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Billet de blog 25 décembre 2009

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L' Incertain (2)

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"Tout ce que j'ai reçu jusqu'à présent pour le plus vrai et assuré, je l'ai appris des sens, ou par les sens" (Premiére méditation, p59)

Parce qu'il ne parle pas, L'Incertain ne nomme pas ce qu'il perçoit mais le reçoit déjà nommé.

Sa perception organisée par le langage s'impose à lui comme réalité. Cette forme de connaisssance est incertaine car elle se fait hors de lui, avant lui. Il est assigné à une place dans le tissu des mots qui sont dits partout avant lui. Ce qu'il peut ne pas voir c'est le lien qu'il y a entre lui et ce qu'il voit, parce que c'est un lien qui l'assigne à lui-même en même temps qu'il assigne les choses à leur place. C'est un lien qui le précéde et le constitue. Il est si collé à lui-même qu'il est réduit à "Ce visage, ces mains (...) tels qu'ils apparaissent en un cadavre".

Être incertain, c'est recevoir d'un langage énoncé ailleurs le lien même qui nous fera voir et connaître.

Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dés mes premiéres années, j'avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j'ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain. (Ibid., 1, p. 57)

L'opinion, le doute, l'erreur consistent en un assujetissement au langage reçu et à la réalité introduite par ce langage. La spécificité de cette réalité est d'être sensible et immobile. C'est une représentation, une image ou encore un fantasme. L'Incertain est lié à soi et au monde par sa faculté d'imaginer. Il ne peut pas se déplacer car il n'est pas séparable de ces représentations. Il est tout entier pris dans la représentation et dans l'immobilité qu'elle entraîne. Être incertain c'est être soi-même imaginé, c'est à dire fixé en une représentation. C'est être soi-même tel qu'on apparaît en un cadavre. L'Incertain n'est pas ailleurs qu'en ce cadavre:

(...) mais je ne m'arrêtais point à penser ce que c'était que cette âme, ou bien, si je m'y arrêtais, j'imaginais qu'elle était quelque chose d'extrêmement rare et subtil, comme un vent, une flamme ou un air très délié, qui était insinué et répandu dans mes plus grossiéres parties. (Deuxiéme méditation, p. 75)

Il ne considére pas son esprit autrement que comme un corps visible. Il l'imagine et emploie pour le faire des métaphores corporelles. il est réduit à son corps, attaché à lui par l'imagination.

(...) imaginer n'est autre chose que contempler la figure et l'image d'une chose corporelle. (Ibid., p. 78)

L'Incertain s'imagine et imagine le monde. Il est un corps imaginé.

Ce corps qu'il considére comme sien est lié aux autres corps dans un même ensemble de représentations immobiles que celles reçues des livres.

(... ...)

Par le biais des livres, il construit derriére les mots des entités fictives donnant naissance à un abîme entre le monde imaginaire et le "reste", qui est la confrontation au réel. Son immobilité s'élucide. Le monde de l'Incertain est un monde de représentations, lui-même est réduit à une représentation, il est comme les "paladins de nos romans". Il n'a aucune force dans le réel. Ce qu'il prend pour des connaissances n'est qu'un ensemble de fables ou de fantasmes infiniment éloignés d'une application possible. Son lien aux corps est sensible et imaginaire. Cette erreur l'embarrasse car il ne peut pas se détacher de ces représentations, étant lui-même réduit à l'une d'entre elles. Il est totalement lié à elle par une opinion incertaine. Celle-ci est un arrêt, un enlisement, un refuge. C'est ici qu'apparaît le gouffre. Il est immobile. Aucun chemin nécessaire ne s'ouvre sous ses pas.

L'Incertain. Lecture de Descartes. pp 22-24.

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