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Billet de blog 27 février 2013

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Laïcité : tolérance ou xénophobie ?

Je décris dans ce (très long) texte ce qu’est la laïcité française, car il existe bien une spécificité nationale. Je tente de dégager une vision claire des enjeux religieux dans la France du XXIe siècle. Je m’occupe aussi de comprendre les enjeux sociaux de la migration provenant du Maghreb et comment elle influe sur le discours politique, s’il s’agit de racisme, de tolérance, ou encore de laïcité. Je constate à ce propos combien l’immigration musulmane conduit à un discours essentiellement opportuniste, toutes tendances politiques confondues, plutôt qu’à une réelle volonté humaniste.

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Je décris dans ce (très long) texte ce qu’est la laïcité française, car il existe bien une spécificité nationale. Je tente de dégager une vision claire des enjeux religieux dans la France du XXIe siècle. Je m’occupe aussi de comprendre les enjeux sociaux de la migration provenant du Maghreb et comment elle influe sur le discours politique, s’il s’agit de racisme, de tolérance, ou encore de laïcité. Je constate à ce propos combien l’immigration musulmane conduit à un discours essentiellement opportuniste, toutes tendances politiques confondues, plutôt qu’à une réelle volonté humaniste.


La foi est la part inaltérable de la volonté de l’homme, les doctrines son abêtissement, la religion son exploitation. La foi renvoie à la volonté suprême de l’homme, c’en est le dernier rempart ; la religion n’a qu’une fonction : enchaîner la volonté, nier à l’homme son autonomie, le dominer, pour que, ô grand jamais ! la foi en la révolte, en la transformation du monde, la foi en ses propres forces, ne puisse éclore, croître, triompher. Les religions devaient disparaitre, et avec elles l’obscurantisme qui les accompagne inévitablement. Il n’en fut rien, car c’est un trait de leur nature que de prétendre non seulement à l’hégémonie des esprits & volontés, mais encore à régler les coutumes sociales. Peut-être sont-elles momentanément remplacées par les idées athées contemporaines. Il est regrettable que ces idées se fixent comme des dogmes dans bien des esprits ; bien que la raison les ait enfantées, elle en perdent toute leur lumière. Le XXIe siècle serait spirituel, ce qui n’est pas religion ; je n’entrevois que bêtise & fanatisme, propres au religieux. C’est que la religion prétend à la vérité sans en apporter des preuves & arguments que l’homme éclairé est en droit de réclamer. Reste alors la force pour imposer sa doctrine.
Laissons de côté le monde. La France nous suffira à traiter de la question, tant il est déjà difficile d’en comprendre les conflits qui la traverse. Du reste, c’est encore le pays où notre volonté mutuelle est la plus capable d’aboutir, tandis que les pays lointains ne peuvent être commandés par nous-même. En effet, il est raisonnable de penser que leurs habitants partagent notre aversion à être gouvernés par des étrangers. Seuls les crimes contre l’humanité, définis d’un commun accord, sont en mesure de justifier que nous nous mêlions des affaires de nos voisins avec autorité & force, car la condition humaine est ce que nous partageons tous avec certitude. Quant à ceux qui subsisteraient dans leur erreur de vouloir régir la surface entière du globe, parce que convaincu de la supériorité de leurs idées, il me faut avouer qu’une mégalomanie sévère les habite. Quand bien même il s’agit par ailleurs d’un sentiment général propre à notre époque, la folie collective ne défausse pas de la responsabilité individuelle. Outre ce constat, une haute confiance en la grandeur d’idées, quelle qu’en soit la teneur, devrait mener à considérer le dialogue plutôt que le fusil, car les meilleures volontés s’acquièrent mieux par conviction que par oppression, seul recours des dogmes et autres fadaises. C’est un fait qu’une idée introduite avec et par les armes a toutes les chances de buter sur la révolte qu’elles ne manqueront pas de lever. En effet, même si la peur peut momentanément maintenir les peuples dans l’illusion de leur faiblesse, ils ne manqueront pas de s’insurger s’ils se pensent opprimées.
On pourrait me reprocher de ne pas avoir tenu compte de la situation politique internationale, en avançant comme argument l’importation au sein de la société française de discours ayant trait aux conflits & influences extérieurs. Je n’en crois rien ; cette importation idéologique est le fruit d’une légitimation de discriminations, sociales ou politiques, quotidiennes. C’est bien la vie courante qui fait l’intolérance, jamais un lointain conflit qui n’implique que par procuration.  Dans la condition où tous vivraient en étant acceptés de tous, alors il est fort probable que le contexte étranger devienne secondaire, et les fanatiques esseulés ne trouveraient plus quiconque pour les suivre. Tout au plus y aura-t-il toujours une opinion et une implication spécifique en tout ce qui concerne les événements internationaux, mais cela ne saurait être source de tensions violentes au sein de la société française. Si la raison est la chose du monde la mieux partagée, l’on est capable de distinguer les vues sur le monde de la place de l’islam en France. Par contre, de l’intolérance subie naît la perte de bon sens et ce faisant le fanatisme, et il en est ainsi quelles que soient les opinions que l’on défend.
Revenons-en donc à la France, semblable à une hystérique en crise que personne ne semble pouvoir ni vouloir entraver. Je m’en vais fixer le cadre. La nation a pour partie une population immigrée, ou ayant pour ascendants des immigrés. De tout temps, une telle population fut maltraitée par les indigènes du fait de ses coutumes, religion inclue. Ceux qui nous croient civilisation éclairée peuvent donc retourner au fond des âges et observer que les hommes y sont de même nature : l’intolérance face à la différence règne toujours. Pour une bonne part de cette population, il est question de musulmans, nonobstant la grande diversité de leurs coutumes au-delà de la religion qui les unit ; la partie complémentaire de la nation est indigène ou du moins se conçoit-elle comme tel, c’est-à-dire comme de coutume plus uniforme non-musulmane, malgré la grande diversité réelle de ses origines & religions. Nous ne chercherons pas à savoir lesquels sont les plus dogmatiques, encore qu’une observation raisonnée porte à croire que les fanatiques existent, et bruyamment c’est là tout notre malheur, dans chacune des parties en présence.
De l’histoire des religions en France
Il me faut maintenant exposer une petite histoire de la laïcité. Il ne s’agit pas ici d’enchainer le présent au passé en figeant la laïcité en conformité avec ce que l’Histoire en a fait, mais de mieux comprendre les principes qui la fondent et juger de leur pertinence actuelle et future.
Nonobstant l’autorité morale que le spirituel apportait au roi, les pouvoirs temporels exercés par le clergé incitaient à en obtenir la direction. Par ailleurs, les rois ont su obtenir la légitimité spirituelle en passant outre la prétention du pape de faire et défaire les couronnes ; c’était la finalité de la monarchie de droit divin que de se légitimer directement de Dieu plutôt qu’à travers le pape. Quant au contrôle du clergé, ce fut tout l’enjeu de l’Église gallicane que de se dépêtrer de l’influence papale, le protestantisme était lui-même issu d’une confrontation contre le clergé italien. Cependant, les protestants constituèrent une menace face à l’autorité spirituelle et temporelle du roi en scindant l’Église en France ; les huguenots furent opprimés. Mais la liberté de conscience est un droit imprescriptible car elle tient de la nature humaine plutôt que de la loi. Dès lors qu’elle s’introduit dans les esprits, elle ne peut en être extirpée. Car la foi est la part inaliénable de notre volonté, ce serait folie que d’espérer l’oppression capable de modifier les confessions religieuses, tout au plus sont-elles tues, mais jamais éteintes. Il fut donc question d’exterminer les huguenots. Mais leur nombre s’opposait à une telle solution. La tolérance, que nous considèrerons point comme laïcité, s’imposait donc, d’abord par l’édit de Nantes, révoqué par la suite, puis peu avant la Révolution. En toute cette affaire, il convient de noter qu’État et Église sont pleinement imbriqués ; l’Église remplit des fonctions temporelles, et l’État tire sa légitimité de source divine et obtient avantage d’un corps clérical participant à l’exercice de l’autorité. La pluralité des confessions ne remit aucunement en cause cet état de la société, mais obligea à la tolérance comme principe fondamental. Enfin, les institutions engageait un mouvement de sécularisation.
