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Billet de blog 14 novembre 2022

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Un projet désastreux de fracturation hydraulique à Saint-Pandelon (40)

La Compagnie des Salins du Midi et de l'Est a lancé un nouveau et désastreux projet à Saint Pandelon pour extraire du sel à proximité d'une vingtaine de maisons, Les risques et dangers écologiques sont là : effondrement à terme de maisons, bruit, énorme prélèvement d'eau toute l'année et mise en danger d'espèces protégées. Une association s'est constituée pour empêcher le projet.

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Fracturation hydraulique à Saint Pandelon (Landes) :  Un projet désastreux et un abus de biens communs   

La Compagnie des Salins du Midi et de l’Est (CSME) extrait du sel du sous-sol à Saint Pandelon, dans le sud du département des Landes. La méthode d’extraction est du type fracturation hydraulique : de l’eau sous-pression est envoyée sous pression à 600 m de profondeur, fracture la masse de sel sous-jacente,  revient sous forme de saumure, est ensuite transférée à Dax, d’où le sel est extrait. Comme un trou est creusé sous la terre, la  méthode  conduit au bout d’un certain temps à des effondrements en surface. Dès la fin du 19e siècle, des maisons sont tombées dans un trou en plein Dax. En 1907, une mine de sel s’est effondrée à Saint Pandelon, donnant naissance à un lac d’effondrement qui s’est progressivement agrandi. L’installation actuelle à Saint Pandelon de la CSME (1962) a donné lieu à d’autres effondrements, et à l’apparition de plus petits lacs. Il s’est par ailleurs produit une explosion en 1990. L’installation actuelle reste toutefois à distance des maisons.

Depuis l’été 2022, la CSME s’est lancée dans un nouveau projet, tout en maintenant l’exploitation actuelle jusqu’en 2042.

    La CSME a déposé un dossier et une enquête d’utilité publique a été ouverte en septembre 2022. Le projet consiste à ouvrir (avec la même méthode) un autre lieu d’exploitation, avec deux forages,  encore à Saint Pandelon.  Mais cette fois-ci le lieu d’implantation envisagé est à proximité de nombreuses maisons, 20 maisons dans un rayon de 300 m. Le nouveau projet se situe dans un joli coin de campagne, tranquille, entre deux moulins du 18e siècle, le moulin du Hourn et le moulin de Campagne, à proximité d’un charmant ruisseau, le ruisseau du Hourn. Pour les voisins, et pour d’autres maisons qui sont un peu plus loin (dont la mienne), le projet comporte un ensemble de risques et de dangers écologiques :

  • Le premier risque est celui d’effondrement des maisons. Cela s’est déjà produit dans le passé, à Dax et Saint Pandelon. Le cadastre actuel de Saint Pandelon continue à faire figurer au milieu du lac une maison qui est maintenant sous l’eau. Mais les délais sont longs et l’effondrement peut se produire seulement au bout de 20 ou 50 ans d’exploitation. La CSME aura peut-être à ce moment disparu, et qui indemnisera ?
  • Le deuxième risque est celui du bruit. Il faut un compresseur puissant pour envoyer l’eau sous pression. Dans le projet CSME, on annonce un bruit pouvant aller jusqu’à 95 décibels. La première maison est à 130 m et un joli coin de campagne devient un site industriel bruyant.
  • Le premier problème écologique est celui de l’eau. La CSME dit vouloir utiliser 200 000 m3 d’eau par an pour son nouveau projet, mais c’est sans doute plus. L’eau est pompée dans le lac d’effondrement de Saint Pandelon mais ce lac est alimenté indirectement par le ruisseau du Hourn. Qui autorise la CSME à pomper une telle quantité d’eau, paye-t-elle quelque chose pour cela, la CSME n’en dit rien dans son projet. Il y a aujourd’hui des problèmes de sécheresse, et les irrigants agricoles peuvent être empêchés de prélever de l’eau dans les rivières. Rien de tel pour la CSME qui parait autorisée à prélever toute l’année.
  • Le deuxième problème écologique est celui de fuites de saumure dans l’environnement, fuites qui se produisent assez régulièrement. Cette fois-ci on est à proximité d’un ruisseau, et la saumure pourra se répandre dans le ruisseau.
  • Le troisième problème écologique est lié à la présence d’espèces protégées dans le ruisseau du Hourn ou à proximité. Il y a tout d’abord à proximité du ruisseau du Hourn une libellule rare, la libellule Agrion de Mercure, qui est menacée. Il y a ensuite, à l’endroit où le ruisseau de Hourn se jette dans la rivière Luy, une moule d’eau douce très rare, la « grande mulette», en voie d’extinction (liste rouge de l’UICN) et présente seulement à quelques endroits en France. Il y a dans le ruisseau du Hourn et dans le lac de Saint Pandelon des moules d’eau douce. S’agit-il de « grandes mulettes », c’est tout à fait possible, et cela mériterait une étude spécifique. Le dossier de la CSME se garde bien d’étudier la question. L’été les prélèvements de la CSME assèchent largement le ruisseau du Hourn, à l’endroit où il se jette dans la rivière Luy, et à l’endroit où se trouvent des « grande mulettes ». L’extrémité du ruisseau du Hourn, à l’endroit où il débouche dans le Luy, est protégé Natura 40 à partir de 2023. De quel droit la CSME assèche-t-elle l’été ce ruisseau, quitte à envoyer l’hiver de la saumure sur des moules d’eau douce ?

