lécrivain. Nous allons enfin pouvoir nous y mettre !"

Lejenomme était ainsi, plein de ces enthousiasmes directifs, si l'on peut dire. De ces petites crises de nerfs que sont les exclamations pleines d'une foi trouble en des choses hautement improbables. Car s'il comptait s'attaquer ainsi au pénible, trés pénible probléme du rire, c'est sûr, son échec était inscrit d'avance dans la course de son propre souffle sur la lande lointaine. Mais non, voici qu'encore s'appesantit un lourd nuage noir chargé de gravité sereine. Il s'agissait certainement d'une de ces bouffées de vapeur d'alcool dont les miasmes célébrés empuantirent de nouveau toute pensée Lejeunommesque. Il s'affala donc, de nouveau et encore, sur le sofa, là.

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