Lors de la révolution, la nation changea de nature ; elle devint communauté politique formée par la république et tira sa légitimité du peuple lui-même. La tolérance devint un acquis. Ce sont des circonstances propres à la révolution qui nécessitèrent la nationalisation des biens de l’Église, en échange de quoi l’État salariait le clergé, tandis que celui-ci perdait le reste de son pouvoir temporel en achevant la sécularisation. La révolution tendit à en faire un corps de fonctionnaires chargé d’assurer le culte religieux, ainsi considéré comme un service public. Mais face à la fronde persistante du clergé en désaccord, l’idée de la séparation entre l’État et l’Église – ce que nous nommerons formellement laïcité – fut mise en application : arrêt du financement, surveillance étroite & sévère du culte et obligation de faire serment envers la république. C’est ici une laïcité stricte qu’on instaura et que d’aucuns qualifieraient d’intolérante s’ils oubliaient la lutte pour le pouvoir que menaient révolutionnaires et contre-révolutionnaires avec la participation active d’une part de l’Église. Voilà pourquoi il m’était nécessaire de distinguer la tolérance, car la laïcité eut à cœur de borner étroitement le libre exercice du culte.
La contre-révolution plaça Napoléon au pouvoir et le concordat fut issu de sa volonté de reprendre contrôle sur le clergé par un accord mutuellement profitable avec l’Église. Cet accord eut pour effet d’affaiblir définitivement l’Église gallicane, indépendante vis-à-vis de Rome, au profit du pape. Puis les relations entre Napoléon et le pape se détériorèrent, la restauration signait une retour en force du pape. Rome consciente de sa puissance s’ingérait ouvertement dans la politique française (directives pour les élections, positionnements politiques, refus des lois civiles, coup d’État envisagé) pour son entreprise de contre-révolution (suppression de l’État, instauration d’une théocratie, primauté du religieux sur le civil, infaillibilité de la papauté), et ce avec insistance sous Napoléon III ou la IIIe république. Le concordat n’étant plus respecté par l’Église, si tant est qu’il l’ait été, il est aboli de fait. Finalement, la loi de séparation de l’Église et de l’État est l’aboutissement d’une longue démarche de reconquête par sécularisation de la société de 1870 jusqu’à 1905 : enseignement, universités, associations du clergé réglementées, etc.
Au contraire du clergé catholique, protestants et juifs, outre leur statut minoritaire, avaient des cultes qui s’organisaient sans se mêler de politique, et sur la base d’une organisation (infra-)nationale. Même si cela posait problème pour l’État, car disposer d’un interlocuteur eut été appréciable, dans le but de régler des problèmes spécifiques, ne serait-ce que pour garantir la liberté de culte, il n’en résulte aucune ingérence étrangère. C’est l’Église de Rome qui, paradoxalement, oblige à la laïcité, construite par la confrontation contre une Église à prétention hégémonique. Finalement la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État est issue d’un compromis afin de convaincre la majeure partie de l’assemblée souveraine. Elle propose de traiter les religions avec équité et tolérance en s’appuyant sur la liberté de conscience ; elle supprime le budget lié aux cultes ; elle en assure la sécurité tant qu’ils se soumettent aux lois de la république. Cependant, ce compromis ne satisfaisait pas les tenants d’une laïcité stricte, soucieux de séculariser la société sans toutefois remettre en cause la liberté de conscience, en limitant les capacités de l’Église à s’organiser et s’enrichir.
Je veux insister sur un point tant il m’apparait important pour nos sociétés de faire preuve d’humilité : il n’y a aucune espèce de grandeur dans l’élaboration des idées qui ont mené à notre monde contemporain ; c’est au contraire une Histoire sanglante qui a construit ce qui nous parait maintenant comme une civilisation digne d’estime. C’est parce que bien trop de massacres jalonnent notre passé que nous avons su et dû établir une philosophie politique si apte à répondre aux besoins de la paix sociale.
De la laïcité française
Je retiens trois principes fondamentaux pour régler les rapports des cultes à la société.
La tolérance émerge du pluralisme. Lorsque la société possède une minorité suffisamment importante pour interdire tout répression par la menace de guerre civile, alors le culte majoritaire n’a d’autre choix que d’accepter à ses côtés la liberté de conscience. Il aura fallu des guerres de religions pour l’admettre.
La séparation entre la politique et la religion s’est nourrie de l’ingérence systématique d’une Église dans la politique. L’Église, parce qu’elle repose sur une hiérarchie très solide dont l’autorité suprême est étrangère, fut en conflit politique avec l’opinion publique animant un grande partie de la nation et fut combattue à ce titre. La laïcité est finalement devenue un moyen de nier à toute religion une volonté politique. Il est fort probable que la succession des événements et leur nature ont contribué à forger cette conception spécifique de la laïcité, du moins telle qu’elle me semble paraitre être la plus commune en France. J’insiste pour signaler que la séparation entre l’Église et l’État est seulement un des aspects appliqués de ce principe, mais la laïcité ne saurait être réduite à cette séparation car il est fort concevable que l’Église tente encore d’influer sur l’État par le moyen d’une politique d’influence dans le débat politique de la nation. Voici un discours de M. Waldeck-Rousseau le 28 octobre 1900, ce qui devrait être suffisait pour convaincre de la nature de la séparation : « Il s’agit [...] de faire face au péril qui naît du développement continu, dans une société démocratique, d’un organisme qui [...] tend à introduire dans l’État, sous le voile spécieux d’un institut religieux, un corps politique dont le but est de parvenir d’abord à une indépendance absolue, et, successivement, à l’usurpation de toute autorité… »
L’équité puis l’égalité dissolvent les privilèges. Elles constituent un statut satisfaisant lorsque chacune des confessions se trouve être en minorité, ou qu’aucune ne puisse prétendre au rassemblement de la majorité, car chaque culte a tout à craindre d’une ligue des autres religions contre lui, et ne peut donc revendiquer de privilèges. La laïcité, en tant que séparation avec l’État, est la suppression d’un privilège particulier accordé à une Église.
Il ne faut aucunement croire que ces principes constituent un progrès qui subsistera en tant que tel par la seule force de la raison. Malgré toute l’illusion dont se plaisent à s’entourer les hommes d’intelligence, une observation objective de la conduite politique amène à conclure que les communautés humaines ne sont que peu mues par la raison, mais par les rapports qu’entretiennent les hommes entre eux, leurs volontés, leurs intérêts, leurs passions, ainsi que leur capacité à influer sur leurs semblables et la résistance qui leur est opposée à cette occasion, autrement dit leur pouvoir. Par conséquent la philosophie politique ne peut avoir pour ambition d’agir durablement & efficacement sur la vie politique, elle n’en est que l’instrument. Une vision trop naïve serait donc malvenue en considération de nos réalisations politiques, car purement liées à la conjoncture. Du jour où leurs conditions sociales ne seront plus, les principes politiques mis à mal perdront toute légitimité.
Il en résulte que la laïcité ne saurait se définir en des termes figés, car issue d’un processus et d’un compromis historique. Dans ces conditions, il convient d’interroger la pertinence d’un tel principe, pour s’assurer qu’il est toujours adapté à nos sociétés ou d’en actualiser les termes en vue du futur, ce qui devrait nous épargner des déconvenues sanglantes à venir. Je me consacre donc à un état des lieux de la place des religions dans la société française, ainsi que de la conception de la laïcité défendue avec plus ou moins de vigueur.
