En soi même ce n’est pas une question fondamentale, mais elle permet de bien voir comment
s’organise la propagande ordinaire dans les médias et chez les journalistes politiques, qu’ils en
soient conscients ou non.
Les médias en règle très générale et sans (apparemment) se poser de question classent le PS à gauche.
D’ailleurs lors des élections européennes, ils critiquaient, tous, la gauche (toute la gauche) pour être
éparpillée et incapable de s’unir. Il ne faut pas se leurrer. Les papiers étaient tout prêts, si jamais
ceux que les médias appellent « gauche » s’unissaient, s’ils présentaient une liste commune aux
élections européennes, que n’aurait-t-on pas lu ou entendu !
-Un PS/Gluksman, fédéraliste, mais ayant voté pour des directives (par exemple privatisation de
l’énergie...) rejetées vivement par les autres « gauches ». Un PS appartenant à un groupe au
parlement européen faisant officiellement alliance avec la droite. Le SPD, parti social-démocrate
allemand du même groupe, engagé dans une coalition gouvernementale avec la droite en
Allemagne. Gluksman lui même libéral affiché….. (mais les médias, si curieux normalement, n’en
ont que très peu parlé ). ….
-Une aile gauche du PS (20 % des voix au dernier congrès) ayant quitté le PS et rejoint la liste de la
France Insoumise aux dernières élections européennes.
-Un B. Hamon et son groupe, fédéraliste aussi, mais en revanche vivement opposé aux directives
européennes votées par le PS et à ce type d’alliance avec la droite.
-Un PC pro-nucléaire, opposé à ces directives, aux Traités, mais ne les rejetant pas…
-Une France Insoumise, opposée vivement au nucléaire, rejetant les Traités de l’UE mais rejetée elle
même très fortement par les médias et ne réussissant pas à parler de ses idées,…
-Des « oui » et des « non » lors du Traité Constitutionnel Européen!
Bref un méli-mélo qui aurait été dénoncé aussitôt par les médias comme du n’importe quoi sans
idée mais électoraliste….
Heureusement pour les électeurs, qui ainsi n’ont pas été pris pour des imbéciles, pas de bouillie
électoraliste ou supposée telle.
L’évolution du PS dans le temps
-1992 Traité de Maastricht. Après l’Acte Unique de 1986, c’est le Traité fondateur de l’UE.
J.P. Chevènement et le CERES en désaccord complet avec le PS sur l’appréhension de l’UE quitte
le PS. (1)
Le Traité de Maastricht fut adopté (de peu), par référendum.
-2005 Traité Constitutionnel Européen..
Le TCE établissait pour les pays membres de l’UE, un choix de politique économique, donc un
choix de société : l’obligation de suivre « l’économie sociale de marché ». Pour les « sachants »
cela s’appelle « l’ordo libéralisme », doctrine des chanceliers allemands K. Adenauer et L. Erhard .
Notons que seule la défunte URSS portait un choix de société dans sa constitution !
Il faut se rappeler le déchaînement des médias pour le « oui », les journalistes de radios, même
publiques, se permettant de donner leurs opinions, traitant de noms d’oiseaux ceux qui ne pensaient
pas comme eux, en dehors de tout respect de temps de parole. (Ils ne furent même pas
sanctionnés…..).
Rappelons que c’est lors du congrès de Bad Godesberg que le SPD allemand adopta ce cadre et
accepta donc le libéralisme économique régulé.
Devant l’enthousiasme d’une grande partie de la gauche pour la constitution d’une Union
Européenne, la droite et le centre firent passer cet aspect « économie sociale de marché » sans
difficulté.
De fait, la majorité du PS accepta ce deal, si une large partie des dirigeants se déclara contre et fit
même campagne contre. Une très large partie de la gauche, dans ou en dehors du PS, fit alors
campagne contre ce Traité qui fut assez largement rejeté par le peuple français.
C’est le véritable point de départ d’un problème au PS. Car ce parti, largement divisé donc par ce
Traité, resta uni, en principe, alors même que de nombreuses « gauches » internes et externes
avaient fleuri.
