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Billet de blog 8 juillet 2016

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Evry : viré pour avoir partagé sur le web un cliché anti-Valls

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Deux articles du parisien.fr qui font état de la suspension, puis, de la révocation d'un agent municipal de la ville d'Evry pour avoir partagé un cliché anti-Walls sur le Web.

La presse, et plus particulièrement Médiapart s'était fait l'écho et avait loué la décision du Président Hollande de soumettre au parlement d'abroger le, carrément désuet, délit d'offense au chef de l'état. Ce fut chose faite et bien faite un mercredi 15 Mai 2013.

Délit, datant de 1881,  précédemment réactivé, après un long sommeil de plusieurs exercices consécutifs de la magistrature suprême, par le président précédent.

« Auguste le premier se couvrit de cette loi pour engager une instruction sur les libelles scandaleux, indigné par la licence de Cassius Severus qui, s’en prenant à des hommes et à des femmes de rang illustre, les avait diffamés dans des écrits insolents ; puis Tibère, consulté par le préteur Pompeius Macer sur la recevabilité des accusations pour lèse-majesté, répondit que les lois devaient être appliquées. Lui aussi avait été exaspéré par des vers anonymes qui couraient sur sa cruauté, son orgueil et sa mésintelligence avec sa mère. »

                           - Tacite, Annales, I, LXXII, 2-4

« Vers le même temps, comme un préteur demandait à Tibère s’il voulait faire poursuivre les crimes de lèse-majesté, il répondit "qu’il fallait appliquer les lois", et il les appliqua de la manière la plus atroce.

Quelqu’un avait enlevé la tête d’une statue d’Auguste pour lui en substituer une autre ; l’affaire fut débattue au Sénat et, comme il y avait doute, on eut recours à la torture.

L’inculpé ayant été condamné, ce genre d’accusation fut insensiblement porté si loin qu’on fit un crime capital même d’avoir battu un esclave ou changé de vêtements près d’une statue d’Auguste, d’avoir été aux latrines ou dans un lieu de débauche avec une pièce de monnaie ou une bague portant son effigie, d’avoir critiqué l’une de ses paroles ou de ses actions.

Enfin on alla jusqu’à faire périr un citoyen qui s’était laissé investir d’une magistrature dans sa colonie, le même jour où l’on avait autrefois décerné des charges à Auguste. »

- Suétone, Vies des douze Césars, « Tibère », LVIII

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 Un graffiti inspiré du célèbre "Casse-toi pov' con" présidentiel. / © dimitridf / flickr

 Insulte punie par la loi sous Sarkozy, simple invective sous Hollande : depuis, le célèbre " Casse-toi pauv’ con" ne résonne plus tout à fait de la même manière.

C’est le Parti socialiste qui présentait cet amendement, adopté à l’unanimité en commission des lois. Le délit est n’est "plus justifié dans une démocratie moderne", a-t-il été mentionné. Rayé donc, cet article d’une loi de 1881 sur la liberté de la presse. Le délit d’offense au chef de l’État avait été sollicité six fois sous la présidence De Gaulle, avant d’être mis en veilleuse. Giscard, Mitterrand ou Chirac s’étaient abstenus. Sarkozy, non.

Ce soudain coup de balai répond d’ailleurs aux récentes remontrances de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). Le 14 mars dernier, celle-ci jugeait que l’État français n’avait pas moins que violé la liberté d’expression en condamnant l’auteur du "Casse-toi pauv’ con" affiché et brandi sous le nez de Nicolas Sarkozy en 2008 lors d’un déplacement présidentiel à Laval.

Une invective, rappelons-le, dont le copyright revient au président Sarkozy lui-même : c’est l’amabilité qu’il avait lancée à un visiteur du salon de l’agriculture, en février 2008. Hervé Eon, l’offenseur, avait été condamné à 30 euros d’amende avec sursis.

Les présidents ne seront plus, en France, offensés par l’insulte, du moins pénalement. Il en va différemment en Europe.

Et dans l'hexagone ? ...