Des religions en France
L’islam est devenu la seconde religion de France du simple fait de l’immigration et une sécularisation modérée, tandis que le catholicisme a perdu la majorité absolue du fait de sa sécularisation massive. L’on devine aisément l’enjeu : la fusion de la tolérance et de la laïcité n’est plus un compromis raisonnable en vue de la société actuelle, car la tolérance n’est rien de plus qu’un droit accordé de plein pouvoir par la religion majoritaire aux religions minoritaires et que la laïcité est née du dégoût prononcé de la nation pour l’ingérence étrangère. En effet, tandis que le catholicisme est encore privilégié par l’État, du fait de l’Histoire et du conservatisme naturel d’une société, il ne peut plus prétendre à influer politiquement en tant que religion majoritaire, et du même temps il peut craindre une ligue des minorités religieuses et des laïcs contre lui, même en se maintenant dans une majorité relative.
Malgré tout le catholicisme tente avec un certain succès d’influer encore sur la politique nationale et il dispose pour ce faire d’influents relais. C’est ainsi qu’il faut comprendre la séparation entre le public et le privé : il ne s’agit pas d’une séparation concernant les lieux physiques, mais un séparation informelle ; en conséquence le débat public, qui peut aussi bien se dérouler dans un espace privé que public, ne peut admettre de revendications religieuses¹. Je crains fort que l’imbécilité du débat politique français ne confine à l’absurde tant il y a confusion sur la nature de cette séparation public–privé. Pourtant cette séparation n’est rien de plus qu’une conséquence de la laïcité française ; en effet, il n’est pas question seulement d’une séparation entre une Église et l’État, mais bien de combattre les ingérences d’un Église étrangère et politiquement active. Mais le corps politique constitué par les catholiques est certainement à l’agonie ; il s’agite vainement pour mieux signaler qu’il existe encore, dans l’espoir improbable de trouver un renouveau. Cependant plus la mort est lente, plus le catholicisme prend conscience de sa chute inexorable, et ce qui en subsiste devient d’autant plus offensif. Ceux qui croient l’islam incompatible avec la république ont bien tort, car s’il est une religion qui a affirmé avec constance durant deux siècles qu’elle entendait systématiquement remettre en cause ou la république ou ses acquis, c’est bien le catholicisme. Quand bien même toute religion a tendance à s’ingérer dans la république, de par sa nature même à vouloir régler la vie sociale, ce qui n’est rien d’autre que la politique, il me faut avouer qu’il y a des religions qui ont des tendances plus marquées que d’autres, et qu’islam tout comme catholicisme y contribuent. Mais les influences politiques des deux religions ne sont pas semblables car fonction de leur culture & autorités propres. Il me faut à ce propos rétablir la vérité dans son droit ; c’est bien la catholicisme qui, encore aujourd’hui, constitue objectivement une menace pour la république et la nation³.
Mais voilà un bien curieux paradoxe de ne pas assister à l’alliance effective des religions minoritaires et de la société laïque pour définitivement mener à terme la laïcité et en terminer avec les derniers privilèges du catholicisme², vestiges d’un autre temps. L’égalité religieuse et la neutralité complète de l’État, qui n’étaient auparavant que vœux pieux ou un mensonge que la nation se faisait à elle-même, deviennent une réalité accessible et bien possible de défendre avec quelques chances de résultat. L’égalité est la seule solution viable à long terme dans le contexte d’un pluralisme religieux tel qu’il émerge aujourd’hui en France. Mais il n’en est rien. Pour bien comprendre les ressorts à l’œuvre, il convient dès lors de rappeler que l’islam nous vient de l’immigration, principalement du Maghreb, et d’introduire de ce fait quelques réflexions sur la démographie et la nation.
De la nation
La construction de nos nations est le défi politique le plus délicat que la modernité s’est fixée à elle-même. Réunir quelques dizaines de millions d’individus sous une relative paix & cohésion sociale relève de la gageure. Nous avons vu dans notre propos sur l’histoire de la laïcité que la nation fut d’abord réunie sous l’autorité d’un roi légitimé par le divin. Ce ne fut possible que tant que les hommes avaient effectivement une confession identique. Dès lors que la nation est le peuple lui-même et qu’elle est légitimée par ce peuple, les changements démographiques menacent l’équilibre politique, et les migrations acquièrent un caractère quelque peu aventureux dans la conduite même de la nation. C’est là tout le malheur des musulmans immigrés ; ceux-ci se confrontent à la politique laïque française, qui peut difficilement remettre en cause le compromis consensuel qu’elle a établi avec le catholicisme.
Cependant, notre nation a des fondations bien peu solides, où l’ambigüité règne et les paradoxes tiennent lieu de règle. Ainsi, d’un individu à l’autre, l’on trouvera des conceptions bien différentes de l’unité nationale. Il nous faut les énumérer et voir leurs avantages & inconvénients.
La nation qui se construit sur la base ethnique ou raciale est une conception bien trop courante à mon goût. Ce n’est qu’une aberration ; la diversité française est telle qu’elle ne permet pas à une telle nation d’exister ; la définition tribale de la nation n’a en fait de cesse d’exclure une grande fraction de la société, provoquant discriminations, ressentiments, conflits, guerre civile. Si cette définition a tant de succès, c’est que définir un groupe par opposition à un autre bien différencié est un moyen efficace de camoufler la diversité interne au groupe et de ce fait unir solidement les individus en son sein. D’aucuns voudraient inclure un contenu culturel à la nation : traditions, mythe fondateur, coutume. Je ne m’étends pas car il est question ici de folklore, grandement inventé & artificiel, propre à contenter les faibles d’esprits. Plus sérieusement l’on peut envisager des structures de solidarité nationales, de grand projets et une culture incitant à la mixité et aux interactions sociales.
La religion est de la nature de la race ; du fait de la liberté de conscience inaliénable, il est exclu de vouloir imposer une religion à un individu, tout comme il est exclu de lui faire changer de race. La confession est en quelque sorte de l’identité inaltérable de l’être. Si le racisme, en tant que discours politique, a sensiblement disparu après les excès du passé, l’exclusion religieuse, fondée sur la supériorité d’une religion sur l’autre, est son digne successeur. En effet, du racisme, ce n’est pas l’idée de séparation raciale de l’humanité qui est dangereuse, tant que l’on accepte précisément l’idée d’une humanité qui rassemble toutes les races, mais bien la hiérarchisation de l’humanité. Il y a alors comme un droit naturel à imposer une volonté à un autre, parce que jugé inférieur. C’est ainsi que la définition religieuse de la nation procède, en privilégiant une partie de la population, et en donnant des droits inférieurs au reste. Nous pouvons donc très fortement nous inquiéter de savoir cette conception largement partagée dans la vie politique française, car elle n’a pas à envier au racisme sa puissance oppressive, destructrice et meurtrière.
De la nation que je qualifierai de libérale, on trouve un parfait exemple avec les États-Unis d’Amérique. C’est une nation d’immigration par excellence, et c’est là, à mon sens, qu’il faut chercher l’origine de son système politique ; comme on ne pouvait se permettre de remettre en cause le consensus politique avec les nouveaux arrivants, on trouva comme solution de définir la nation par la constitution : il faut y adhérer pour être citoyen américain.  Ainsi, ce texte juridique est d’une stabilité exemplaire et représente la référence suprême de la vie politique aux États-Unis ; « ce ne sont pas les hommes qui gouvernent les lois, mais la loi qui gouverne les hommes »⁵. Du fait de la grande diversité de la population, la liberté est devenue fondamentale. En effet, dans un tel régime, fixé par une loi non discutable, on prendrait le risque de voir la loi privilégier les uns ou les autres ou restreindre encore de trop la liberté de certaines parties de la nation. Il convient alors de la faire la moins contraignante possible. Ainsi tout citoyen américain l’accepte d’autant plus facilement, mais en renonçant à jamais d’exercer une influence notable sur sa communauté nationale. Mais la ségrégation et les inégalités sont très présentes, et les libertés par bien des aspects trop formelles car il existe d’autres contraintes que celles exercées par la loi ; bien que le peuple vit tout entier sous un régime unique, on ne peut guère prétendre qu’il partage un destin commun. La nation libérale est gouvernée par une république.
