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Billet de blog 29 avril 2010

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5.

Ce bond avait été si brusque, si violent et souple à la fois, bras écartés, bouche ouverte hurlante, que ses pieds avaient décollé du sol ; le lecteur avait sursauté, ahuri, apeuré, reculant. Il était toujours ahuri quand, retombant et reprenant une physionomie tout à fait affable, le vieillard lui saisit la main qui était restée vaguement tendue, plus vers le sol que vers lui, et posa son autre main sur l'épaule du lecteur, en lui disant : "Au revoir, mon vieux. Reviens quand tu veux." Il avait légérement penché la tête, les yeux toujours plissés, à cette distance l'un de l'autre on pouvait presque croire que le vieillard allait poser sa tête sur l'épaule du lecteur.

Le lecteur s'était éclipsé, disparu de la bulle du vieillard, sans remous, sans laisser de trace. Il ne restait rien de son absence ici, dans cette piéce haut perchée, battue par le vent qui soufflait de l'ouest, ce jour-ci. Le vieillard devinait le roulement des nuages gris et noirs, venus de loin, venus de prés, porteurs de menaces, nourris du va-et-vient de la respiration terrestre. Pluie, buées, évaporation, inspiration, expiration, suintements des roches grises et noires, mares fangeuses des sous-bois abandonnés, bruissements souterrains, pluies, atermoiements furtifs, le vieillard voyait les nuages rouler sur la montagne, au loin, sur sa montagne, autour du refuge de pierre, ils estompaient les contours, les angles, le monde alentour était flou, fluctuant, mourant, il appelait la fluidité dans les gestes, afin de tâtonner du regard, afin de se couler longuement autour des pics, le long des pentes, jusqu'aux vallées herbues où s'élaboraient le lait et le pain.

Dans une accalmie du vent, un flot de notes monta d'une guitare, le long des façades intérieures de l'immeuble en haut duquel il était niché, d'un lieu invisible sur l'une des parois du puits. Le vieillard regarda par la fenêtre, par un interstice du store vénitien : un faible rai de lumiére s'était formé, le soleil effleurait les cheminées rouges et rondes, la lumiére se perdait dans l'ardoise sombre et mate du toit compliqué, percé de fenêtres opaques. Fugitivement, le haut de la silhouette d'un humain passa sur la crête que formait la bordure d'un toit coupé net par la haute falaise d'un mur de briques.

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