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Billet de blog 22 juin 2016

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L'homme de main, le marquis et ses partenaires sociaux

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ses partenaires sociaux, ils étaient trois ou quatre, la-bas dans sa maison de campagne, à moins que ce ne fut sa mairie, autour de la table avec lui  - lui avec un grand Moi au majuscule singulier -  quand il s'est levé pour fermer la porte de la petite pièce avec une fenêtre, pour pouvoir continuer à deviser tranquillement avec eux et à préparer les élections qui allaient le porter, et eux avec, au pouvoir. Eux, tous, ou presque, au cac 40. Ça promettait, ça a tenu ses promesses... On n'a pas été déçu.

Il s'est finalement adjoint un second qui a de la poigne, un homme de main qui a de la rudesse dans l'entregent, de la tension dans la rigueur, de la vigueur dans la voix et le verbe, un kapo d'importation de première qui lésine pas sur les moyens et ne craint pas d’élever le ton et de prendre des libertés avec justement la liberté. Celle qu'on chante. Il est vrai qu'on voit mal l'histrion pousser la chansonnette.

Hormis le bestiaire rituel des dictateurs de la planète, plutôt latins, auquel ce personnage renvoie immanquablement, sur un versant cinématographique, le personnage qui apparait en double derrière ce premier ministre à l'éternel petit dossier  - vide, parait-il vide, le dossier, me suis-je laissé dire, qu'il trimballe partout avec lui dés qu'il met le nez dehors, vieille habitude, contractée comme on contracte une maladie probablement honteuse .. un genre sale virus pas soigné qui a évolué, mal évolué, vieille habitude, donc, qui, à force, vient styliser, comme la moustache en trapèze, la canne et le chapeau rond de Chaplin, ou la Houppelande noire et le Béret de l'Abbé Pierre, stylisent, ad éternam, les deux personnages, vient styliser et apporte la touche finale au portrait du premier ministre tout en roide-et-raide rigueur, qui renvoie le maire de Bordeaux au rayon des boutes-en-train quasi-désopilant, tout en raide-et-roide rigueur, presque bottée, raide et roide étant intervertibles, bottée en option, peut-être figurée, objet symbolique de remplacement ou déviation inconsciemment-préméditée du sens, par la mallette-dossier, roideur donc et petit dossier,  stylisons encore un peu, et la géométrie qui se fait est un éloquent trait vertical flanqué à mi-hauteur d'un rectangle à sa droite, et d'un trait, presque rageur d'être tendu comme la flèche d'un arc, parallèle au rectangle pour figurer un menton en figure de proue, dossier-objet petit a d'un irreprésentable forclos, du temps de ses débuts en politique, histoire de se donner une contenance, qu'il n'aurait donc pas naturellement, ou contenance dont il se sentirait dépourvue, spolié, tenu éloigné .. par la nature, l’éducation .. allez savoir, ne sachant, donc, que trop faire de ses deux mains, ou pour dissimuler ce qu'il penserait être, à ses yeux, trop voyant, un vide abyssal d'où sa volonté elle-aussi abyssale de pouvoir, le personnage qui apparait, donc, en double derrière ce premier ministre, ce personnage cinématographique, on le trouverait, mais avec un fusil perpétuellement sous le bras, dans la Règle du Jeu de J. Renoir, l'un des rares films pessimistes de Renoir, sous les traits, quand-même beaucoup moins flatteurs, histrioniquement parlant, que ceux d'un Mussolini de pacotille ibérique, mais peut-être plus près de la réalité, sous les traits  de Gaston Modot qui, grand acteur, interprète merveilleusement, tout en gueule et droiture bottée,  Édouard Schumacher, au patronyme pas latin pour un sou, dans ce film de 1939, Schumacher, le garde-chasse, domestique qui, comme tous les domestiques, sait jouer le jeu du pouvoir, peu soupçonnable de la moindre souplesse de quelque ordre qu'elle puisse être et d'entrevoir quoique que ce soit au marivaudage des temps, courroucé et offusqué perpétuel, sûr de son fait, l'autre innocent du film, en quelque sorte hors règle, fusil en bandoulière ou sous le bras, interdit de château par sa fonction, sa place est dans les champs et les bois, mais pourtant lui appartenant, quo-substanciellement lié à lui, mais ni dehors ni dedans, mais toujours au fond, toile de fond menaçante, inquiétante, potentiellement brandissant l'orage, c'est le garde-chasse qui finit, d'ailleurs, par flinguer par erreur, flinguage qui passe par pertes et profits, Jurieu, l'aviateur innocent et sincère et inspiré, indépendant presque crédule aux yeux de son époque, héros qui traverse l’Atlantique, et au demeurant fort sympathique, admiré, on s' imagine s’identifier à lui -  jamais, ni personne à Schumacher -  et, et qui croit, comme on croit, qui en la liberté, qui en l’intrinsèque valeur des choses qu'on respecte, qui en les dieux, qui en un seul  ou en pas du tout, et qui croit, lui, l'aviateur, sincèrement, qui croit en l'amour,

" Tout préparait la mort de Jurieu " dira Renoir.  - Jurieu c'est l'aviateur - "

" Jurieu c'était l'innocent, l'innocence ne pouvait pas vivre là-dedans. C'est un monde romantique et pourri. Il se trouve qu'on a à faire avec deux êtres extrêmement innocents, elle et lui, Christine et Jurieu. Faut un sacrifice. Si on veut continuer, faut en tuer un, "

" Le monde ne vit que de sacrifice, alors il faut tuer des gens pour apaiser les dieux. Là cette société va continuer encore quelques mois, jusqu'à la guerre et même plus tard, et cette société va continuer parce que Jurieu a été tué, Jurieu c'est l'être qu'on a sacrifié sur l'autel des dieux pour la continuation de ce genre de vie…"

" Le monde ancien, et le monde moderne encore plus, tue, tue, tue, tue beaucoup, dans l'espoir que ces tueries feront que ça continuera ..."

Walls, c'est celui qui fait fuir de ce monde post-romantique et pourri, le contenu coup-de-fusil liberticide.

Qui permet que ça perdure.

Il tue la liberté. La tue presque incidemment. Même pas par gout. Parce que c'est tout bonnement possible, par presque paresse gratuite. Parce qu'il en a les moyens.

Les moyens de tuer la liberté. Celle qu'on chante dans les chansons populaires que des chansonniers ou des poètes ont écrites pour les entendre chanter,  bien longtemps après eux, par des gens qui les entonnent qu'on appelle le peuple.

Et le Marquis, dans tout ça ?  Le Marquis Robert de la Chesnaye, génialement interprété par l'inénarrable jusqu'à l'abjection, Dalio.

Et le Marquis, dans tout ça ?

- Le Marquis, eh bien, le Marquis ...

- Mais ... Il danse le Marquis, il danse !

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