Or toute l’aventure politique moderne tend dans la création d’une véritable démocratie. Dans ce cas, c’est le peuple lui-même qui forme la nation, en tant que communauté politique ; il est souverain et doit savoir décider de manière autonome & lucide ce qui est le mieux pour lui-même.  Puisqu’on ne peut s’appuyer sur un texte suprême & inaltérable, il nous faut constamment nous rappeler l’importance de l’égalité et de l’universalité⁴. Si l’on se rétablit dans la problématique religieuse, la conséquence logique est évidente : il ne peut être question d’accorder quelque privilège que ce soit à une religion donnée. Dans le cas contraire, chacune irait de sa revendication particulière auprès de l’État, et la loi deviendrait en peu de temps une énumération de revendications religieuses sans cohérence et simple reflet du rapport des forces sociales du moment. Cette manière de faire est source de tensions et de conflits politiques, car la loi n’est plus régie par la raison en posant quelques grands principes qui permettent de dépasser l’état momentané de la société.
Or l’arrivé récente du culte musulman au sein de la nation en a modifié l’équilibre politique, et c’est l’occasion de poser, en principe, les bases réelles d’une égalité religieuse. Nous allons voir plus en détail pourquoi il n’en est rien, car ce détour à propos de la nation m’était nécessaire afin de bien comprendre la situation.
Des discours politiques propres aux musulmans
J’entends analyser les discours qui se tiennent dans l’espace public. Il me faut m’attacher à connaitre la réalité sociale de l’immigration de type musulmane (immigrés ou descendant d’immigrés ayant l’islam pour religion), car c’est précisément la nature de la politique que de traiter des relations sociales.
Il convient de signaler à ce titre que la migration se concentre en région parisienne, ce qui a pour effet de saturer, en quelque sorte, le discours politique sur la question des migrants dans les grands médias nationaux. C’est là un trait propre à la France que d’impliquer toute la nation dans des problèmes spécifiques à la capitale, ce qui a mauvais goût de provoquer des réactions en provinces peu conformes aux réalités locales et distantes de la société parisienne trop mal perçue pour avoir une vue globale objective de la nation, si bien que tant les discours intégristes de tout bord que les discours humanistes produisent une description irréelle de la société. La lutte de pouvoir que se livrent à Paris des nains se prenant pour des titans fait des médias nationaux une arène à conquérir. C’est une manière bien puérile de prendre à parti la nation toute entière.
L’immigration, pour une nation, est toujours un défi en soit. Il serait bien illusoire de croire que l’arrivée en nombre d’individus n’ayant pas la même culture, des coutumes différentes, une langue peu maîtrisée, puisse s’opérer sans heurts avec la population majoritaire. Ce n’est pas xénophobie que de faire ce constat, mais au contraire une manière lucide de poser un problème, une nécessité afin de le résoudre dans l’intérêt de tous.
La politique française repose sur l’universalisme. L’idée est que tous les hommes, quelle que soit leur origine, sont semblables. Mais la version vulgaire de l’universalisme considère les français comme le résultat abouti de l’homme, non pas comme un peuple spécifique qui partage son humanité avec ceux du globe, c’est-à-dire comme un modèle particulier d’humanité. Au contraire les français, du fait de leur arrogance si caractéristique des peuples qui dominèrent par le passé une partie du monde, se pensent eux-mêmes comme représentatifs de toute l’humanité. Inévitablement la différence avec l’autre se traduit en volonté qui oscille entre rejet et injonctions à se conformer aux mœurs françaises, jusqu’à manifester une obsession de masse ; l’on demandera à la population immigrée des gages de bonne volonté qu’on n’oserait peu réclamer à la population majoritaire, et qu’aucune des deux populations ne serait en mesure de satisfaire, tant et si bien qu’elles sont irrémédiablement frustrées, l’une de voir un universalisme mal compris systématiquement mis en échec et l’autre de voir s’opposer des exigences insurmontables.
Or l’universalisme a ceci de particulier qu’il ne postule à priori rien de la nature de l’humanité et de ce qui est de l’ordre des spécificités culturelles d’un peuple. On pourra donc le faire reposer sur deux piliers dès lors qu’il est question d’immigration : dégager les points communs & différences entre les populations, et concilier à la fois les spécificités culturelles des peuples et leur nécessaire mixité & intégration culturelle pour former non pas une union hétéroclite de groupe distincts, mais une véritable nation démocratique qui nécessite un dialogue politique entre tous. Voilà une bien drôle d’ambigüité : la différence n’est une richesse que dans le partage, or le partage pose à priori l’existence de communautés en interaction et ayant de ce fait une culture commune.
Il faut donc poser les bases d’une société qui permette à la fois l’assimilation, c’est-à-dire un effort des immigrés pour s’approprier la culture de la population majoritaire, et l’intégration, autrement dit l’effort de la population majoritaire pour accepter la culture de la population immigrée, afin de se l’approprier. Il va sans dire que les rapports sociaux en défaveur des immigrés conduit bien souvent à ce que la population majoritaire impose ses vues : c’est ce que j’appellerai la xénophobie.
Je me propose maintenant de faire un historique de l’immigration en France.
Elle fut tout d’abord une immigration de travail, ouvrier et peu qualifié. La dénonciation de la xénophobie par l’élite politique & médiatique d’alors était simple et recouvrait mieux un mépris des classes populaires qu’une analyse objective. En effet, le discours politique n’était que mise en demeure des xénophobes, nécessairement vus comme intolérants et aveuglés par leurs préjugés. Étaient ignorés une trop nécessaire discussion sur les rapports sociaux à entretenir. Pour les élites française, c’était s’en sortir à bon compte que de se poser en défenseur des immigrés, qu’elles exploitaient très largement dans ses usines par ailleurs. Qu’il y ait eu d’importantes discriminations parmi la classe ouvrière, je me garderai bien de le nier, mais c’est un fait que l’élite française s’est impliquée avec constance, et encore de nos jours, dans la dénonciation des discriminations d’une curieuse manière ; c’est qu’elle ne pouvait guère se permettre d’évoquer sa propre exploitation de la classe laborieuse. Elle choisit donc de défendre “les minorités”, non pas contre leur exploitation, leur domination de classe, mais contre les discriminations au sein de leur classe.
Voilà un phénomène ironique que seule l’Histoire sait produire que celui qui animait ces élites bien intentionnées à la défense des minorités, sans pour autant jamais remettre en cause leurs propres privilèges, et même, en les défendant ardemment car c’est une stratégie digne de Machiavel que cette lecture des rapports sociaux uniquement sous l’angle de la défense des minorités. Cette lecture des conflits sociaux en termes raciaux était une manière trop univoque de considérer la société pour que, tôt ou tard, le racisme ne puisse être empêché de prendre racine. Il serait fort mal à propos d’y voir un quelconque cynisme général, c’est que l’égalité ne fait pas partie du vocabulaire des élites, et qu’inconsciemment elles font se travail salutaire, pour leurs privilèges, qu’est la redéfinition des termes du débat politique. C’était l’heure de la marche de l’égalité, opportunément rebaptisée marche des beurs : à la fois dénonciation de l’exploitation ouvrière et des discours politiques tenus – ce qui impliquait doublement les élites –, elle deviendra un mouvement purement antiraciste. On peut noter que les “beurs”, par la simple mention de “l’égalité”, faisaient déjà preuve d’une intégration politique bien plus élevée que les prétendues élites nationales et donc d’une assimilation à la nation authentiquement remarquable.
