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Billet de blog 9 janvier 2012

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Lisandru Plasenzotti toujours en détention ...

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Lancelot et le Léviathan

Juridictions spéciales, d'exception, juridictions interrégionales spécialisées, les trop méconnues JIRS, qui conjuguent brutalité d'intervention en écho aux volontés qui ont prévalue aux prémisses de sa création et un quasi-champ libre de moyens d'action et d'investigation, procédures alanguies à l'extrême et qui s’essoufflent à tâtons dans les méandres entre les sables mouvant et impossible des filières spécialisées fonctionnant en vase clos, dans une logique de combat idéologique, où nul pouce de terrain n’est cédé, incompatible avec l’idée de justice et sa sérénité, et qui permettent d' interminables maintiens en détention, véritables mises sous le coude d'un citoyen, quasi exfiltré soudainement, et souvent, très brutalement, du cours de sa vie, éloigné, coupé de l'affection des siens, plongés dans les affres de l’angoisse, par une justice qui tient du fait du prince, de la lettre de cachet.

Juridictions dont on espère qu'elles retrouvent et rejoignent, et, ce, dans un proche avenir, leurs épouvantails de consœurs, dans les placards à balaie des oubliettes d'une justice aux parfois relents de sombre mémoire.

Il y a toujours qui prévaut à la création de tels Aliens, la volonté d'asservissement et de mise au pas d'une société, à laquelle justification est donnée, quand elle l'est, - mais certains médias, sans lesquels la démocratie aurait bien plus piètre allure encore, et ne porterait, d'ailleurs, plus ce nom, et depuis longtemps, sont là, veillent, encore et toujours , pour les vigoureusement dénoncer -, justification est donnée, arguant de la nécessité de palier à ce qui fait l'assentiment général parce que présenté sous la forme travestie de son contraire.

Acharnement et harcèlement judiciaire - Lisandru Plasenzotti, est interpellé une première fois avec trois jeunes gens. Il refuse un prélèvement d’ADN. Les trois jeunes gens sortent le soir même. Lui, pas. Il est incarcéré deux mois, durant lesquels ... Grossières tentatives de manipulations - Jean-Toussaint Plasenzotti, son père, au septième jour de grève de la faim qu'il mène, lui-même, à l'extérieur, et, devant les grilles du palais de justice, pour faire libérer son fils, est étrangement approché « Je sortais des toilettes du bar à côté quand j'ai été abordé par un homme qui m'a affirmé que mon action était vouée à l'échec et qu'il souhaitait m'aider » , relate-t-il.

« Il faisait plus d'1,80 mètre, portait un bermuda kaki, des baskets usées une casquette noire et des lunettes de soleil très opaques comme celles des coureurs cyclistes. Il parlait avec un accent continental et m'a affirmé qu'il travaillait au tribunal ».

Jean-Toussaint Plasenzotti explique qu'il a alors demandé à cette personne ce qu'elle lui conseillait de faire...

« ... il fallait que je vienne avec dix ou douze de mes amis, que je devais m'enchaîner à l'intérieur des grilles et que je devais déployer une banderole sur laquelle seraient inscrits les mots : " Sept jours sans manger, toujours pas écouté… " Il a précisé que mes amis devraient fermer les grilles pour empêcher les CRS d'entrer » raconte-t-il un peu éberlué.

Le père de famille demeure persuadé qu'il s'agit bien d'une manœuvre destinée à le pousser à la faute. Le gréviste de la faim considère qu'il a fait l'objet d'une « tentative de manipulation grossière » de la part d'une personne qu'il soupçonne d'appartenir à un service de police. Et a décidé de médiatiser cet épisode, convaincu que la lutte qu'il mène contre le fichage ADN vaut tous ses ennuis à son fils.

En d'autres termes, et sous d'autres cieux qui sont maintenant les nôtres, cela s'appelle des représailles.

Initialement réservés aux seuls délits sexuels, voilà bien les prélèvements et fichiers ADN bientôt complètement généralisés. Opérée en droit français en 2003, la généralisation du fichage s’étend sur la quasi - totalité des crimes et délits, ainsi qu’aux … dit-délits.

Fait curieux, l’ADN de Lisandru Plasenzotti, - qui avait passé deux mois d’incarcération - ne lui a donc jamais, apparemment, été prélevée, mais, néanmoins, une trace a été retrouvée, et, identifiée comme sienne, - identification de ce qui par nature est unique et donc inconnu et inidentifiable - mystère de la science de l’ADN aux vertus « magiques » encore à découvrir - sur un sac en plastique et lui valut ses nouveaux ennuis.