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Dans l' hexagone ? .... Quand " l'insulte ", mise ici entre guillemet, puisque ce ne semble pas être le caractère insultant qui fut retenu à charge contre l'agent de la municipalité mais  " « La banalisation de la violence, quasiment un appel au meurtre ici », quand " l'insulte" vise le Premier-Ministre en exercice.

« La banalisation de la violence, quasiment un appel au meurtre ici, est inqualifiable, surtout dans le contexte actuel que vit la France », assène Francis Chouat (PS), le successeur de Manuel Valls à la tête de la mairie d’Evry.

Cette photo-montage, çi-dessous, au goût plutôt néanmoins assez douteux, a abondamment circulé sur les réseaux sociaux. Et a donc été au moins tout aussi abondement été relayé par une abondance de relayeurs, tous répréhensibles.

Cela pose la question de la nature privée/publique de l'expression sur ces réseaux, dits sociaux, et à quel point peuvent-ils devenir à charge pour leur utilisateur lorsqu'il s'agit d'expression que le bon-sens de tout un chacun identifie à sa juste mesure. 

Au même titre que les chansons populaires qui illustrent et irriguent toute l'histoire de France, au même titre que les dessins satiriques qui firent feu de tout bois sur tout ce que la France compta d'hommes et de femmes de rang et de sang  illustres, de têtes couronnées, de monarques, de petits marquis à la prétention absolument démesurée, voire insane, hyper-sensiblisés, maladivement sensibilisés à l'irrespect. Auquel, leur position les rend fatalement susceptibles d'en être davantage l'objet que la victime.

Peccadilles irrespectueuses et broutilles de comptoir numérique ne comptent quand-même pas parmi les deux mamelles de l'infamie à la française, ou alors ne peuvent que ressortir au lexique des grands anxieux auxquels tout ce qui ne les rassure pas les menace.

Illustration 3
Illustration 4

Suspendu pour quatre mois dès la découverte des faits par son employeur mi-mai, un agent municipal d’Evry vient d’apprendre qu’il sera prochainement convoqué devant un conseil de discipline. Le maire (PS) réclame la révocation de cet animateur jeunesse qui avait partagé sur le Web, en pleine polémique sur la loi Travail, un cliché brocardant le Premier ministre, Manuel Valls.

Le montage photo, dont il n’est pas l’auteur, représentait l’ancien maire PS d’Evry (et toujours conseiller municipal) au milieu d’une route. Selon le principe des questionnaires des auto-écoles, il était, entre autres, proposé « de conserver son allure », « d’accélérer » ou encore « de marquer l’arrêt sur sa tête et de faire patiner les pneus ».

« Un appel au meurtre », s’était indigné le maire, Francis Chouat. Un mois après les faits, il campe sur ses positions. « Je considère que l’on n’est pas digne d’exercer dans la fonction publique en partageant de tels propos », martèle l’élu.

« Je n’ai jamais été mal noté »

Le fonctionnaire de 40 ans prépare sa défense. « Le premier coup de marteau était déjà costaud. Mais là, qu’est-ce que je vais faire ? » s’interroge-t-il en évoquant ses cinq enfants. Employé de la ville depuis la fin des années 1990, il assure n’avoir jamais fait part de ses idées politiques sur son lieu de travail. « La mairie soutient que j’ai déjà été violent mais c’est entièrement faux. Mes évaluations l’attestent, à part quelques retards à une période de ma vie, je n’ai jamais été mal noté », insiste celui qui angoisse à l’idée du conseil de discipline.

« Il s’agit d’une procédure devant le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne à Versailles (Yvelines). Ce n’est donc pas le maire qui prend la décision », ajoute Francis Chouat, tout en confirmant qu’il demande la révocation de l’agent municipal.Un dossier sur le bureau du procureur

Le préfet délégué à l’Egalité des chances a, lui aussi, eu vent de l’affaire, tout comme d’une autre image de Manuel Valls, grimé en Hitler cette fois, et partagée par un conseiller municipal d’opposition (LR). Comme le prescrit la loi, il en a informé le procureur. Le dossier est « sur [mon] bureau », confirme ce dernier qui « étudie l’opportunité de déclencher d’éventuelles poursuites ». L’employé municipal n’est donc pas à l’abri d’une deuxième procédure.

