Pierre MASCOMERE

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Billet de blog 21 juillet 2025

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Retraite et Vieillissement

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.


  C’est à un déferlement de critiques contre la « Répartition » et de désinformations concernant la
Retraite, que nous avons assisté ces derniers temps. Ceci, entre autres, pour donner des solutions
(ou non) au « problème » mis en exergue : le déficit, supposé gigantesque, de ce qui est appelé
« Système de Retraite » français…
(Notons d’ailleurs au passage que les définitions de la Retraite en Répartition ou de la Retraite en
Capitalisation ne sont jamais données….sinon par des conséquences supposées !)

Tous les « arguments » semblant maintenant avoir été utilisés, le « conclave » sur les Retraites étant
terminé, on peut essayer de faire un tri et d’y voir un peu plus clair, dans les propos et arguments.
Les « pro capitalisation », quasi seuls à être repris dans les médias, ont notamment multiplié les
contre vérités, les assertions non démontrées, voire les âneries pures et simples.

Il est vrai que l’un des objectifs de ce déferlement, objectif d’ailleurs atteint, était de surtout de faire
oublier les conclusions, des rapports du COR, (les trois derniers), sauf le « déficit » bien
entendu.Ces conclusions étaient pourtant bien spécifiées dans le document de synthèse ; par
exemple, pas un mot sur les « dépenses » ...qui pourtant n'augmentent pas !…...

L’aspect évoqué le plus souvent, a certainement été le « vieillissement de la population ».
Les statistiques mettant en exergue la baisse de la natalité sont venues, de plus, comme une arme de
destruction massive vis à vis du « système » de Retraite Français. Qu’on en juge par ces quelques
mots relevés dans des articles ou discours : à bout de souffle..., qui ne peut plus marcher..., qui va
faire obligatoirement de plus en plus de déficits..., pyramide de Ponzi…, qui spolient les jeunes
générations ...etc…

Certes, le rapport démographique (nombre d'actifs rapporté au nombre de retraités) qui était proche
de 2/1 (deux actifs pour un retraité) il y a quelques dizaines d’années atteint maintenant 1,2/1
seulement. Mais un paramètre généralement oublié (volontairement ou non), fort important, et qui
permet justement à la Répartition de fonctionner est la « productivité du travail » qui
normalement s’accroît chaque année. (En gros, l'augmentation de la productivité du travail
correspond au fait que si un travailleur génère avec une heure de travail une richesse de 100€,
quelques années plus tard, cette même heure travaillée, générera 150€, évolution due notamment au
progrès technique.)

Il est tout à fait vrai que si la productivité du travail ne progresse plus, voire baisse (ce qui a été le
cas en France et aussi en UE), alors la Répartition est en danger, et l'évolution de la productivité, il
est vrai, est aujourd'hui moindre qu'il y a quelques années ;
Pour bien comprendre ce processus essentiel, le mieux est de lire l’article, ci-après, de JC Seys, ex
PDG de la MAAF . Certes cet article date de 2003 mais il n’a rien perdu de sa clarté et de sa
simplicité.

Cela étant, il est étonnant de voir mettre en cause la Répartition via le vieillissement
démographique. En effet, la valeur d’un « actif » (financier ou immobilier..) est déterminée par les
acheteurs potentiels. Si le nombre d’acheteurs potentiels baisse par rapport au nombre de vendeurs,
la valeurs des « actifs » baissent. La capitalisation est donc affectée par la baisse du rapport
démographique. Payer des pensions (pour les retraités donc) suppose de vendre des « actifs » à
ceux qui peuvent les acheter, donc des non-retraités qui versent des cotisations pour cela, on les
appellent aussi les « actifs ». On notera la similitude des deux termes qui n’est pas fortuite.
Ce processus, souvent masqué par les variations du marché boursier, est en général bien caché aux
investisseurs. Certes on dira alors que les investissements ne sont pas effectués dans un seul
pays ...mais le vieillissement démographique touche un très grand nombre de pays !
Au pire rappelons que si un « actif » n’a aucun acheteur, sa valeur est ...zéro !

Répartition et Capitaux

Le plus étonnant est que les tenants de la Capitalisation vantent les mérites de celle ci en indiquant
qu’elle fournira enfin à la France les capitaux qui lui font tant défaut pour investir dans l’industrie
etc...Mais il faut savoir qu'une part non négligeable des capitaux français s’investit aux EU
notamment, et au niveau de l'Union Européenne, le phénomène est le même (Voir à cet effet le
rapport Draghi).
C’est tout de même curieux cette propension de certains, quand existe une fuite d’eau, de penser
d'abord à augmenter le volume d’eau….