Un empilement de lois successives a construit un système pénal d’exception qui renoue avec les lois scélérates du XIXe siècle et rappelle les périodes les plus sombres de notre histoire.

Les pages les plus noires de notre histoire, c'est « maintenant ». On est en plein dedans, on a les yeux rivés dessus, pieds et poings qui se lient toujours plus insidieusement, ici et là, s’en trop prendre garde, à l’image de Gulliver, qu’une cohorte de nains, pendant son sommeil, a ficelé comme un rôti, et, qui, ahuri et exaspéré, se réveille bel et bien captif. Sans plus sa liberté. Prisonnier.

Adnisé, et ce, dés, pourquoi pas, sa naissance, voir aux prémisses même de sa conception, fiché, répertorié, suivi, testé, évalué, prisonnier en liberté, « L’être humain » en liberté carcéralisée, libre de divaguer, comme bon lui semble, sur les autoroutes à angles droits flanquées de herses et d’invisibles, mais combien efficaces, miradors de la conscience.

« C’est dans cette perspective qu’on a vu la possession de certains livres devenir un élément à charge, car ils constitueraient des indices sur des opinions. Et de l’opinion à l’intention, il n’y a qu’un pas. »

Le fichier national des empreintes génétiques a en effet la particularité d’être alimenté de force - le prélèvement est « juridiquement contraint ». Car en garde à vue, l’officier de police judiciaire a l’obligation d’informer le prévenu qu’il peut refuser ce « prélèvement biologique », en ajoutant aussitôt que « ce refus constitue un déli t». Et pas des moindres, puisque le code pénal prévoit jusqu’à un an ferme et 15.000 euros d’amende.
« C’est parfois une situation complètement kafkaïenne », résume Benjamin Deuceninck, un ancien agriculteur du Gard qui fut l’un des premiers « faucheurs volontaires » de plants d’OGM à être poursuivi pour refuser le coton-tige inquisiteur.
« Des personnes qui ont été relaxées du délit pour lequel on leur demandait leur ADN se trouvent toujours poursuivies pour le délit de refus. »

L’ADN, un si beau jouet, dans la hotte du dictateur en herbe. Lequel s’en voudrait-t-il donc laisser spolier sans se transformer, illico-presto, en panthère furieuse.

Manquement à l'expression de la plus simple, de la plus humaine probité, manquement à la prestation de serment, publique et solennelle, devant pairs, parents et amis ... « Je jure de garder religieusement le secret professionnel et de me conduire en tout comme un digne et loyal auditeur de justice ... De bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat » ... Autisme forcené et coupable d' administrations censées œuvrer pour le bien public et l'établissement, sinon le rétablissement, de la vérité et de la justice par l'application et le respect de la loi - la même pour tous ! - et qui bafoue allégrement et sans état d'âme aucun, leurs fondamentaux, le jeune Lisandru Plasenzotti, vingt-deux ans, - quarante cinq jours après, et, vingt kilos de moins - est toujours en détention.

Aprés une levée de boucliers, sans précédent, dont, ici, la locution trouve toute sa force et sa puissance démonstrative et collective d'opposition, de protestation générale et généralisée face à une mesure, à une décision inébranlable qui confine à un sadisme institué et une volonté crasse d'en découdre et de nuire, après, donc, et, suite à cette levée de boucliers citoyenne - Presse écrite, papier et en ligne, radio, TV régionale et nationale, réactions à l'internationale, manifestations d'associations innombrables et soutiens de toutes parts - à une mise en réseau de la colère montante et de sa légitimité, - Dans le Germania de Tacite, les anciens Germains donnaient plus de force à leur cri de guerre - obiectis ad os scutis - en levant leur bouclier devant leur bouche - suite, donc, à la vulgate collective et générale amplifiée et propagée par l'ensemble des boucliers des médias restés et, ou, entrés en résistance et sensibilisés par cette triste et lamentable histoire qui voit se dresser un Léviathan, qui, sous couvert d'une justice de droit commun qui incriminerait des actes, entend, pour l'exemple, et dans sa rageuse et continuelle détermination sans faille et sans humanité aucune, mais d'une férocité et rapacité ahurissantes, mettre un terme à, et, bel et bien, éliminer, sans le moindre d’âme, toute velléité de penser - toujours coupable! - toute velléité de penser Un tant soit peu, librement, toute faculté de jugement personnel, - bien sûr immédiatement suspect! - toute velléité d'opinion, assimilée à un délit, et, puni comme tel, même, s'il le faut, au prix, si les circonstances s'y prêtaient, et, puisqu'elles s'y prêtent, d'une destruction physique, d'un meurtre institutionnalisé, un Léviathan, donc, cyclope tentaculaire, dont l'empilement et l'imbrication savante des multiples cascades successives de lois terriblement liberticides, votées, sans coup férir, à l'emporte pièce, au grand galop, et, sans réelle opposition, furent le ferment de sa gestation, de son inéluctable croissance jusqu'à devenir l'instrument, le moyen, l'arme du contrôle voulu-total de populations entières, après cette levée de boucliers et ce tollé général, et l’hospitalisation du jeune homme, le tribunal d'Aix-en-Provence a examiné une demande de mise en liberté de Lisandru Plasenzotti.

