C'était le 1er novembre 1954 … en Algérie.
Ce jour-là, des opérations insurrectionnelles se déclarent sur l'ensemble du territoire algérien. Soixante dix vont être recensées sur une trentaine de secteurs et en particulier dans l'Aurès et en Kabylie.
Ainsi, diverses attaques ont lieu contre des bâtiments militaires à Biskra, Batna et Khenchela où quatre soldats français trouvent la mort. D'autres attentats sont localisés
dans le Constantinois, l'Algérois et l'Oranie.
Mais, l'attaque qui symbolisera le mieux cette « Toussaint rouge » est l'attentat des gorges de Tighanimine où un couple d'instituteurs français, Guy et Jacqueline Monnerot arrivés depuis quelques semaines de métropole pour enseigner à Tifelfel, vont être victimes d'un groupe d'insurgés dans l'autocar qui les conduisait à Arris.
Qui sont réellement ces insurgés ?
En fait, ils appartiennent au Front de libération nationale (FLN), un parti politique algérien créé en novembre 1954 pour obtenir de la France, l'indépendance de l'Algérie, alors divisée en départements français.
Le FLN en question et sa branche armée, l'ALN (Armée de libération nationale) commencent à combattre contre l'empire colonial français et ses interventions se traduisent notamment par des exactions contre les populations civiles d'origine européenne et autochtone, mais aussi par une guérilla comportant de violents affrontements avec l'armée française.
Comment cette révolte est-elle donc arrivée ? Il faut se mettre dans un certain contexte d'un temps révolu et qu'il est difficile aujourd'hui à imaginer.
La guerre d'Algérie (appelée officiellement à l'époque "événements d'Algérie") prend place dans l'immense mouvement de décolonisation qui atteignit les empires occidentaux après la Seconde Guerre mondiale. Elle s'inscrit spécialement dans le cadre du combat anti-impérialiste.
Il faut dire que les populations indigènes, soit près de huit millions d'habitants, vivent dans des situations extrêmement précaires. Ces autochtones sont sous la domination de ceux que l'on dénomme les « Français d'Algérie » composés essentiellement de Pieds-Noirs et de Juifs naturalisés.
Depuis longtemps, la lutte pour l'égalité des droits est engagée par des intellectuels et en particulier par le mouvement des oulémas (théologiens musulmans). Le recours au combat est donc initié par le FLN dès 1954, deux ans seulement avant que la Tunisie et le Maroc obtiennent leur indépendance par la négociation. A noter que quelques hommes politiques français d'extrême gauche, souvent dénommés les « porteurs de valises » s'engagèrent dans le soutien du mouvement FLN par l'envoi d'armes et d'argent.
Ainsi, cette guerre d'Algérie va être le théâtre de situations de plus en plus compliquées et les gouvernements de la IV° République ne parviendront à apporter les solutions qui s'imposent.
Par moments, le conflit s'enlise et les discordes politiques se manifestent un peu plus chaque jour.
En 1958, la crise de confiance entre l'armée et les responsables politiques suscite le « putsch d'Alger » (ou coup d'état du 13 mai 1958) dont la conséquence directe va être le retour au pouvoir de Charles de Gaulle qui, la même année, par le référendum du 28 septembre, fonde la V° République.
Désormais, le nouvel homme fort de la France va ouvrir rapidement aux Algériens la voie de l'autodétermination.
Après maintes péripéties, les négociations entre les représentants de la France et du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) débouchent en mars 1962 sur les accords d'Evian. Sur le terrain, ils se traduisent par un cessez-le-feu immédiat applicable à tout le territoire algérien ; ces accords seront approuvés lors du référendum du 8 avril 1962 par 91 % des votants de la France métropolitaine, les électeurs des département d'Algérie étant exclus de ce scrutin.
C'est ainsi que va se terminer la longue guerre d'Algérie.
Pour mémoire, il faut se rappeler que les premiers mouvements préliminaires de ce conflit ont commencé en 1952. De cette date jusqu'en 1962, ce sont 1.343.000 appelés ou rappelés et 407.000 militaires d'active qui sont partis en Algérie, pendant que 180.000 muslumans algériens combattaient aussi du côté de la France.
Le bilan de cette guerre sera lourd : près de 400.000 Algériens pro-indépendantistes ou non seront tués ; Côté français, on dénombre plus de 28.000 morts ches les militaires, 90.000 chez les karkis, près de 6.000 ches les civils « européens » et environ 65.000 blessés.
Au final, le conflit qui fut long et tragique, n'aura jamais résolu le contentieux existant entre l'Algérie et la France.Aujourd'hui encore, malgré soixante années passées, les séquelles de la guerre n'ont pas effacé complètement les animosités des uns envers les autres.
Cependant, si une page est tournée pour l'Histoire, elle ne l'est pas pour tous ceux et celles qui ont été obligés de quitter un pays où ils étaient nés, abandonnant sous la pression violente des autochtones, leur village, leur maison et leurs biens.
La « Toussaint rouge », nom donné pour évoquer dans le contexte de la guerre d'Algérie, la journée du 1er novembre 1954, reste un sombre moment d'une période terriblement troublée. En quelques heures, elle enflamma rapidement la poudrière algérienne.
À l'heure actuelle, en Algérie et en référence au début du conflit, le 1er novembre est devenue la fête nationale du Pays.
De son côté, la France semble avoir oublié cette drôle de « Toussaint » … Mais en ce jour précis, nous, Français, devons avoir un devoir de mémoire, c'est-à-dire le devoir de se souvenir de nos compatriotes qui sont partis combattre en Algérie et surtout de tous ceux qui sont tombés au champ d'honneur pour défendre le drapeau et la patrie.
Pierre Reynaud
Essayiste-historien – Auteur de Révoltez-vous !