Un changement fondamental au PS
- 2008 Le PS inscrit dans sa déclaration de principes la référence à l’économie sociale de marché.
Episode assez largement ignoré par les médias, à part, peut être, une variation de M. Aubry sur
l’économie de marché (qu’elle acceptait) et la Société de marché (qu’elle rejetait). Il n’était quand
même pas possible d’ accepter l’économie sociale de marché dans un Traité et de ne pas l’accepter
dans ses propres textes….
- 2008 Ce fut le départ du PS de J.L. Mélenchon et de son groupe République Sociale, ainsi que de
nombreux petits groupes écologistes.
- 2008 JL Melenchon, M. Dolez et les ex-Chevènementistes forment le Parti de Gauche, rejoint en
2009 par la Gauche Ecologiste, aile gauche des « Verts ».
- 2012 F. Hollande, ex 1° secrétaire du PS devient Président de la République. Il pratique avec son
1° gouvernement une politique que l’on peut qualifier comme on veut. (2)
-2014 Henri Emmanuelli qui fut un 1° secrétaire du PS respecté déclarait que le PS n’existait plus.
H. Emmanuelli est classé par la majeure partie des journalistes comme un des leader de l’aile
gauche du PS. Comme il était 1° secrétaire du Parti et qu’il n’a jamais changé d’idées, il faut en
conclure que le PS est beaucoup moins à gauche qu’il n’était précédemment.(Toujours bien
curieusement les journalistes politiques parlèrent très peu des propos de H Emmanuelli….)
F. Hollande fit alors appel comme 1° ministre à M.Valls qui avait obtenu 5 % des voix seulement
lors de la primaire du PS pour désigner le candidat à l’élection présidentielle. Celui ci du faire face
à une fronde de députés PS, représentant plusieurs dizaines de % dans le PS mais à l’Assemblée
seulement une vingtaine de députés, poussant même au vote d’une motion de censure.
Un divorce complet au sein du PS
2017 F Hollande ne se représente pas. E.Macron un ancien de son cabinet et ministre de l’économie
se présenta. Il rassembla alors des droites, des centristes et des ex PS, assez nombreux à le rallier.
B Hamon de la gauche du PS fut désigné candidat par les militants du PS, battant largement M.
Valls qui refusa de le soutenir comme d’autres leaders du PS. M. Valls quitta le PS.
B. Hamon obtint un très mauvais score, et ne fut pas réellement soutenu par la direction du PS. Il
quitta alors le PS.
2019 : L’aile gauche du PS, 20 % au dernier congrès, dont E. Maurel, eurodéputé, et
M.N.Lienemann, sénatrice, quittent le PS et rejoignent la liste de La France Insoumise pour les
élections européennes. Mais le jour même de l’annonce effective, une gigantesque multi perquisition
chez J.L.Mélenchon, ses adjoints, son mouvement, son parti, annihile tout effet
médiatique de ce ralliement.
Alors, après ces élections européennes, peut on dire que le PS est de gauche ?
Le PS n’a plus son aile gauche ni B. Hamon ni E. Maurel. Mais les militants ont bien désigné B.
Hamon comme candidat à la présidentielle si la majorité de la direction du PS n’a pas suivi cette
désignation ; il y avait alors un énorme hiatus entre les militants et la direction...
Difficile de concevoir un parti social démocrate sans une aile gauche.
Cela étant, une partie non négligeable des leaders est directement passée avec E.Macron, le Modem
et une partie de la droite. Quel est alors l’orientation de ceux qui sont restés ?
Voilà ce que L. Joffrin directeur du quotidien Libération prévoyait pour la Présidence de F.
Hollande, Libération considéré par tous les journalistes politiques comme un quotidien de
« gauche »
: « Un gouvernement social-démocrate » qui dans le cadre de l’économie de marché réduise autant
que possible les inégalités, ...fasse fonctionner le capitalisme, ...il n’y a pas de Bolchévique au
gouvernement …. »Libé 061012
Voilà donc ce que Libération entend par « Gauche ». Y souscrirait volontiers un centriste et très
probablement nombre de personnes de droite ou de centre droit….