Son dérapage aura fini par le faire valser pour de bon. Bob Brahmi, 40 ans, a été révoqué ce mardi, à la suite d’un conseil de discipline au tribunal administratif de Versailles (Yvelines), de son poste d’agent municipal à la mairie d’Evry (Essonne). A la mi-mai, en pleine polémique sur la Loi Travail, il avait publié sur Facebook un montage photo hostile à Manuel Valls, le Premier ministre et toujours conseiller municipal à Evry.

Le cliché reproché à l’agent municipal montrait le Premier ministre au milieu d’une route, à la manière des questions d’auto-école. A la proposition « Manuel Valls traverse devant vous », il était possible de répondre par exemple par « Je marque l’arrêt sur sa tête et je fais patiner mes pneus » ou « Je stoppe et le castre avec un coupe-ongles ». « La banalisation de la violence, quasiment un appel au meurtre ici, est inqualifiable, surtout dans le contexte actuel que vit la France », assène Francis Chouat (PS), le successeur de Manuel Valls à la tête de la mairie d’Evry.

« Ce montage avait été partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux. Cela n’a pas fait rire que moi. On peut considérer cela comme un humour particulier. Je m’en suis excusé plusieurs fois et encore devant le conseil de discipline », se désole Bob Brahmi, qui a annoncé son intention de faire appel.

« J’ai cinq bouches à nourrir »

Ce père de cinq enfants, déjà mis à pied quatre mois jusqu’au 13 septembre, s’était préparé à une sanction lourde mais pas à perdre son poste d’animateur, qu’il occupait depuis la fin des années 1990. « La suspension pouvait grimper jusqu’à deux ans. C’est ce qu’a suggéré mon avocat », confie-t-il. « La disproportion d’une sanction est une vue subjective. L’acte qui a été commis là est incompatible avec l’appartenance à la fonction territoriale », martèle Francis Chouat qui évoque de précédents « problèmes de comportement » de Bob Brahmi. Ce que l’intéressé dément catégoriquement.

L’agent municipal, qui a « perdu le sommeil » et dont la tension est « montée en flèche », ne se fait pas beaucoup d’illusion sur la procédure d’appel. Le conseil de discipline, composé de cinq élus, cinq représentants du personnel et présidé par un magistrat du tribunal administratif, l’a sanctionné à 6 voix contre 5. Bob Brahmi se prépare déjà « à réaliser un bilan de compétences ». « J’ai cinq bouches à nourrir. Et je ne supporte pas de ne rien faire », confie-t-il.

Le père de famille, qui va lancer une campagne participative de financement sur Internet pour payer ses frais d’avocat, assure recevoir de nombreux appels et SMS de soutien d’agents municipaux d’Evry.

Allemagne : insultes sur Facebook 

En Allemagne, calomnier publiquement le président de la République est un délit puni, depuis 1952, de 3 mois à 5 ans d’emprisonnement. Article 90 du Code pénal.

Assez souvent utilisé, cet article 90 a ouvert la voie à 41 procès entre 1990 et 2004, deux se soldant par des condamnations. La dernière affaire en date remonte à fin 2010. Un homme de 45 ans, Jörg Domsgen, publie alors sur son compte Facebook une photo montrant Bettina Wulff, l’épouse du chef de l’État de l’époque, en train de faire le salut nazi aux côtés de son époux.

Dans un commentaire, Jörg Domsgen la comparait à une " Blitzmädel ", c’est à dire à une militaire nazie au moment de la Seconde Guerre mondiale. Un peu plus d’un an plus tard, début 2012, le président Christian Wulff retirait sa plainte après avoir reçu des excuses écrites.

Cette affaire a donné l’occasion à certains juristes de relever le caractère " désuet " de cette loi. C’est le cas d’Andrea Grotemeier, procureure de la République à Brème, qui dans un article publié sur le site internet Lto regrette le "come back" d’une " infraction exotique " qui ramène l’Allemagne à l’époque prussienne de Guillaume II.

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