Cependant que le discours antiraciste se développait, tendant à instrumentaliser la montée du parti xénophobe, le fait majoritaire était que, malgré les discriminations, l’immigration est de moins en moins concentrée dans les classes populaires et que, la politique d’assimilation & intégration étant efficace, notamment à travers l’école, les descendants d’immigrés, dès la 1re génération, commençaient à accéder à des positions sociales plus élevées, du moins “l’ascenseur social” fonctionnait-il aussi, nonobstant la condition ouvrière très majoritaire chez les immigrés. On croyait alors le temps du racisme et de la xénophobie révolu, ou du moins en passe de disparaître ; on montrait la diversité en exemple ; on pensait combattre les xénophobes subsistant à coup d’intégration dans les élites de quelques arrivistes et ambitieux “issus des minorités” ; bref, on célébrait la France “black, blanc, beur”.
Cependant, la xénophobie n’est pas une spécificité des couches populaires. De par l’ascension sociale des descendants d’immigrés et l’élévation du niveau d’étude des immigrations récentes, l’intégration de populations minoritaires traversait les classes supérieures de la société. Souvent pacifique et silencieuse, elle va tout de même se voir opposer un discours qui muera vers des préoccupations plus proches des classes moyennes : féminisme, laïcité, etc. Cette mutation permet d’éviter de ressembler de trop à l’ancienne forme de xénophobie et elle est, parfois, le reflet d’une certaine sincérité, dès lors que l’on prend bien soin de ne pas discriminer ou attaquer ouvertement les immigrés ou leurs descendants. Depuis lors, l’Islam prend une place prépondérante dans la politique française.
C’est à ce point que nous en sommes en France. Il convient maintenant d’entrer dans le détail des discours politiques tenus, variant en fonction des convictions de chacun.
Le discours féministe est issu de la confrontation de coutumes différentes entre indigènes et immigrés. Les populations musulmanes sont supposées traditionnellement patriarcales. De fait, la capacité des descendantes d’immigrés maghrébins à obtenir de bons diplômes démontre le potentiel d’émancipation ; il ne fait aucun doute qu’avec ou sans aides des féministes les musulmanes s’émancipent et s’émanciperont d’elles-mêmes. Mais c’est là une caractéristiques des mouvements politiques, à bien des égards trop intellectuels et impuissants à agir sur le réel, que de ne plus considérer les conditions de vie matérielles, premier facteur d’émancipation, pour se réfugier dans le débat d’idées et le symbole. Et il faut avouer que le voile constitue une formidable opportunité de trouver un écho médiatique pour de tels mouvements ; quand bien même les musulmanes persistent à signaler que le voile ne saurait être réductible à un instrument de domination de l’homme sur la femme, le message, et plus particulièrement le message politique attribué au voile, est décidé par la population majoritaire, allant parfois jusqu’à confondre le lieu public, dont la rue, avec l’espace public, lieu informel nécessaire au débat démocratique, afin de se revendiquer de la laïcité. Voilà une bien dangereuse façon d’attribuer de manière unilatérale un message à un vêtement ; l’on devine aisément comme il peut être simple de déposséder les individus de leurs tenues vestimentaires, les leurs interdire sans qu’ils puissent s’en défendre ; si on se laisse aller à de telles manières, c’est le règne de l’arbitraire. Pourquoi tant d’acharnement contre le voile ? C’est que la liberté est éminemment subjective.  Le maître ne réclame-t-il pas sa liberté sur son esclave ? et le détenteur du capital la sienne sur ses biens ? Les libertés des individus s’entrechoquent et doivent trouver leurs limites en celles des autres. Seule peut donc subsister la liberté générale, objective ; elle ne peut résider dans tel ou tel habillement, mais au contraire dans son libre choix. Refuser que d’autres que soi portent le voile, ce n’est qu’oppression, quelque soit la réalité quant à la contrainte patriarcale ; l’on ne fait qu’apporter aux musulmane une contrainte : celle de l’État en l’espérant plus forte que celle du mari ; voilà une belle insulte faite à la liberté. C’est que le voile nous rappelle constamment à tous combien notre prétention à la liberté est factice, tant et si bien que la conscience de notre soumission à des normes débiles nous apparaît insupportable dès lors que d’autres que nous en témoignent par une liberté aussi absurdement simple que celle de leur tenue vestimentaire.
Les élites “amies des minorités”, toujours peu au fait des réalités sociales, persistent à se munir d’une grille de lecture exclusivement conçue autour de la lutte contre les discriminations ; elles refusent de constater que les inégalités socio-économique transcendent très largement les inégalités d’origines ; ce faisant, elles continuent de penser avoir affaire à un problème social alors qu’il est avant tout politique. En effet, cela produit un effet dévastateur sur la partie la plus xénophobe des classes moyennes ; fortement précarisées, dans un monde où la concurrence est érigée en valeur suprême des relations entre individus, ces classes moyennes finissent par croire qu’un privilège de fait est accordé ainsi aux minorités qui commencent à apparaître parmi elles, on en vient à la frustration et au ressentiment lié à l’incapacité de ces classes d’y voir des mouvements de classe plutôt qu’une analyse purement liée à l’origine des individus.
Un phénomène similaire s’observe à travers les religions. Une partie des élites en appelle à la tolérance et cherche à répondre aux revendications religieuses des musulmans. Elle n’a point tort de souligner que la culture française s’adapte peu à cette minorité religieuse, et qu’il est du devoir de la majorité de permettre le libre culte des musulmans ainsi que la république le prévoit, mais cette élite se doit d’être prudente dans la manière de porter de telles revendications, qui passent pour être religieuses. Elle est aidée en cela du fait que l’Islam est de nature à s’adapter aux nations dans lesquelles il est pratiqué, contrairement au catholicisme. Ces élites vont donc intimement se lier avec celles des musulmans qui leur paraissent les plus proches, ayant une vision en réalité libérale de la société, et en particulier du rapport à la religion. L’on avance trop souvent l’explication selon laquelle ces élites auraient un tropisme anglo-saxon ; je crois que l’on a immensément tort car, ainsi que je l’ai expliqué, ce sont ces intérêts propres qui lui font pencher naturellement vers un modèle libéral et préférer une lecture raciale des rapports sociaux, muée en lecture religieuse, à une lecture qui recherche l’égalité, dont celle des religions. Il n’est pas tant question pour ces élites de travailler à une réelle émancipation des masses issues de l’immigration, ou des masse musulmanes, que de considérer intégration & assimilation comme une reproduction de la société majoritaire, avec ses inégalités ; les élites éduquées, quelque soit leur religion, ne seront satisfaites non pas quand la masse musulmane aura accès à leur propre condition de vie, mais lorsque cette masse aura assimilé et intégré les inégalités de classe à la manière de la population majoritaire. Car les immigrés, notamment musulmans, étaient et restent massivement ouvriers, car l’ascension sociale des descendants est difficile comme à la population majoritaire, leurs conditions de vie sont avant tout déterminées par leurs conditions de classe ; le facteur religieux ou d’origine n’est qu’un symptôme de l’inégalité de classe. Toujours aussi inconséquente, les élites ne sont pas conscientes qu’elles remettent en cause le principe de laïcité, en portant des revendications à caractère religieux dans le débat public. Il ne pourra jamais être question d’accéder à ces demandes en tant que telles, car la nation française n’est que peu libérale, bien au contraire il lui est non seulement concevable de limiter l’exercice des cultes, mais il est nécessaire de maintenir une laïcité stricte vis-à-vis des catholiques.

