« Historique » c'est ainsi que s'exclame Pierre Gattaz, le Président du Medef, dans Le Echos à propos de l'accord de principe du 16 octobre sur les retraites complémentaires Arrco/Agirc.
C'est effectivement la première fois qu' un accord national est signé alors qu'il prévoit que seuls les salariés supportent les nouvelles mesures et les coûts supplémentaires. Les employeurs ne supporteront in fine rien, c'est Pierre Gattaz qui le dit lui même, les cotisations à charge des employeurs seront dûment compensées par des baisses sur les cotisations de la branche ATMP de la SS « à la suite d' une double négociation avec le Président de la République ».
Après la stupéfaction, la première remarque qui vient à l'esprit est qu' il n'y avait alors pas besoin du Medef pour un tel accord à la seule charge des salariés. Ceux ci pouvaient décider, seuls, des répartitions de coûts entre retraités et actifs, diminution de droits, augmentation des cotisations etc..
Peut être était-ce justement ce point que le Medef voulait éviter. Que les salariés prévoient une augmentation des cotisations qui leur aurait donné plus de combativité pour réclamer ensuite des augmentations de salaires visant, au moins en partie, à compenser ce prélèvement.
L'accord n'a donc servi qu'à ce que le patronat intervienne dans ce qui ne concernait a priori que les salariés. Le patronat dicte ainsi aux salariés ce qu'ils doivent faire en matière de répartition de coûts.
Il s'est trouvé pourtant un journaliste des Echos qui a trouvé, à la télévision, (Grand Soir 3 du 20 octobre) cet accord équilibré ! 100 et 0 quel équilibre !
Il est vrai que lors de la réforme des retraites de 2011 et bien que les Echos eux mêmes aient indiqué que les effets de la crise représentaient 66 % du déficit et la démographie seulement 33 %, cette réforme avait été jugée « juste et équilibré » alors même que l'effort des salariés se chiffrait à 84 % !
D’ailleurs ajoutait ce journaliste, en souriant, comment trois grandes centrales syndicales auraient-elles pu alors signer si cet accord n'était pas équilibré !
Certes cette négociation du 16 octobre 2015 était mal engagée. Aucune analyse partagée ou discutée n'a été préalablement établie. Or, dans ce type de négociation, il convient de rechercher d'abord les causes du déficit et de rechercher ensuite les remèdes les mieux adaptés. A des causes structurelles des réponses structurelles, à des causes conjoncturelles des réponses conjoncturelles.
Quels sont les faits ?
Un déficit de 5,5 milliards (ou de 3 milliards si on compte en positif les produits financiers des réserves accumulées), 1 point de cotisations rapportant 6 milliards, une sur-cotisation de 0,50 % comblait ce déficit.
Quelles sont les causes de ce déficit ?
En premier lieu le chômage. Les calculs avaient été effectués et les paramètres réglés pour un taux de chômage de 4,5 %. Or ce dernier est au moins de l'ordre de 10 %. D'ailleurs, une augmentation de la masse de cotisations de l'ordre de 5 % de cette masse, c'est à dire proche de la différence entre le taux réel de chômage constaté et le taux prévu initialement, comble le déficit. (La journaliste de Grand Soir 3 faisait de gros efforts pour que Christophe Ramaux, l' économiste en débat avec le journaliste des Echos, ne puisse pas indiqué ce point, allant alors jusqu'à couvrir sa voix).
Mais il ne faut pas oublier les salaires, qui en valeur réelle décroissent pour 2012 et 2013, (note insee N° 1565) contrairement aux affirmations des médias et des économistes.
Il ne faut pas oublier non plus -surtout pour les salariés cadres-, que les salaires des nouvelles générations sont en valeurs réelles inférieurs à ceux des anciennes générations.
La démographie ne joue en rien sur ce déficit, il suffit de se reporter aux conclusions du rapport du COR en 2010 qui sur la base des paramètres utilisés et d'un taux de chômage de 4,5 % prévoyait un équilibre stable de l'Arrco sur quelques dizaines d'années.
Il est d'ailleurs frappant de constater que les médias ont peu parlé de démographie, ne recherchant surtout pas les causes du déficit alors que, d'habitude, journalistes et pseudo-experts rivalisent de projections sur l'évolution du nombre d'actifs et de retraités et sur l'augmentation de l'espérance de vie. Mais sur le chômage bouche cousue des journalistes , pourquoi ?
Deux raisons d'en être arrivé là.
1-La non mobilisation des salariés sur le sujet.
Cela tient en particulier au fait que le gouvernement est PS alors que ce parti, quand il était dans l'opposition, défendait des idées contraires à celles mises en œuvre dans l'Accord (il n' était pas question par exemple d'augmenter l'âge de la prise retraite).
2-Le rôle du gouvernement.
Un gouvernement voulant appuyer les salariés aurait poussé le rapport de force vers les salariés. Aujourd'hui, comme la quasi totalité des médias, ce gouvernement reprend le discours du Medef et voulait absolument un accord pour vanter les mérites d'un « dialogue social revisité ».
C'est donc un accord humiliant qui en est résulté pour les salariés.
Non seulement ils supportent tous les efforts, mais les employeurs leur dictent même ces efforts.
La notion même de gestion paritaire est atteinte et le paritarisme en sort cabossé.
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