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Billet de blog 4 avril 2013

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Drames & vicissitudes de la gauche (mariage gay & ANI)

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À propos du mariage homosexuel et de l’accord national interprofessionnel (ANI). Ou comment la gauche se condamne à l’impuissance.

L’actualité politique est riche. Extrêmement riche. Non pas en drames judiciaires, qui ne sont que les révélateurs d’une époque. Ces drames se reproduiront tant que les uns et les autres se contenteront de s’émouvoir, mais que personne n’en tirera les conséquence pour serrer la vis. Je veux parler ici du mariage homosexuel et de l’ANI. Deux sujets qui n’ont rien à voir me direz-vous ? Et pourtant… Être muté, recevoir une baisse de salaire, devoir rester plus longtemps le soir. Voilà ce que propose l’ANI. Un coup dur. Je ne sais pas si vous avez déjà vécu cela : mais je crois que beaucoup ont eu à en faire l’expérience.

Imaginez bien. La mutation implique soit de perdre une partie de ses amis, sa famille, soit d’avoir des relations distantes avec eux. Pourquoi diable avons-nous tant besoin de téléphones portables, Skype, Facebook et j’en passe ? Pourquoi ne pouvons-nous simplement plus voir, véritablement voir et pas à travers une machine, nos proches ? Parce qu’ils sont loins. Parce que le patron a décidé que nous devions travailler loin d’eux. C’est ainsi nous disons-nous. Nous ne pouvons faire autrement. Nous ne serions pas mieux lotis après un tel accord sur l’emploi.

Allonger le temps de travail ? C’est moins de temps pour nos enfants, notre mari ou notre femme. Comment simplement vivre ainsi ? Nous ne naissons pas au monde pour travailler. Nous aimerions tous passer plus de temps avec notre famille, nos amis.

Et une baisse de salaire ? Comment faire des projets d’avenir si l’on ne peut plus être sûr de nos revenus ? Faudra-t-il dès lors demander l’accord du patron pour faire un enfant ? Expliquer au gamin qu’il doit arrêter les études parce qu’on ne peut plus les payer ?

Des familles éclatés, peut-être en connaissez-vous ? Mais il y a aussi les difficultés des familles ordinaires. Difficultés variées, complexes. « Les familles heureuses sont semblables ; les familles malheureuses le sont chacunes à leur manière. » disait Tolstoï. Toutefois combien de détruites pour des raisons économiques : la perte d’un boulot, la diminution de revenus, le manque de temps passés avec les enfants ou de celui, oublié, passé avec le conjoint ?

Vous m’aurez compris : l’ANI prépare plus avant la destruction du lien social, déstructure les familles, nous engage dans la solitude de l’homme moderne encore plus avant.

Dans le même temps, la gauche vote le mariage homosexuel. Alléluia – je ne devrais pas dire cela ! Ce fut une vaste comédie. Les uns réclamaient liberté, les autres égalité. Des slogans. Rien de plus. Aucun argument de fond ; juste de quoi unir le camp de la gauche, lui laisser encore l’illusion d’exister. Les grands principes ainsi lancés prêchent dans le désert ; ils ne convainquent que les convaincus. La droite, à cela, a avancé un argument de fond : son inquiétude de voir détruire la structure familliale. Elle prétextait que la famille est la base de toute société. La base, je ne saurai dire… mais un élément important. E. Todd nous le dit bien assez. Et la gauche qui faisait la sourde oreille ! Pitoyable. Mais vous avez compris pourquoi je vous ai tant parlé de l’ANI. L’homosexualité ne détruit pas les familles à ma connaissance, l’ANI le fait assez sûrement.

C’est ainsi qu’il fallait comprendre les inquiétudes des gens autour du mariage homosexuel : le lien social est de plus en plus distant, les familles de plus en plus éclatées. Si la gauche méprise cela et la droite y répond, c’est la droite qui rafle la mise. Bien sûr, sur une bêtise, sur un épouvantail : le refus du mariage homosexuel. La gauche fit l’insouciante, comme de coutume, de peur de concéder à la droite un argument légitime et un fait de société réel. C’était pourtant l’occasion parfaite de parler de l’ANI, le destructeur des familles et des liens amicaux. L’on pouvait mettre ainsi la droite et la fausse gauche face à leur propre contradiction ; l’on pouvait dire à l’une, la cynique : si la structure familliale est si importante, refusez l’ANI ! ; l’on pouvait dire à l’autre, l’hypocrite : pas de mariages, homosexuels ou non, pérennes sans travail stable !

De la fausse gauche, je n’en attends plus rien depuis qu’elle s’est noyée dans la justice. Mais de la vrai gauche ? Bordel ! Arrêtons de camper sur des positions intenables, refuser tout débat, pour n’aligner que des slogans. Il faut répondre aux attentes du peuple. Et, je vais choquer, savoir écouter le peuple de droite. Peut-être se trompe-t-il. Mais l’idéal de justice que nous revendiquons tous, qu’en faites-vous ? Cet idéal là ordonne de ne pas rejeter les gens de droite ; il commande de savoir les écouter, de répondre à leurs attentes. Nous avions là une occasion en or de les convaincre, de convaincre au-delà de notre propre camp, d’une pierre deux coups sur le mariage homosexuel et l’ANI. Mais par fierté, peut-être… on ne su écouter ce que les gens de droite, pas les pourris à la tête de l’UMP et du FN, mais le peuple, avaient à dire.

Pourquoi la politique, en France, interdit-elle tant le dialogue ?

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