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Billet de blog 20 juin 2012

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Yvan Colonna, Pourvoi examiné Jeudi

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Semaine chargée pour les avocats d' Yvan Colonna,  qui voient le pourvoi en cassation de leur client examiné ce jeudi,  par la haute juridiction  - qui se prononce uniquement sur la forme -  sollicitée pour la deuxième fois dans le cadre de sa condamnation  pour l'assassinat du préfet de Corse, Claude Erignac, le 6 février 1998, à Ajaccio, et, lesquels auront à défendre le recours qu'ils ont déposé contre sa troisième condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité,  prononcée il y a tout juste, jour pour jour,  un an,  le 20 Juin 2011.

Il y a deux ans, la haute juridiction  avait annulé sa condamnation en appel pour un vice de procédure relatif à l’audition d’un témoin.

Le berger de Cargèse avait donc été rejugé pour l’assassinat du préfet, et,  pour l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella, gendarmerie dans laquelle l’arme du crime avait été dérobée.

Il était à nouveau condamné à perpétuité par la cour d’assises spécialement composée pour les affaires de terrorisme.

Patrice Spinosi, qui va plaider jeudi, a précisé que les avocats d’Yvan Colonna ont identifié six motifs pour étayer leur pourvoi.  L’avocat va notamment contester la décision de la cour d’assises spéciale de verser aux débats une lettre de menaces qu’aurait envoyée Yvan Colonna à un témoin quelques mois avant le procès, mais que le berger de Cargèse conteste avoir écrite et dont la cour n’a qu’une photocopie.

La défense considère également qu’il est impossible,  pour condamner une personne, de se servir de déclarations recueillies lors d’une garde à vue qui n’aurait pas respecté  « les exigences du procès équitable ».  Or, les déclarations des autres hommes poursuivis et de leurs épouses, mettant en cause Yvan Colonna, ont,  selon la défense,  été recueillies lors de gardes à vue dont le déroulement n’était pas conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Parmi les autres motifs de cassation,  figure, aux yeux de la défense, la décision de la cour d’assises spéciale de motiver son verdict dans un texte de quatre pages, distinct de la feuille des questions auxquelles elle doit habituellement répondre.

La loi prévoyant une motivation des verdicts n’est entrée en vigueur que six mois plus tard, le 1er janvier 2012.

Les avocats du berger de Cargèse dénoncent aussi  des atteintes à la présomption d'innocence de leur client qui ont émané des plus hautes autorités de l'État. Pour la défense, de telles allégations ont nui au principe du procès équitable.

Selon une source judiciaire, dans un avis transmis aux parties, l’avocat général Christian Raysséguier recommande de rejeter le pourvoi d’Yvan Colonna.

Il y soulignerait notamment, que la motivation du verdict ne fait aucune référence à la fameuse lettre de menaces qu’aurait envoyée Yvan Colonna à un membre du commando condamné avant lui pour l’assassinat du préfet, afin qu’il le disculpe lors de son procès.

L’avocat général retient également que les juges qui ont condamné Colonna ne se sont pas appuyés uniquement sur les déclarations faites en garde à vue par ses coaccusés et leurs épouses,  puisque les mises en cause du berger ont été réitérées devant les juges d’instruction.

Son avis n’est pas contraignant et il appartient à la chambre criminelle de prendre une décision, qu’elle devrait annoncer après plusieurs jours de délibéré.

La défense d’Yvan Colonna a,  d'ors et déjà,  annoncé, qu’en cas de rejet du pourvoi,  elle prévoyait de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme - CEDH -  Cette procédure pourrait prendre entre trois et cinq ans pour aboutir. 

Si la Cour ne suivait pas l’avis de l’avocat général et annulait l’arrêt de la cour d’assises, Yvan Colonna serait jugé une quatrième fois.

 Yvan Colonna n'a jamais cessé de dire, de clamer,  d'écrire son innocence.

Roland Laurette est l'un des meilleurs connaisseurs actuels de cette affaire.  Il a publié, en 2009,  chez l'Harmattan,   Le Roman de Ghjuvanni  Stephageseclés pour l'affaire Colonna   où,  sous le couvert de la fiction, on peut y vivre, de l'intérieur,  la tragédie d'un homme et de sa famille.

Après  Le Roman de Ghjuvanni Stephagese, clés pour l'affaire Colonna ,  Roland Laurette revient sur une affaire dont il est l'un des meilleurs connaisseurs, démontant, cette fois au premier degré, la terrible machination qui a conduit un innocent à être condamné à la peine la plus lourde du code pénal.  Une documentation considérable et une enquête minutieuse lui permettent de dire les faits. Dans leur terrible nudité. S'ils déshonorent la République, c'est, sans doute, parce qu'elle n'a pas su s'imposer à elle-même la séparation des pouvoirs.

