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Billet de blog 15 juillet 2011

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« Vous avez dit populisme ? »

Le « peuple » existe-t-il ? ...Dans le cadre des rencontres de Pétrarque, autour du thème « Vous avez dit populisme ? ».« On ne saurait trop, à cet égard, rappeler la phrase de Machiavel dans Le Prince : "Les peuples, bien qu'ignorants, sont capables de vérité." Là se tient sans doute l'une des vérités essentielles de la démocratie », rappelle Myriam Revault d'Allonnes.

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Le « peuple » existe-t-il ? ...

Dans le cadre des rencontres de Pétrarque, autour du thème « Vous avez dit populisme ? ».

« On ne saurait trop, à cet égard, rappeler la phrase de Machiavel dans Le Prince : "Les peuples, bien qu'ignorants, sont capables de vérité." Là se tient sans doute l'une des vérités essentielles de la démocratie », rappelle Myriam Revault d'Allonnes.

Un peuple qui manque - Gilles Deleuze

...." Au moment où le maître, le colonisateur proclament « il n'y a jamais eu de peuple ici », le peuple qui manque est un devenir, il s'invente, dans les bidonvilles et les camps, ou bien dans les ghettos, dans de nouvelles conditions de lutte auxquelles un art nécessairement politique doit contribuer. L'auteur de cinéma se trouve devant un peuple doublement colonisé, du point de vue de la culture ; colonisé par des histoires venues d'ailleurs, mais aussi par ses propres mythes devenus des entités impersonnelles au service du colonisateur. L'auteur ne doit donc pas se faire l'ethnologue de son peuple, pas plus qu'inventer lui-même une fiction qui serait encore une histoire privée. Il reste à l'auteur la possibilité de se donner des intercesseurs, c'est à dire de prendre des personnages réels et non fictifs, mais en les mettant eux-mêmes en état de " fictionner " de " légender" de "fabuler". L'auteur fait un pas vers ses personnages, mais les personnages font un pas vers l'auteur : double devenir. La fabulation n'est pas un mythe impersonnel, mais ce n'est pas non plus une fiction personnelle : c'est une parole en acte, un acte de parole par lequel le personnage ne cesse de franchir la frontière qui séparerait son affaire privée de la politique, et produit lui-même des énoncés collectifs. »

Gilles Deleuze, L'Image-Temps, Editions de Minuit, 1985.

" Le peuple manque et en même temps, il ne manque pas. Le peuple manque,
cela veut dire que - il n'est pas clair, il ne sera jamais clair - cette
affinité fondamentale entre l'œuvre d'art et un peuple qui n'existe pas
encore n'est pas ne sera jamais claire."

source: http://www.webdeleuze.com/

"Les peuples, bien qu'ignorants, sont capables de vérité."... selon Machiavel. Quel bien joli mépris ! Quel bien joli double mépris ! D'une part, d'être dit, d'autre part, d'être re-dit.

Si les populismes prospèrent ou tentent de prospérer, c'est sur ce qu 'ils pensent être un terreau pour eux propice, et qui est cette zone un peu indiscernable et pas très claire de cette heure entre chien et loup. Et d'agiter là toutes les ombres les plus terrifiantes.

Au lieu que d'investir cette zone et d'y voir ce qui s'y crée...

Un peuple qui manque ...à qui ? Sinon d'abord à lui-même, et à ceux qui subissent la tentation de le concevoir comme une masse, l'espèrent-t-ils la plus dense, la plus forte dans une balance électorale à leur avantage. Les populistes n'ont pas d'autres discours ou pensées, et s'ingénier à en faire un sujet de réflexion est la façon la plus efficace de se tenir bien loin de toute réflexion, de toute pensée.

Il faut qu'il y ait une nécessité, sinon il n'y a rien du tout. Et tant que la nécessité qui est nécessaire et qui couve ne s'est pas exprimée, il ya indiscernabilité et on - Quel "on " pour ce peuple, masse dans laquelle " je" et " personne " ne désirent en être ou ne sont ? - et, donc, on dit " le peuple ". Ceux qui le disent n'en sont pas. Qu'est ce que cette légitimité de n'en n'être pas ? Qu'est ce qui la définit et l'attribue ? Comment s'acquiert-elle ? Et qu'est ce que s'en démarquer ? Et pourquoi ? ...

Comme il y a un cri de Bach : " Dehors, dehors, allez vous en, je ne veux pas vous voir " , Il y a un cri du " peuple ", qui, quand il l'a proféré, - et ce peut être le même que celui du musicien mais adapté aux inquiétantes et virevoltantes géométries tous azimuts du moment - et ça peut s'appeler une révolution, n'est plus considéré tellement comme peuple, indéfini, introuvable, et vaguement inquiétant, ombre mouvante indistincte et suspecte, masse aux énergies destructrices. Il est nommé, désigné, ennobli par l'action et le geste posé. Est-ce ça un peuple ? Une définition de l'indistinct d'avant le geste par lequel il est, et le dédouane de son statut, apparemment, donc, bien peu enviable.

Le cri de Bach, le cri du dit-peuple, le cri du Pape de Bacon ... Ca, c'est l'acte de résistance. Et les peuples résistent à la mort, ou au joug qui les pense asservir, parce que résister est toujours résister à la mort. L'art tout comme l'engagement, est une résistance.

Et, s'il faut qu'il y ait donc une nécessité, et il y a nécessité, il y a même urgence, nécessité absolue, ... et qu'elle sache et finisse par s'exprimer, qu'alors résonne, et haut, et fort, et impérativement ce " Dehors, dehors, allez vous en, je ne veux pas vous voir " .
Et cela s'appelle parfois, sans que l'on n'y prenne garde, une révolution. Dans ce cas, une révolution, qui est aussi, en terme mathématique, une catastrophe, ce qui change le cours de ..., c'est aussi ce à quoi, par un geste posé, une parole proférée, à temps, avant qu'il ne soit trop tard, c'est aussi ca à quoi, un pays, la nation a échappé. Revenir de loi, d'à ce point-loin, ...si ce n'est pas une révolution ? ...

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