Qualifier de « gauche » le PS permet aux médias de qualifier d’extrême gauche ceux qui sont à la
gauche du PS. On ne sait plus alors la qualification de ceux (Lutte ouvrière par exemple) que les
médias appelaient auparavant « extrême gauche »…...
D’ailleurs dès maintenant on voit par exemple que les opposants aux Traités commerciaux de l’UE
sont : « les écologistes et les ONG ». Disparues du paysage toutes les autres oppositions ! Oublié
que tous les eurodéputés du PS s’étaient prononcés contre (en 2017) alors même que F. Hollande se
prononçait pour ! Les journalistes même « politiques » ont pourtant la charge d’informer les
Français…..Il est vrai que les médias n’ont pas parlé lors de la campagne électorale des
programmes ou des idées : par exemple le refus de la libre concurrence et au contraire la régulation
des échanges commerciaux appelé par certains protectionnisme ...et toujours pas lors de la
ratification par l’Assemblée Nationale du CETA (déjà en vigueur depuis deux ans…..) alors que
certains se battent contre depuis 6 ans !….Pauvres lecteurs, auditeurs et téléspectateurs….
Cela étant, le PS sera ce que sa conduite effective en fera.
Avec les élections européennes, mettre un libéral à la tête de la liste, ne pas dénoncer des directives
votées par les élus PS européens( énergie par exemple) n’est pas de nature à classer à gauche ce
parti, il est vrai que une très large part des « têtes » du PS n’ont pas participé à la campagne
électorale. En revanche, se prononcer contre la privatisation d’ADP, de même se prononcer contre
la ratification du CETA est une inflexion forte pour ce parti.(3)
La « Gauche »
Soyons clairs, on est à gauche ou pas selon que l’on défend ou que l’on mène une politique
économique à gauche ou pas. Or l’adoption de l’économie sociale de marché, donc le libéralisme
économique comme modèle, est précisément de nature à ne pas classer le PS à gauche.
Mais pour les médias et les journalistes politiques, ceux qui se revendiquent d’une politique
sociétale avancée sont la gauche, et les autres, la droite.
Ceux qui veulent une autre société via une autre politique économique qui ne soit pas néo libérale et
sont ainsi amenés à mettre en cause le capitalisme et la concurrence, soi disant, libre et non faussée,
sont classés « extrême gauche », « populistes » et sont ostracisés aussitôt. Plus question de parler de
leurs programmes ou de leurs idées, il s’agit de les combattre et ce par tous les moyens.
Médias et journalistes politiques se comportent ainsi, consciemment ou non, pour défendre leurs
propriétaires, actionnaires ou maîtres à penser.
C’est d’ailleurs pour cela que ces médias existent, pour exorciser tout démon anticapitaliste...pas
pour des raisons financières !
Verrait on sinon des milliardaires investir dans des entreprises non rentables ?
Le problème qui va se poser avec de plus en plus d’acuité, est que pour se faire connaître des
autres, les ignorés des médias ou les mal nommés des médias, les mal traités, les « invisibles »,
risquent n’avoir plus que la violence pour se faire entendre.
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(1) On n’oubliera pas, à ce propos, que Pierre Mendès France s’opposa vivement au Traité de Rome en 1957, notamment sur le fait
qu’il ne fallait surtout pas selon lui commençait par l’économie...(le Traité de Rome contenait la phrase ...une concurrence libre et
non faussée…).
Nombreux sont pourtant les politiques qui emportent PMF avec eux dans leurs élans européens...et se moquent en réalité des
français.
(2)Par exemple, il crée le CICE. 18,6 Md € par an(oui, 18,6 md€! Et même 37,2 md € en 2019) de dotations aux entreprises….(le
double en 2019), aucune étude n’ayant montré une quelconque efficacité économique ou pour combattre le chômage.
(3) Il restera toujours le fait (masqué, volontairement ou non, par les médias et les journalistes politiques) que la crise de 2008 résulte
pour une large part des dérégulations financières. Or les « sachants » du PS, L. Fabius et D. Strauss Khan, ont largement dérégulé la
finance avant la crise. Comment lorsque l’on appartient à un parti de gauche ou social démocrate peut on se tromper à ce point !