    Lors de l’enquête d’utilité publique de septembre 2022, de nombreux intervenants ont déposé des contributions détaillées sur les dangers du projet. Inquiète de l’opposition des riverains, la CSME a organisé une réunion publique le 11 octobre 2022, qui a rassemblé une quarantaine d’opposants. La CSME a été incapable de répondre à un certain nombre de questions, notamment sur les assurances dont elle disposait en cas d’effondrement des maisons.

   Le projet est soutenu sur place par le maire actuel de Saint Pandelon, au courant du projet depuis longtemps, mais qui s’est bien gardé de prévenir les riverains avant que l’enquête d’utilité publique démarre. On peut également s'étonner des rapports préalables d’institutions chargées de la protection de l’environnement, la DREAL et la MRAE de Nouvelle-Aquitaine. La DREAL est, dans son rapport sur le projet d la CSME, totalement insensible à la question de l’eau, et notamment des prélèvements en période de sécheresse ; elle ne se préoccupe pas plus du possible effondrement des maisons. La MRAE  ne s’est pas préoccupée d’études complémentaires pour savoir si les moules d’eau douce présentes dans le ruisseau du Hourn et le lac de Saint Pandelon sont ou non des « grandes mulettes ». Ces deux institutions n’ont pas rempli la mission de service public dont elles sont chargées.

    Le projet de la CSME est un projet d’abus de biens communs. Comme elle a acheté quelques parcelles de terre à Saint Pandelon,  la CSME pense avoir tous les droits. Pratiquer des cavités dans le sol sans se préoccuper des conséquences pour les riverains, en retirer du sel pour le revendre, prélever sans compter de l’eau venue de toute la région, faire du bruit et mettre en danger des espèces protégées, rien ne la retient. Le directeur des Salines de Dax, dans un article du journal Sud-Ouest (édition Sud- Landes, 9 novembre 2022), pratique de plus le chantage à l’emploi pour défendre son projet. Il avance que l’emploi des 20 salariés des Salines de Dax est menacé si le nouveau projet ne se fait pas. Il oublie de dire que l’exploitation sur le site actuel est autorisée jusqu’en 2042, ce qui constitue une garantie d’emploi. Le sel n’est pas rare en France. Son extraction à Saint Pandelon ne correspond à aucune nécessité d’utilité publique. Il y a du sel plein la mer, mais le sel extrait des marais salants revient probablement un peu plus cher que celui de Saint Pandelon. La motivation de la CSME est purement financière.

    Les riverains ont trop longtemps cru aux mensonges ou aux approximations de la CSME et ne laisseront pas faire ces travaux qui vont à terme ruiner leurs demeures et compromettre le calme et le bien-vivre de ce village gascon. Une pétition est en cours de signature, une association de riverains (Sauvons Notre Campagne) s’est montée contre ces forages. Il faut faire vite, car la CSME voudrait débuter son 1er forage à l’automne 2023, après arrêté du Préfet des Landes peut-être fin février.

Pierre Le Masne

Maitre de conférence émérite en Economie 

Habitant de la zone concernée 

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Pour plus d'informations, je joints à cet article les éléments suivants :

Enquête publique, tous documents : http://www.landes.gouv.fr/icpe-processus-autorisation-r594.html

Accéder à la pétition : https://chng.it/cF8CtPRpmJ

Nom et Coordonnées de l’association : Sauvons Notre Campagne,   Contact : Françoise Simon,

420 route du Moulin de Campagne   401810 Saint Pandelon     tictac40@netcourrier.com     

05 58 74 40 40   ou  06 87 37 85 95  ou  07 49 39 25 00

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