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Billet de blog 27 mars 2021

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Nous voici

Nous voici, les yeux écarquillés, face à un homme « de gauche » qui conduit le pays depuis quatre ans. Nous voici devant les urgences de l'hôpital, de la vaccination, des chômeurs, des retraites. Nous voici devant une parole officielle qui enfle comme une baudruche. Crue par personne.

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Illustration 1

Nous voici en mars.
En désordre.
Une société kaput.

Nous voici face à eux, bornés, qui refusent de fermer les écoles au nom de l'égalité, quand les scientifiques le recommandent ; l'implorent presque.
Nous voici face à cette contradiction, quand nous préférerions qu'elles restent ouvertes, parce que retrouver nos élèves et partager avec eux nous maintient, les maintient, debout.
Nous voici face à deux bornes, à gauche et à droite, en papier, fausses, en toc, maculées.

Nous voici avec ces chiffres sur la vaccination, trop optimistes, irréalistes, brandis par un Président qui évoque une vingtaine de  millions dans cinquante jours, puis une trentaine un mois plus tard, puis finalement plus de chiffres. A la fin de l'été, tout ceux qui le souhaitent auront accès au vaccin. 
Un homme qui parle, parle, sans vergogne, boit ses propres paroles, s'en nourrit, tandis que nous recomptons, incrédules.

Nous voici sermonnés, sommés de nous faire vacciner, comme si le problème venait de nous, de notre absence de volonté, alors qu'il s'agit d'intendance et de produits manquants.
Nous voici en désordre devant cette épidémie imprévisible, quand certains suggèrent pourtant qu'on aurait pu prévoir son antidote en quantité suffisante, comme d'autres pays l'ont fait.

Nous voici devant l'urgence des Urgences. Celle de l'hôpital. Devant ces sonnettes d'alarmes, ces réanimations dont on nous avait avertis depuis longtemps qu'elles étaient sous-dotées. Nous voici devant ces soignants, vaillants, épuisés.  Toujours là, depuis toujours. 
Fatigués de ne pas être crus, répétant inlassablement leur pertinente antienne : le budget de l'hôpital, son organisation.
Nous voici en désordre devant leur raison. 

Nous voici les yeux écarquillés, face à un homme « de gauche » qui conduit le pays depuis quatre ans.
Nous voici en désordre devant deux mille témoignages recueillis par Libération. Paroles d'électeurs expliquant pourquoi ils ne voteront pas Macron en cas de duel avec LP au deuxième tour.

LP, Long Play, hélas ! Nous voici avec des raisonnements inquiétants qui affleurent, même au sein des modérés : après tout, il vaut mieux une secousse Le Pen... pour faire réagir. C'est ce qui s'appelle penser avec le feu. Quatre ans de Trump n'auront donc pas suffi. Nous voici stupéfaits devant des calculs machiavéliques, risqués, dangereux : faire passer LP pour qu'elle perde ensuite les législatives.

Négligeant – ces calculs – les pouvoirs considérables d'une présidente de la République qui pourrait gouverner par décret et faire quasiment ce qu'elle veut. On en aura pourtant mangé – du décret, pendant cinq ans. Essuyé, du piétinement de parlement. Nous voici devant ce désordre annoncé ou son prolongement.

Et nous n'en croyons plus nos yeux.

Nous voici devant une piètre défense. Celle de ceux qui se considèrent empêchés de tourner en rond par des gêneurs, lorsqu'ils tiennent des propos sexistes, racistes ou homophobes. « On ne peut plus rien dire », s'étonnent-ils, narquois. Puis, leur irritation : « Oh, vous n'en faites pas un peu trop ? », feignant de croire que les mots échangés sont des signes gentillets sans aucune conséquence.
Nous voici devant leur déni.

Désordres. 
Oui, il y a bien des désordres.
Désordres considérables sous des ordres incohérents.
Nous voici face à des autorités qui nient des évidences. Qui se dédouanent.
Comme si la volonté d'avoir raison était supérieure à la raison d'État.

Nous voici devant une parole officielle, gonflante, qui enfle comme une baudruche. Un ogre de baudruche, cru par personne. Nous voici devant les « Six dehors, pas plus », ceux du ministre punisseur, le tapeur des contrevenants, tandis qu'un éminent médecin épidémiologiste nous exhorte à sortir, au contraire :  « Il faut laisser les gens dehors, c'est moins dangereux.  — Du coup, on ne voit pas très bien... » complète une journaliste. 

Oui, on ne voit même plus du tout. C'est-à-dire qu'on voit surtout une absence de la pensée. Une intelligence en berne.

Et ces décès qui coulent et s'amoncellent le long du Styx...

Pour les chômeurs, en revanche, la pensée se réveille. Contre eux, plutôt. Nous voici devant leur réforme qui en exclura plus d'un. 
Devant celle des retraites. Nous voici en désordre.

Illustration 2

Nous voici face au printemps, quand on nous annonce « des semaines terribles ». Combien de temps tout cela va-t-il tenir ?
Nous voici face aux concerts qui n'existent plus, face au café qu'on ne peut plus prendre, à ton regard qu'on ne croise plus.
Nous voici éparpillés, disséminés, en désordre — désorientés, comme dans notre chanson, écrite avec Simon Goubert. 
Nous voici, espérant pourtant des lendemains qui chantent.

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