Et publie, à l'orée du troisième procès, un nouvel ouvrage, écrit, cette fois, au premier degré :

 Yvan Colonna : L'innocence qui dérange  - éd. L'harmattan  - Avril 2011-  

Il y fait le point et démonte le terrible mécanisme qui peut conduire, aujourd'hui, en France, un innocent à être condamné à la peine la plus lourde prévue par le code pénal. Sa connaissance de l'affaire due à une documentation considérable et à une enquête minutieuse lui permettent de dire les faits .  Leur concordance en faveur de l'accusé est telle que même l'avocat de la famille Erignac a fini par évoquer  « l'apparente innocence »  d' Yvan Colonna. L'aveu est de taille dans la bouche de quelqu'un qui n'avait parlé jusqu'ici que de  « preuves accablantes » .  Ce qui est accablant,  c'est la condamnation sans appel de la FIDH :   « Le procès Colonna a été une parfaite illustration des dérives que permet la législation antiterroriste en France ».

 La personnalité d'Yvan Colonna.

  " JE RESTERAI DEBOUT "

Pour illustrer cette personnalité, de citer un extrait de  «  L'innocence qui dérange  »  p. 51, 52, 53  -

La Présidente : - Quelles sont vos occupations en prison ?

Y C : - Tout va bien !

La Présidente : - Vous faites quelque chose ? Vous prenez des cours ?

YC : - Non, je fais du sport.

La Présidente : - Vous avez des visites ? Celles de votre compagne ?

YC : - Oui.

Ces trois réponses d'Yvan pourraient paraître anodines. Elles sont en réalité profondément symptomatiques de ce qu'il est. A la question sur ses occupations, il a l'air de répondre à côté. En fait, il dit des choses très fortes.(...)

Quand il répond « Tout va bien », on peut entendre : « Votre système a voulu m'abattre mais il n'a pas entamé ma capacité de résister : je tiens le coup. (...)

Yvan Colonna est, on le comprend donc, un homme d'une force morale et psychique exceptionnelle. La solitude du berger, la culture acquise, le sentiment de solidarité avec les victimes d'un monde injuste, les années de prison imméritée l'ont aguerri.

C'est pour cela qu'il peut affirmer :  « Tout va bien ».

Le 17 avril 2012,  il y avait,  à Toulon,  une réunion-débat sur l'affaire Colonna.  Salle comble. On trouvera ci-dessous la présentation que j'y ai faite de l'affaire Colonna. On notera que j'ai lu, en fin d'allocution,  un message d'Yvan Colonna  ....  Roland LAURETTE

«    Chers amis,

      Je suis à quelques kilomètres de cette salle où mes soutiens toulonnais ont entrepris de vous réunir. Je les remercie de l'avoir fait et vous remercie de les avoir entendus.

… À seulement quelques kilomètres... mais je ne puis être parmi vous comme je l'aurais souhaité. J'aurais bien demandé l'autorisation de venir vous parler. Mais j'ai craint qu'on me reproche d'imiter l'humour exquis de Guy Bedos venu spécialement de Paris ou, pire, qu'on m'accuse de perdre la raison.

Alors, je vous écris. Je vous écris que j'ai l'intime et robuste raison de crier, depuis dix ans que je devrais être libre puisque je suis innocent.

En cela, je suis aussi têtu que l'est la vérité. Or la vérité est avec moi !

Je suis innocent et pourtant incarcéré par la volonté d'un homme qui a dit en 2003 et  répété et encore récemment, que j'étais un assassin : les juges ont exécuté une sentence prise par un ministre à la place de la Justice. Ils ont validé ! 

Ils ont validé sans l'ombre d'une preuve. Or, ce président-candidat vous a trop souvent menti pour qu'on continue à le croire plus qu'on ne me croit. Il fallait un coupable au petit héros qu'il était et mes anciens amis l'ont aidé à le trouver. Son prédécesseur au ministère de l'intérieur lui avait donné l'exemple et des juges en mission m'ont condamné.

 Aujourd'hui, et grâce à vous, je sais que je ne suis plus seul à résister.

Cette résistance à l'injustice m'a conduit, quatre années durant, à surmonter les éprouvantes conditions de la clandestinité, à supporter les vexations, les sévices et des méthodes indignes d'une démocratie. J'ai été et je demeure debout devant des  juges assis dans une indignité parée d'hermine.

 Je vous remercie tous d'être là, quelquefois venus de loin. D'être là et encore debout comme moi et avec moi.

Je vous en conjure : continuez à penser et à dire que je suis innocent parce que c'est la stricte vérité. 

Faites-le aussi pour vous parce que nul n'est à l'abri ni d'un déni de justice, ni de cet esprit de vengeance qui frappe selon l'intérêt de ceux qu'il anime.

Eh bien, je resterai debout autant que je le pourrai et aussi longtemps que vous serez à mes côtés. » 

Yvan COLONNA

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