L'obsolescence programmée est désormais un délit passible de prison titraient nos journaux il y a un peu moins d'un an. Comment une municipalité peut-elle, dans ce contexte, interdire l'usage de véhicules anciens indépendamment de leur impact en termes d'émissions de produits polluants ? Sur le site de la Ville de Paris, on peut lire que "Anne Hidalgo a fait de la lutte contre la pollution de l’air une priorité de sa mandature." Le texte par lequel la municipalité expose ses actions sur ce point est d'ailleurs un peu surréaliste. Il insiste essentiellement sur la faible proportion des véhicules touchés par l'interdiction. L'insistance sur cette faible proportion appelle deux commentaires. D'une part, elle montre que la mesure en question n'aura pratiquement pas d'impact sur l'atmosphère parisienne. D'autre part, elle est probablement destinée à faire comprendre aux parisiens que peu d'entre eux seront impactés et qu’il n'y a donc pas de raison de s'inquiéter. On retrouve ici le syndrome de "matin brun" si bien illustré par Anne Sinclair dans le Huffington Post dans son article "Les fonctionnaires en grève... alors que la loi El Khomri ne les concerne pas" (ce à quoi on a pu répondre qu'il était également étonnant que des gens qui n'étaient pas condamnés à mort aient pu manifester contre la peine de mort du temps où elle était appliquée en France).
Mais si on y réfléchit, quelle justification peut-on trouver à une telle décision ? On dira que les véhicules les plus anciens polluent plus que les récents ? Il serait alors bien plus logique de décider d'une norme d'émissions de gaz d'échappements applicable à tous. Car enfin, telle quelle, cette règle va aboutir à ce qu'on puisse rouler dans Paris avec un Hummer récent qui consomme entre 20 et 30 litres de carburant aux 100 km tout en interdisant la circulation d'une 2 CV ou d'une R5 qui consomme 5 fois moins ! A cela s'ajoutent deux problèmes importants.
En plus de la pollution directe par leur échappement, les "émissions grises" associées aux véhicules peuvent atteindre 70% de leurs émissions directes. Parmi les émissions grises, se trouvent évidemment les émissions liées à la production du véhicule lui-même. Comme le fait remarquer le site carfree.fr : "Autre vue de l’esprit: on nous vend l’idée que les modèles les plus récents, les plus sophistiqués (et aussi les plus chers au passage) sont les modèles avec les meilleurs taux d’émissions de CO2, surtout si on les compare avec de vieux modèles fortement émetteurs de CO2. Mais qui voudra comparer le bilan carbone réel d’une 2CV et d’une Toyota Prius par exemple? La 2CH a sans doute des émissions élevées de CO2, mais un bilan CO2 beaucoup plus acceptable qu’une Prius incorporant beaucoup de technologie, produite aux quatre coins du monde dans des usines d’assemblage mondialisées, à partir de matières premières toujours plus nombreuses et toujours plus éloignées…" Ajoutons à cela le fait qu’on sait maintenant que les constructeurs ont considérablement triché avec les normes de pollution… En obligeant les parisiens à changer de véhicule s'il est âgé, la Mairie de Paris va donc augmenter leur impact carbone soit en les obligeant à changer de véhicule pour les moins riches soit en les amenant à en acheter un de plus pour les plus aisés. Ce dernier point est bien sûr aussi problématique. Il est clair que cette mesure, encore une fois, défavorisera les ménages les moins riches.
Il s'agit donc là d'une mesure qui impactera d'abord les gens les moins riches pour un effet direct extrêmement faible et un effet indirect à coup sûr négatif. Après avoir tant prétendu soutenir la COP21, on aurait pu espérer mieux. On assiste à la création réglementaire d'une obsolescence programmée par un règlement municipal dont on peut se demander, du coup, s'il est vraiment compatible avec la loi mais dont on peut être certain qu’il ne sert pas la cause qu’il prétend servir...