Le maintien en détention a été requis par le parquet général d'Aix-en-Provence lors de l'audience du mercredi 4 janvier. Audience, qui s'est déroulée en son absence. Lisandru Plasenzotti sera reçu par un juge le 10 janvier prochain. La cour ayant mis sa décision en délibéré au 11 janvier.

Suivant le juge Bruguière, cité par Human Rights Watch, « la particularité de la loi est qu’elle nous permet de poursuivre des personnes impliquées dans une activité terroriste sans avoir à établir un lien entre cette activité et un projet terroriste précis ». C’est dans cette perspective qu’on a vu la possession de certains livres devenir un élément à charge, car ils constitueraient des indices sur des opinions ; et de l’opinion à l’intention, il n’y a qu’un pas.

Il y a là un acharnement judiciaire qui sanctionne manifestement davantage un « délit d’opinion » que des faits avérés. Un acharnement dans la continuité des abus d’une « Justice d’exception » dénoncée depuis longtemps par la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH). En particulier dans un rapport intitulé : " France, la porte ouverte à l’arbitraire " publié en 1998, et qui concluait :
« Notre enquête sur l’application de la législation antiterroriste en France, s’agissant en particulier de la détention provisoire et de l’exercice des droits de la défense, nous a amenés à constater l’existence d’un large spectre de violations des obligations de la France au regard de la Convention européenne des droits de 1’homme. Ces violations sont caractérisées par certaines pratiques résultant de la mise en œuvre de la législation antiterroriste ; elles sont également le produit du contenu même de la législation à plusieurs égards. »
Simon Renucci, député-maire d’Ajaccio, au Garde des Sceaux, le 29 décembre 2011 :
« Je ne peux rester indifférent et ne pas m’interroger sur la poursuite d’un aussi long maintien en détention. La recherche de la vérité mérite-t-elle, en effet et dans un tel dossier, une incarcération aussi longue ?


Je ne peux non plus, en ma qualité de parlementaire et aussi de médecin, rester indifférent à la détresse d’une personne qui a choisi de sacrifier ce que nous avons de plus précieux et de plus sacré, sa propre vie. Une telle souffrance interpelle nos consciences et c’est bien le sens de ma démarche auprès de vous aujourd’hui
. »


Risquer de choisir… de sacrifier ce que nous avons de plus précieux et de plus sacré, sa propre vie…

… N’est ce pas ce que firent les dizaines milliers de valeureux résistants et de justes ainsi que les millions de combattants qui payèrent le tribut le plus lourd, celui de leur vie, et dont les noms sont portés et gravés sur les monuments aux morts pour la France, dans toutes les villes, et jusqu’au moindre village le plus reculé de la République, et auxquels, hommes, femmes et enfants, la nation devant ce panthéon du courage et de l’abnégation citoyenne rend, chaque année, hommage.

« Aux Petits et Grands hommes, la patrie reconnaissante » …

Face à la « La force injuste de la loi » et à l’iniquité flagrante de certains des corps constitués qui composent ce pays, force est de constater qu’en son essence la citoyenneté recèle cette puissance d’insurrection. Un devoir pour les plus hardis, une incapacité de faire autrement que de s’insurger pour les cœurs les plus purs.

http://www.mediapart.fr/journal/france/080911/ils-ont-refuse-de-donner-leur-adn

http://www.mediapart.fr/journal/france/060911/lempreinte-genetique-renseigne-sur-lappartenance-ethnique

http://www.mediapart.fr/journal/france/101011/commandos-brosse-dents-le-fichage-adn-facon-corse

http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-guerrini/040112/le-jeune-lisandru-plasenzotti-enfin-hospitalise

http://www.mediapart.fr/journal/france/030112/fichage-adn-le-leader-des-conti-contre-un-acharnement-judiciaire

http://jeanguytalamoni.over-blog.com/article-l-adn-d-antigone---regards-sur-la-jurisprudence-corse-relative-aux-prelevements-genetiques-

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