
Scandale après la diffusion d’une vidéo montrant un sportif professionnel frapper à plusieurs reprises un chat. Il y a quelques années, scandale en découvrant les images d’un homme jusqu’alors inconnu, filmé à Marseille en train de lancer un chat contre un mur. Qui aurait aujourd’hui l’idée d’invoquer un principe de neutralité, de ne pas se positionner en faveur de la prise en compte de l’intérêt du félin ? Qui viendrait commenter la scène en se disant neutre, ni pour ni contre le tabassage ludique des chats ?
Médiatiquement, la neutralité est mise en avant tous les jours s’agissant de la torture chorégraphiée des taureaux dans l’arène, de l’abattage récréatif des renards par milliers dans les campagnes françaises ou de la noyade forcée des cerfs fuyant la chasse à courre dans les étangs. Ne pas prendre parti. Ni pour, ni contre. Rester neutre entre le bourreau et la victime.
On pourrait parler des abattoirs. Les animaux y subissent peu ou prou le même genre de traitement que sur les places de jeu mortel, mais l’appréciation diffère. La non-nécessité nutritionnelle de manger des animaux pour l’immense majorité des citoyens dans les pays riches, évidente, n’est visiblement pas reconnue par tout un chacun, ou plutôt, pas encore acceptée. L’indignation est sélective, sans penser à mal. On ne peut certainement en vouloir à personne. L’habitude est tellement ancrée, on fait tuer l’animal par d’autres sans même y penser pour obtenir une bonne blanquette. La culture est manifestement longue à évoluer. Des penseurs expliquent certainement mieux que ces quelques paragraphes les mécanismes qui bloquent ou freinent la réception de l’information selon laquelle on peut très facilement éviter de faire souffrir des vaches et des veaux en arrêtant de les manger.
Tout le monde admet en revanche qu’on reste en bonne santé sans s’adonner à la corrida, à la grande vénerie ou à d’autres plaisirs de tuer en costume. Pour autant, tout le monde n’admet pas qu’il faut arrêter ces amusements. Il est encore des observateurs pour qui le sujet reste à débattre entre les pour et les contre, à égalité de considération. Tandis qu’on ne discute pas de la possibilité ou non de s’amuser à massacrer un chat, on discute encore, sur le plan moral, de la possibilité ou non d’écharper des renards ou des taureaux camarguais. On est hors-sol. On pense que décharger une volée de plombs sur une bécasse en forêt le dimanche ne fait de mal à personne, relève éventuellement d'un choix personnel et possiblement, du débat de société. Comme s’il fallait encore débattre au fond pour déterminer si le bourreau était légitime ou non à faire souffrir la victime. Comme s’il fallait encore débattre sur la nécessité ou non de la préserver. Dans les faits, le coup balistique fait évidemment mal à la bécasse au moins autant que le coup de pied footballistique à l’animal de compagnie.
Il y a certes une différence de taille entre le frappeur de chat et l’enfonceur d’épieu dans le ventre du cerf. Le premier est un délinquant, le second est dans son bon droit. La loi ne protège que certains animaux, les distingue sur des critères encore trop irrationnels qui ne tiennent pas compte du réel, de leurs impératifs biologiques en l’occurrence semblables s’agissant de mammifères qui souffrent quand on les empale ou les fracasse contre un mur, d’oiseaux qui ne meurent pas sans douleur et préfèrent même, dans l’immédiat, ne pas mourir.
L’indignation est sélective mais on peut espérer qu’elle gagne un jour les sphères médiatiques, journalistiques et politiques au sujet de massacres d’animaux qui n’ont pas eu le privilège de naître chats. Peut-être l’indignation fera-t-elle sans trop tarder l’unanimité parmi les témoins de tous sévices envers les êtres à griffes, à bois, à cornes ou à plumes. Ce sera sans doute le signe d’une évolution à venir de la loi vers une protection de ceux qui doivent l'être. En attendant, l’indifférence ou le regard voulu sans jugement des observateurs qui s’affichent médiatiquement ni pour, ni contre les sévices, protège le bourreau. Se dire neutre entre le tueur ludique et le tué sans nécessité, entre le tabasseur et le roué de coups, entre le défenseur des traditions cruelles et le défenseur des animaux, c’est défendre le statu quo donc encourager le tueur ou le maltraitant, que la victime soit un taureau, une vache, un renard ou un chat.