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Billet de blog 1 avril 2021

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Corbeau versus Président

Pendant les moulinets de vingt heures, j'observais un corbeau travailleur qui revenait au bercail. Il palliait un discours d'un vide sidéral. Trois brindilles déposées au nid solennellement. Transportées depuis le parc, en urgence absolue.

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Illustration 1

Mon événement d'hier : pendant les moulinets de vingt heures, un corbeau revenait au bercail et je l'observais.
Les corbeaux demeurent fiables, travailleurs, affairés. Ils ne mentent jamais. 
Efficaces, méthodiques, persévérants, ils consultent leurs congénères au sujet des meilleurs emplacements. Le corbeau est empathique. L'arbitraire lui est étranger.

Le matin même, reconstruction du nid à l'avant-dernier étage de mon sapin vaillant – qui a bondi d'un mètre pour le nouveau printemps, par ce corbeau impliqué et engagé dans sa tâche. Trois brindilles déposées solennellement, transportées depuis le parc en urgence absolue.

Car le corbeau a le sens de l'urgence. 
Certes, il laisse parfois chuter les fromages sous couvert de flatteries, sa robe robe noire le dessert – inquiétant les humains, sa voix se cherche un peu, comme un baryton martin qui aurait mué en basse ; il est sans doute moins doué que le rossignol, mais il persévère et connaît la musique.

Illustration 2
Van Gogh, Les Corbeaux (1890)


Le corbeau écoute Ravel en secret chaque jour.
Paré de son sentiment d'urgence pour parer au plus pressé, le corbeau vole, casque sur les oreilles, concerto en Sol à fond, tentant maladroitement de reproduire  certaines notes – mais peut-on vraiment lui en vouloir ?  
Il suffit pour s'en convaincre d'observer son manège, finement musical et métré, au rythme des saisons.

Mon corbeau palliait un vide sidéral.
Celui d'un discours qui obligerait la compagnie des femmes et hommes à tout réorganiser en deux soupirs, parce qu'on s'était entêté pendant deux mois. Une vague histoire de pari perdu...

Je suis heureux d'avoir pu, hier soir, admirer mon animal. Durant quelque instant, j'ai ainsi oublié la triste condition de ceux qui, peut-être, ne s'en relèveraient pas.

Voilà à quoi je songeais, tandis qu'un homme gesticulait, tentant – une fois de plus – de faire accroire aux humains que quarante-cinq jours plus tard, leur horizon s'éclaircirait.

Le corbeau n'y croyait guère. Il m'adressa un regard complice, un clin d'œil amusé, un lever d'aile gauche en guise de salut, et j'en fus régénéré.

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