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Billet de blog 1 avril 2013

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Oui, l'Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013 avantage les organismes assureurs lucratifs

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L'ANI prévoit une généralisation de la complémentaire santé à partir de négociations paritaires
dans les branches professionnelles. Aujourd'hui, 95 % des salariés sont déjà couverts par une
complémentaire santé. Les salariés non couverts par un contrat collectif complémentaire santé sont
en majorité couverts par une adhésion individuelle, laquelle est en très large majorité souscrite
auprès d' une mutuelle code le mutualité et au moins jusqu’à il y a peu, dans un cadre très
généralement non lucratif.
En mettant à part les conjoints de salariés bénéficiant d'une couverture du fait de leur conjoint, il y a
donc bien transfert des mutuelles code de la mutualité vers les organismes assureurs qui opèrent très
majoritairement en collectif : les Institutions de Prévoyance (IP) et les Sociétés d'Assurance.
En quasi-totalité, les sociétés d'assurance intervenant en complémentaire santé collective sont des
assureurs capitalistiques et lucratifs, les assureurs mutualistes couvrant, soit une part infime du
marché, soit opérant avec des mutuelles code de la mutualité qui sont largement tournées vers
l'individuel.
Les Institutions de Prévoyance (IP), si elles sont statutairement à but non lucratif, sont pourtant
assez souvent réassurées auprès des assureurs capitalistiques et lucratifs (et en « quote-part » ce qui
a pour effet de transférer au secteur lucratif à la fois le risque et la valeur ajoutée « assurance » de
l'opération).
Nombreux sont les accords de branches ou d'entreprises, mettant en place des régimes
complémentaires de Prévoyance collective ou de santé, qui désignent une Institution de Prévoyance,
elle même réassurée, quelquefois entièrement, pour les régimes nés de ces accords, auprès de
sociétés d'assurance lucratives.
La quasi totalité des IP est aujourd'hui passée en réalité dans le secteur lucratif. En effet, elles
utilisent presque toutes, maintenant, le courtage comme moyen de diffusion. Ainsi, même dans le
cas où un contrat souscrit auprès d'une IP n'est pas réassuré, si il est souscrit -cas aujourd'hui
général- via un courtier, la commission correspondante étant de 5 % alors que le coût du risque est
seulement de 3 % maximum, ce contrat est, en réalité, essentiellement lucratif.
La réassurance en quote-part, dans le cas de figure d'un contrat complémentaire santé collectif pour
tous les salariés d'une branche professionnelle, ne se justifie pas techniquement. La mutualisation
pour ce risque, réalisée avec quelques milliers de salariés, élimine en effet la quasi totalité du risque.
Cependant, une réassurance est mise en place souvent soit pour une raison commerciale (il y a alors
partage du « marché » entre l'IP et le réassureur en quote part , une société d'assurance dans la plus
part des cas) soit pour abriter la commission d'un courtier qui ainsi n' apparaît pas dans l'opération
directe entre la branche et l' Institution de Prévoyance.
Ainsi dans le cas d'un accord désignant une Institution qui est entièrement réassurée auprès d'une
société d'assurance lucrative, la valeur ajoutée « assurance » (3 % de la cotisation en moyenne) est
donc entièrement transférée au secteur lucratif. Si il y a un courtier (5 % de commission en général)
dans l'opération et que l'Institution opère la gestion administrative du régime, d'un coût supposé de
10 % de la cotisation, on voit que l'opération est transférée au secteur lucratif pour 44 % ! (5 % +
3 % rapportés à 18 % total de la valeur ajoutée de l'opération : 3%+5%+10 %). Si en plus la gestion
est opérée par le courtier alors la totalité de la valeur ajoutée de l'opération (18%) est transférée au
secteur lucratif !
Le cas relativement classique d'une négociation de branche professionnelle dans laquelle un Régime
complémentaire santé collectif a été mis en place et qui paraît assez révélateur est souvent le
suivant :
Une Institution de Prévoyance est désignée par l'accord pour assurer le régime. Plusieurs IP peuvent
aussi être désignées avec un mécanisme de solidarité entre elles et une répartition géographique des
adhésions. L'IP désignée est réassurée par exemple à 50 % par un assureur capitalistique et lucratif
et la gestion des prestations est opérée par un courtier.
On comprend donc sans peine que, en fait, ce type d' opération, encore une fois relativement
classique, relève largement du secteur lucratif.
Il faut remarquer aussi qu'il n'est nullement question dans l'accord, des retraités et d'un tarif qui leur
serait applicable.... c'est beaucoup plus pratique pour un assureur classique.

Oui l'accord ANI favorise bien les organismes assureurs lucratifs, même si la formulation
prise quelquefois pour le dire, par les opposants à cet accord, n'est pas la plus appropriée.
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