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Billet de blog 29 avril 2012

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Les frontières de la Vie et de la Mort

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les frontières qui séparent la vie de la mort sont au mieux indécises et vagues.  Qui osera dire où finit l’un et où commence l’autre ? 

Edgar Allan Poe -  L’ensevelissement prématuré

Il arriva un moment  - comme cela était déjà arrivé - où, sortant d’une inconscience totale, je ne recouvrai qu’un faible et vague sentiment de mon existence. Lentement - à pas de tortue - revenait la faible et grise lueur du jour de l’intelligence. Un malaise engourdissant. La sensation apathique d’une douleur sourde. L’absence d’inquiétude, d’espérance et d’effort.

The Boundaries of Life and Death,  film d'école  - l' Anhalt University of Applied Sciencefilm d'animation d'une minute, inspiré d'une citation d'Edgar Allan Poe, où tout est dit, et,  rien qui vaille  ... de Saskia Kretzschmann, jeune étudiante qui se coltine,  pour son premier film,  les monstrueuses aigreurs et sombres densités Poesques.

         Saskia Kretzschmann

http://vimeo.com/40291524

Noirceur quand tu nous tiens ! ...  Un oiseau, noir, un corbeau, mais vraiment noir, très noir. Drôle d'oiseau le corbeau.

" ... Les corbeaux observent la scène, mais ils observent tout. Ce sont des oiseaux cocasses et très intelligents... Et ils riaient... Le rire d'un corbeau est un son intolérablement humain... Et ils riaient ... !  "  Shadenfreuden, la joie qui vous envahit lorsque vous êtes témoins de la douleur des autres ... "

Ce qui a dévoré nos cœurs  - Louise Erdrich.

Ces mêmes corbeaux, qui observent, et, voient tout, ces mêmes corbeaux, qui ont, à ce point, maille à partir avec la mort, le savoir de la mort et de ses mystères, que leur présence et leur comportement renseignent les maitres bouddhistes tibétains - aux savoirs incommensurables -  sur la localisation des grands-réincarnés, attestent et signifient leur présence en le lieu vers lequel ils les ont conduits.

Mais cette horreur est intolérable. Comment peux-tu dormir en paix ? Je ne puis reposer en entendant le cri de ces grandes agonies. Les voir, c’est plus que je ne puis supporter. Lève-toi ! Viens avec moi dans la nuit extérieure, et laisse-moi te dévoiler les tombes. N’est-ce pas un spectacle lamentable ?

-  Regarde !  Je regardai ; et la figure invisible, tout en me tenant toujours par le poignet, avait fait ouvrir au grand large les tombes de l’humanité, et de chacune d’elles sortit une faible phosphorescence de décomposition, qui me permit de pénétrer du regard les retraites les plus secrètes, et de contempler les corps enveloppés de leur linceul, dans leur triste et solennel sommeil en compagnie des vers !

Mais hélas ! ceux qui dormaient d’un vrai sommeil étaient des millions de fois moins nombreux que ceux qui ne dormaient pas du tout.

Un oiseau noir, envol et mort, limites qui basculent, mouvements qui s'inversent, qui se métamorphosent, résurgence et enchainements, la mort, ensevelissement, ténèbres nippons du soleil de Fukushima, la mort, l'encore elle, qui, comme une aube se lève, qui rigole, dentition statique de carnassier, serpent mythique qui en a fini avec son histoire, qui est, quand-même,  la nôtre - mais qui s'en souvient, sinon les peuplades exterminées -  serpent mythique auto-phage qui  se mord la queue en un cercle parfait, zéro pointé, boucle bouclée du symbole de l'archipel, les compteurs sont à zéro, les dosimètres crépitent, le bel adolescent de Mourir à Venise peut bien arborer l'énigmatique signe de l'infini en guise de fin de toutes choses, persistance dorénavant intemporelle de l'inéluctable cycle répétitif des printemps de Tchernobyl quand la radioactivité enfouie dans les sols, refleurit,  à chaque printemps, à l'air libre avec les nouvelles pousses, noirs et blancs naïfs de dessins d'enfants, ... Magnifique memento mori en noir et blanc ... Où du tout de cette minute ne s’exhale rien, mais alors rien du tout,  que les anciens romains à la veille du combat, à livrer ou à préférer ne pas ..., auraient pu interpréter et leur faire dire que les auspices sont bons.

A l'évidence, rien n'est bon. The Boundaries of Life and Death, de la réalisatrice Saskia Kretzschmann, est le parfait oiseau de mauvais augure.

Une œuvre tombe au moment sociologique où elle doit tomber.

The Boundaries of Life and Death

L’ensevelissement prématuré  d'Edgar A. Poe  en téléchargement gratuit

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