L' argument du surcroît de capitaux ne vaut en fait pas grand-chose car la Répartition, quand un de
ses objets n’est pas de reconstituer des droits passés ou de donner une retraite à ceux qui n’en
avaient pas, génère des réserves, même beaucoup de réserves et même largement autant que la
Capitalisation quand on lui impose par exemple de payer les pensions acquises si le Régime de
Retraite en cause venait à être supprimé. (C’est la Répartition provisionnée).

De toute façon, un régime de retraite -bien géré- possède toujours de larges réserves. Il faut bien
admettre d'ailleurs que certains régimes ne sont pas aussi bien gérés que celui de l'Arro-Agirc,
(Régime complémentaire des salariés du privé)

Répartition et Prévisions

Avec la Retraite pour ceux qui n’en avaient pas, qui est la plus grande réussite de la Répartition, (la
Capitalisation à cette époque avait, elle, fait faillite !), il faut bien concevoir que la démographie a
cet avantage de se prévoir pour plusieurs dizaines d’années. On connaît chaque année la table de
mortalité, mise à jour chaque année, les probabilités de décès à chaque âge, les vivants de l’année
XXX+1 sont les vivants de l’année XXX auxquels il faut retrancher les décès de l’année,... toute
population s'accroissant par les âges les plus jeunes devient une table de mortalité etc. etc ….

Avec les hypothèses sur l'évolution des salaires, la productivité du travail etc...il est possible de voir
les évolutions d'un régime de retraite pendant plusieurs dizaines d'années. C'est d'ailleurs ce qui est
fait chaque année pour l'Agirc-Arrco et quelques autres régimes. Tout est (ou pourrait être) gérable,
pilotable, prévisible dans un régime par Répartition. Et que cela ne soit pas fait tout le temps est
pour le moins étonnant et constitue, sans doute, une faute de gestion.

Alors il est très curieux que des systèmes aussi importants que la Fonction Publique d' Etat ne fasse
pas l'objet ce ces prévisions ou, si elles existent, ne soient pas chaque exercice remis aux
parlementaires et rendues publiques. La non transparence, voulue ou non, d'une large partie de ce
qui est appelée « Système de Retraite français » est un grave défaut démocratique.

Un Ministre vient de prévoir pour les fonctionnaires une augmentation pour l'année à venir inférieur
à l'inflation, un autre ou le même indiquait un projet de réduction du nombre de fonctionnaires.
Mais cela a des conséquences immédiates sur le système de Retraite des fonctionnaires !
Conséquences qui devraient être portées le plus rapidement possible à la connaissance de tous.
Ne pas le faire est se moquer des Français !

De même quand le Président de la République prévoit une ou des primes salariales non soumises à
cotisations retraite, il y a des conséquences immédiates sur le ou les Régimes de Retraite, il faudrait
les indiquer, les rendre publiques au lieu de faire semblant de les ignorer.
Surtout en clamant ensuite que le système est en déficit.

A suivre....

                                                                                          __________________

La Productivité du Travail   Exemple (tiré d'un article de JC Seys, le Figaro du 050203)

>>Soit une première situation : Il y a quatre actifs et deux retraités.
Chaque actif a un revenu brut de 100, donc au total 400. La cotisation retraite est de 25.
Il y a 4 x 25 de cotisations, soit 100, à partager pour les deux retraités, soit 50 pour chacun.
Le revenu net des quatre actifs sera de 75 (100 moins la cotisation de 25).

>>Soit la deuxième situation : il y a trois actifs et trois retraités.
Si la cotisation reste de 25 et le revenu brut de chacun 100 (donc au total 300), il y a 3x25 de
cotisations soit 75 à partager pour trois retraités, soit 25 pour chacun des retraités. La retraite de
chacun des trois retraités sera donc diminuée de moitié par rapport à la situation précédente.
Si la cotisation passe à 50 et le revenu brut de chaque actif reste à 100 (au total 300), le revenu net
de chaque actif devient 50 et donc baisse de moitié par rapport à la première situation. La retraite de
chacun des trois retraités est toujours en revanche de 50.
Mais si le revenu brut des trois actifs ne baisse pas globalement et reste à 400 ( soit 133 chacun) et
si on veut que la retraite de chacun des trois retraités reste de 50, cela nécessite une cotisation
globale de 150 . Le revenu net des trois actifs est alors de 400-150 = 250, soit 250/3 pour chacun,
donc 83,33. Le revenu net de chacun des trois actifs progresse de 10% par rapport aux 75
précédents.
Cette hypothèse, qui conserve un total de salaires de 400 avec trois actifs au lieu de quatre, suppose
une amélioration de la productivité de 33%.

>>>>>>>>Sur plusieurs dizaines d'années, cela n'a rien d'impossible .…

Sauf si tous les gains de productivité sont accaparés par le capital…...
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