Pour ne rien arranger, l’islam est une religion beaucoup moins hiérarchique que le catholicisme, capable de pratique réellement différentes d’une nation à l’autre et d’accepter aussi bien un discours progressiste que réactionnaire dans le même temps par des protagonistes différents. C’est bien ce phénomène qu’entendent exploiter les élites sous le vocable “islam de France”. Autrement dit, il s’agit de “nationaliser l’islam”.  Mais cette manière de faire, qui me semble très prégnante chez les musulmans, consistant à adapter la pratique religieuse à la culture locale, n’est pas interprétée ainsi par les français non-musulmans : bien au contraire, ils ont le sentiments qu’il s’agit “d’islamiser la nation”. La différence est suffisamment subtile pour mener au quiproquo ; dans les deux cas, politique et religion sont intimement liées.  Voilà des manières qui peuvent à plus d’un titre se heurter à la laïcité. Ainsi du “féminisme”, il sera question de créer un “féminisme islamique” ; là encore il ne s’agit en rien d’un quelconque tropisme anglo-saxon voulant importer un supposé “communautarisme”, mais bien d’une pratique propre à l’islam, une propension à porter à travers la religion des changements sociaux. Tant que cette démarche concerne les musulmans, il importe peu au reste de la nation de s’en préoccuper ; c’est une démarche purement privée que d’avancer des arguments religieux en faveur de tel ou tel mouvement. Mais dès lors que les non-musulmans furent impliqués, ils crurent qu’il s’agissait là d’une volonté politique d’introduire du religieux dans l’espace public en vue, non pas de discuter sur les coutumes des musulmans entre eux, mais d’influer à travers la religion sur la politique nationale, ce que la laïcité prohibe.
Ainsi la seule manière d’incorporer une nouvelle religion dans la pratique nationale ne peut que passer par une revendication égalitaire. Le refus de se soumettre à ce principe causa ce qu’il devait advenir : les catholiques, en mal de reconnaissance, objectivement privilégiés mais frustrés par les revendications à tendance religieuses des musulmans, purent eux aussi soumettre au débat public leurs propres demandes. Face au déni systématique de la laïcité en faveur des musulmans, les catholiques purent leur opposer une laïcité de façade et, dans le même mouvement, prendre acte des revendications de nature religieuse pour porter les leurs.
Un discours politique bien plus grave est apparu dernièrement. Du fait de sa relative importance, l’Islam constitue un attrait pour la politique, ainsi qu’il en a toujours été de toutes les religions ; les autorités, religieuses comme séculaires, entendent ainsi s’allier afin d’augmenter leurs pouvoirs, chacune pour des raisons qui lui sont propres. De fait, permettre un lien étroit entre l’État et les catholiques d’une part, les musulmans d’autre part, est une manière cynique d’afficher une volonté de contrôle politique de populations religieuses, avec même parfois toutes les bonnes intentions – hypocrites ou non, je me garderai bien d’en juger – qu’il convient : émanciper les autorités religieuses d’ingérences étrangères, des fanatismes, éduquer les masses, etc. Mais si la laïcité a été établie comme principe, c’est bien par refus d’une telle pratique où, invariablement, le clergé catholique a su imposer ses vues au politique, et parce qu’il en sera certainement de même des autorités musulmanes. En effet, ces dernières deviennent élite en charge de guider les masses musulmanes supposées tout à la fois “arriérées” & “intégristes”. Mais la situation de ces autorités est telle qu’elles n’existent comme élites qu’à la mesure de l’abêtissement des masses.  Dès lors que les musulmans seraient politiquement reconnus comme citoyens à part entière, comme il se doit au vu de leurs intégration & conscience politiques, la fonction de ces autorités, et leur raison d’être, cesse d’exister. Il faut noter à ce titre que le phénomène est identique, non pas chez les autorités religieuses, mais chez les élites musulmanes dites “progressistes”, dont les intentions participent à la même logique et prédisposent à la même ambigüité.
Dans l’état politique actuel de la société, tous concourent à la destruction de la laïcité, avec constance, pugnacité, poursuivant leurs objectifs propres, souvent avec hypocrisie, parfois avec la conviction de bien faire. Il est curieux de constater que les problèmes naissent de la main de ceux-là même qui les dénoncent ; ne voulant admettre d’analyses autres que religieuses, ils en viennent à l’imposer à toutes les populations ainsi dépossédées de la capacité à traduire des problèmes socio-économiques complexes, dans lesquels la religion intervient sans être le fait majoritaire, en termes politiquement efficaces.
Références
Je crois nécessaire d’écrire quelques mots sur la démarche que j’ai accomplie dans ma réflexion qui a abouti à ce texte. Il est très difficile, tant les phénomènes sociaux sont complexes et la politique soumise à d’innombrables pressions, d’analyser rationnellement la situation. Mon objectif ici était de produire une explication large sur la laïcité et ses thèmes annexes qui agitent la vie française contemporaine. Pour tenter de consolider mon propos, j’ai vérifié ce qui pouvait l’être. Toutefois ce ne fut pas possible systématiquement et il convient donc de garder un regard critique sur ce que j’ai pu écrire. Je fais ici une petite liste des documents qui m’ont été utiles.
L’idée de ce texte m’est venue de la soiré du 25 janvier 2013 organisée par Mediapart, à propos de l’islamophobie. Comme de coutume dans ce genre de débat filmé⁶, on ne fait qu’aborder le problème, et l’analyse politique, notamment celle des arguments de la partie adverse, est bien trop superficielle tout en prenant l’allure d’acte de propagande. Bien que je ne renie pas le bien fondé de la démarche, je doute de son efficacité et la naïveté d’Edwy Plenel m’a paru à cet égard touchante. Toutefois, on a pu observé que déjà, plusieurs discours émergent. Prononcés par des musulmans, ils sont assurément différents et parfois contradictoires entre eux.
En ce qui concerne la nature de la tolérance, Voltaire est une grande plume.
Citation de Providence.
« Sœur Fessue. Mais pourtant, si mon confesseur vous dit, comme il me l’a dit à moi, que dieu change tous les jours ses volontés en faveur des âmes dévotes ?
Le Métaphysicien. Il me dira la plus plate bêtise qu’un confesseur de filles puisse dire à un homme qui pense.
Sœur Fessue. Mon confesseur une bête ! Sainte Vierge Marie !
Le Métaphysicien. Je ne dis pas cela ; je dis qu’il ne pourrait justifier que par une bêtise énorme les faux principes qu’il vous a insinués, peut-être fort adroitement, pour vous gouverner. »
Ou encore Le souper, chapitre XII de Zadig ou la Destinée.
« La querelle s’échauffa pour lors, et Sétoc vit le moment où la table allait être ensanglantée. Zadig, qui avait gardé le silence pendant toute la dispute, se leva enfin : il s’adressa d’abord au Celte, comme au plus furieux ; il lui dit qu’il avait raison, et lui demanda du gui ; il loua le Grec sur son éloquence, et adoucit tous les esprits échauffés. Il ne dit que très peu de chose à l’homme du Cathay, parce qu’il avait été le plus raisonnable de tous.  Ensuite il leur dit : “Mes amis, vous alliez vous quereller pour rien, car vous êtes tous du même avis.” À ce mot, ils se récrièrent tous. “N’est-il pas vrai, dit-il au Celte, que vous n’adorez pas ce gui, mais celui qui a fait le gui et le chêne ? — Assurément, répondit le Celte. — Et vous, monsieur l’Égyptien, vous révérez apparemment dans un certain bœuf celui qui vous a donné les bœufs ? — Oui, dit l’Égyptien. — Le poisson Oannès, continua-t-il, doit céder à celui qui a fait la mer et les poissons.  — D’accord dit le Chaldéen. — L’Indien, ajouta-t-il, et le Cathayen reconnaissent comme vous un premier principe ; je n’ai pas trop bien compris les choses admirables que le Grec a dites, mais je suis sûr qu’il admet aussi un Être supérieur, de qui la forme et la matière dépendent.” Le Grec, qu’on admirait, dit que Zadig avait très bien pris sa pensée. “Vous êtes donc tous de même avis, répliqua Zadig, et il n’y a pas là de quoi se quereller.” »
