L'unique tribun et réel orateur et quasi-seul-homme politique de gauche de cette gigantesque partie de bonneteau-bonimenteur sous le manteau qui a duré des mois et se termine, après ces mêmes mois truffés de perturbations médiatiques bien orchestrées, par la désertion généralisée des urnes par une partie du peuple de France, réapparait une dernière fois en scène et estrade à Marseille, où il retrouve les accents, le ton et l'inspiration des envolées qui font mouche et ré-exhume et agite des figures qui prennent vie et presque forme.
Revenu presque d'entre les morts, il dit au tout début qu'il est fatigué, qu'il n'en peut plus, et ne tarde guère, peintre qui organise savamment sa toile avant de s'attaquer au motif, grommelle un instant, le mâche comme s'il en goutait la saveur, en jaugeait le point de suavité, en évalue, comme un boxeur à la pesée qui parfait encore la trajectoire de sa gauche, les traits dynamiques, puis l'empoigne, ne le lâche plus, et la maestria opère. Et jaillissent du néant des oubliettes ces personnages conceptuels qui sont, ici, le nectar de la pensée de la gauche-française. Ils en sont le territoire, le fumet, l'esprit et forcent à l'action.
Vous les reconnaitrez, ces personnages, ils apparaissent avec et dans ses mots, sur l'écran du cauchemar blanc qui pointe, ils prennent forme, et de griser ainsi l'espace, se rappellent à notre souvenir.
" Les personnages conceptuels ont ce rôle, manifester les territoires, déterritorialisations et reterritorialisations absolues de la pensée."
A sa forge, vulcain cogne et tord, il saisit l’événement, au lieu d'en recueillir l'effectuation dans l'histoire, le conditionnement et le pourrissement dans l’histoire, il le remonte, comme un poisson le torrent, comme le sherpa infatigable et endurant qui n'en peut plus, à l'assaut des cimes ennuagées et improbables, il s'installe en l’événement, comme dans un devenir, lui prête son souffle, y rajeunit, y vieillit, au fur et à mesure, la lune a des aspects changeants et continue sa course.
Il se peut que rien ne change ou ne semble changer dans l'histoire, mais tout change dans l’événement, et nous changeons dans l’événement : Et avec Péguy, on pourrait dire qu' il n'y a rien eu et un problème dont on ne voyait pas la fin, un problème sans issue ... tout d'un coup n'existe plus ... il est passé dans d'autres problèmes. Il n'y a rien eu, et on est dans un nouveau peuple, dans un nouveau monde, dans un nouvel homme.
Autrement dit, pris en flagrant-délit de devenir-autre, d'accoster à l'infini-maintenant.