Dans son Traité sur la tolérance⁷ voici ce qu’il écrit.
« Enfin cette tolérance n’a jamais excité de guerre civile ; l’intolérance a couvert la terre de carnages. Qu’on juge maintenant entre ces deux rivales, entre la mère qui veut qu’on égorge son fils, et la mère qui le cède pourvu qu’il vive !
« Je ne parle ici que de l’intérêt des nations ; et en respectant, comme je le dois, la théologie, je n’envisage dans cet article que le bien physique et moral de la société. [...]
« Il y a des fanatiques encore dans la populace [...] Le grand moyen de diminuer le nombre des maniaques [...] est d’abandonner cette maladie de l’esprit au régime de la raison, qui éclaire lentement, mais infailliblement, les hommes. Cette raison est douce, elle est humaine, elle inspire l’indulgence, elle étouffe la discorde, elle affermit la vertu, elle rend aimable l’obéissance aux lois, plus encore que la force ne les maintient. Et comptera-t-on pour rien le ridicule attaché aujourd’hui à l’enthousiasme par tous les honnêtes gens ? Ce ridicule est une puissante barrière contre les extravagances de tous les sectaires. Les temps passés sont comme s’ils n’avaient jamais été. Il faut toujours partir du point où l’on est, et de celui où les nations sont parvenues. [...]
« Le droit de l’intolérance est donc absurde et barbare : c’est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous nous sommes exterminés pour des paragraphes. »
Rousseau, dans son chapitre VIII, De la religion civile, de son Contrat social, évoque la laïcité.
« Les sujets ne doivent [...] compte au souverain de leurs opinions qu’autant que ces opinions importent à la communauté. Or il importe bien à l’État que chaque citoyen ait une religion qui lui fasse aimer ses devoirs ; mais les dogmes de cette religion n’intéressent ni l’État ni ses membres qu’autant que ces dogmes se rapportent à la morale et aux devoirs que celui qui la professe est tenu de remplir envers autrui. Chacun peut avoir au surplus telles opinions qu’il lui plaît, sans qu’il appartienne au souverain d’en connaître. Car comme il n’a point de compétence dans l’autre monde, quel que soit le sort des sujets dans la vie à venir ce n’est pas son affaire, pourvu qu’ils soient bons citoyens dans celle-ci. [...]
« Maintenant qu’il n’y a plus et qu’il ne peut plus y avoir de religion nationale exclusive, on doit tolérer toutes celles qui tolèrent les autres, autant que leurs dogmes n’ont rien de contraire aux devoirs du citoyen. Mais quiconque ose dire : hors de l’Église, point de salut, doit être chassé de l’État [...] »
Mais c’est le rapport défendu par Aristide Briand à l’occasion de la loi 1905 « concernant la séparation des Églises et de l’État »⁸ qui fut ma référence. J’ai bien conscience que ce rapport fait un exposé historique en faveur de la loi, mais ma méthode n’était pas tant d’avoir une vue neutre de l’histoire des religions en France que de comprendre l’état d’esprit des hommes qui furent partisans de la laïcité.
Voici une citation, que l’on retrouve dans le rapport, de Grégoire, le 23 décembre 1794.
« Le Gouvernement ne peut adopter, encore moins salarier, aucun culte, quoiqu’il reconnaisse à chaque citoyen le droit d’avoir le sien. Le Gouvernement ne peut donc, sans injustice, refuser protection, ni accorder préférence à aucun. Dès lors, il ne doit se permettre ni discours, ni acte qui, en outrageant ce qu’une partie de la nation révère, troublerait l’harmonie ou romprait l’égalité politique. Il doit les tenir tous dans la juste balance, et empêcher qu’on ne les trouble et qu’ils ne troublent.
« Il faudrait cependant prescrire une religion qui n’admettrait pas la souveraineté nationale, la liberté, l’égalité, la fraternité dans toute leur étendue ; mais si un culte ne les blesse pas, et que tous ceux qui en sont sectateurs jurent fidélité aux dogmes politiques, qu’un individu soit baptisé ou circoncis, qu’il crie Allah ou Jéhova, tout cela est hors du domaine de la politique. »
Pour comprendre les caractéristiques sociales des musulmans français, je me suis aidé de l’enquête Trajectoires et origines⁹.
Pour les discours politiques, mes références sont bien plus diffuses et il m’est difficile d’en faire une liste exhaustive. Il y a le débat Mediapart déjà mentionné, je veux citer aussi le caricatural discours tenu par l’imam Hassen Chalghoumi et l’ineffable David Pujadas à l’occasion de l’émission On n’est pas couché¹⁰ du 16 février 2013. On pensera aussi à l’article Théologiennes féministes de l’islam¹¹, paru dans Le Monde le 18 février 2013, auquel il faut apporter une précision : si le féminisme musulman s’est développé en particulier en Indonésie, c’est que la place de la femme y est relativement égalitaire.  L’article renseigne sur la nature de l’islam : capable de réformes internes, d’adaptations nationales, de souplesse doctrinale. Il s’agit là de récentes tentatives de résoudre un supposé “problème musulman” par l’éducation ou la mise en avant d’élites musulmanes vues comme progressistes. Il me fallut aussi me servir des discours du FN¹² et de la droite forte¹³, discours qu’il convient d’interpréter avec un regard critique car faisant passer une chose pour son exact contraire.
Enfin, je tiens à signaler l’aide que m’a apporté la lecture de L’antisémitisme par Hannah Arendt. Une citation en exemple. On se situe dans les deux dernières décennies du XIXe siècle, qui présentent quelques similitudes avec celles du XXe siècle – crise dans les années 70, spéculation, scandales financiers, crise bancaire à l’aube du siècle suivant, etc.
« À côté des aristocrates, des fonctionnaires et des Juifs, un autre groupe avait pris part aux investissements énormes qui promettaient des profits fabuleux et se soldèrent par des pertes incroyables : il s’agissait principalement de la petite bourgeoisie, qui devint alors brusquement antisémite. Elle fut plus durement frappée qu’aucun des autres groupes, car elle avait investi de petites épargnes individuelles, irrémédiablement perdues. Sa crédulité s’explique par bien des raisons. L’expansion capitaliste intérieure tendait à faire disparaître les détenteurs de petits capitaux ; il leur fallait faire fructifier rapidement le peu qu’ils avaient, sous peine, probablement, de tout perdre. C’était pour eux une question de vie ou de mort. Ils prenaient conscience que s’ils ne se hissaient pas jusqu’à la bourgeoisie, ils risquaient de sombrer dans le prolétariat. Une prospérité qui dura plusieurs d’années ne changea rien à ce mouvement, mais elle le ralentit au point de faire paraître prématurée la panique qui s’empara des petits-bourgeois. Maintenant, la peur hantait cette petite bourgeoisie dont Marx avait prédit la prompte disparition.
« Ces petits-bourgeois étaient les héritiers des guildes d’artisans et de commerçants, protégés depuis des siècles contre les coups du sort par un système qui prohibait la concurrence et, en dernière instance, par l’État. Ils accusèrent donc de leur malheur le système manchestérien qui les avait exposés aux duretés de la concurrence¹⁴ et les avait privés de l’ensemble de leurs privilèges et de la protection spéciale des autorités¹⁵. Aussi furent-ils les premiers à réclamer un “État providence” dont ils attendaient non seulement qu’ils les mettent à l’abri du danger, mais encore qu’il leur garantisse les emplois et les métiers hérités de leur famille. L’un des traits caractéristiques de ce siècle de libre-échange étant l’accession des Juifs à toutes les professions¹⁶, la petite bourgeoisie ne manqua pas de voir dans les Juifs les champions du “système Manchester poussé à ses extrêmes limites”¹⁷. Rien n’était plus inexact. »
Notes

¹ Je fais ici référence à l’opposition au mariage homosexuel. On a vu comment les catholiques tentaient d’avancer dans le débat public des arguments de nature autre que religieuse, tandis qu’en matière de dénigrement leurs opposants les renvoyaient fréquemment à leur confession.

² Je pense notamment au dimanche et jours fériés ou encore aux lieux de culte construits avant 1905, privilège d’État accordé aux catholiques par rapport aux autres confessions. Quand bien même ces privilèges tiennent de l’Histoire et non d’une revendication spécifique, ils n’en perdent pas moins leur caractéristique inégalitaire.

³ Aux élections, ce sont des partis politiques porteurs de courants catholiques intégristes qui font des scores non négligeables, avec pour intention de supprimer la laïcité (nomination des imams & évèques, loi spécifique au culte musulman, inscriptions dans la constitution, etc.), parfois sous couvert de la laïcité même – l’efficacité de l’absurde auprès de mes concitoyens m’étonnera toujours.

Le contrat social de Rousseau développe mieux que je ne saurais le faire en quoi la généralité de la loi et l’égalité sont nécessaires à la démocratie.

⁵ Hannah Arendt.

⁶ http://www.mediapart.fr/journal/france/250113/en-direct-de-mediapart-etre-musulman-en-france

⁷ http://www.mediapart.fr/files/voltaire_tolerance.pdf

⁸ http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/eglise-etat/sommaire.asp

⁹ http://teo.site.ined.fr

¹⁰ http://www.youtube.com/watch?v=QUXBqh-tQrM

¹¹ http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/18/theologiennes-feministes-de-l-islam_1834339_3232.html

¹² http://www.frontnational.com/le-projet-de-marine-le-pen/refondation-republicaine/laicite et http://www.frontnational.com/le-projet-de-marine-le-pen/autorite-de-letat/immigration

¹³ http://www.ladroiteforte.fr/les-idees-fortes/article/theme-no3-pour-une-republique

¹⁴ Il s’agit maintenant de combattre un illusoire discrimination positive des immigrants ou leurs descendants dans le cadre d’une concurrence économique forte.

¹⁵ Revendication à la préférence nationale.

¹⁶ Le niveau d’étude des immigrants est plus élevé maintenant que dans un passé récent, et les descendants d’immigrés accèdent à de meilleures études ; l’ascension sociale leur permet d’occuper de meilleurs postes.

¹⁷ Les migrants passent pour être des outils de la mondialisation par confusion avec la globalisation des marchés de capitaux.



C’est une ivresse joyeuse pour celui qui souffre, de détourner les yeux de sa souffrance et de se perdre soi-même. Ivresse joyeuse et perte de soi, il y eut un temps où il me semblait que le monde c’était cela.
Ce monde, ce monde éternellement imparfait, image d’une éternelle contradiction et image imparfaite – une ivresse joyeuse pour son créateur imparfait : – il y eut un temps où le monde m’apparaissait ainsi.
Alors moi aussi je lançais ma folie au-delà de l’homme, comme tous les prédicateurs des arrière-mondes. Au-delà de l’homme, vraiment ?
Ah, mes frères, ce Dieu que je créais était œuvre d’homme et folie comme tous les dieux !
Homme il était, et juste un pauvre petit morceau d’homme et de moi : il me venait de ma propre cendre et de ma propre flamme, ce fantôme, et en vérité il ne me venait pas de l’au-delà !
Qu’arriva-t-il, mes frères ? Je me fis violence, moi qui souffrais, je portai mes cendres à la montagne, je me trouvai une flamme plus claire. Et voyez !  Alors le fantôme devant moi se dissipa !
Maintenant ce serait une douleur et une torture de croire à de tels fantômes, pour moi qui suis guéri : maintenant cela me serait une douleur et une humiliation. C’est ainsi que je parle aux prédicateurs des arrière-mondes.
Douleur et impuissance – c’est cela qui créa tous les arrière-mondes ; et le court délire de bonheur dont seul a l’expérience celui qui souffre le plus.
Une fatigue qui veut aller à son terme d’un seul bond, d’un seul bond mortel, une pauvre fatigue ignorante qui ne veut même plus vouloir : c’est cela qui créa tous les dieux et tous les arrière-mondes. [...]
Mon Moi m’a appris une nouvelle fierté et je l’apprends aux hommes : il m’a appris à ne plus enfouir ma tête sous le sable des choses célestes mais à la porter à l’air libre comme une tête-de-la-terre qui crée le sens de la terre !
J’apprends aux hommes une volonté nouvelle : vouloir le chemin où l’homme est allé jusqu’ici à l’aveuglette et le trouver bon et ne plus s’en écarter en douce comme font les malades et les mourants !
C’étaient des malades et des mourants, ceux qui méprisèrent le corps et la terre et qui inventèrent les choses célestes et les gouttes de sang qui rachètent : mais même ces doux et sinistres poisons ils les ont pris au corps et à la terre !
Ils voulaient échapper à leur misère et les étoiles étaient trop loin pour eux. Alors ils soupiraient : “Oh ! si seulement il y avait des chemins célestes où l’on se glisserait dans un autre être et un autre bonheur !” – alors ils inventèrent leurs ruses et leurs petits breuvages sanglants !
Ils crurent à un transport qui les séparaient de leur corps et de cette terre, ces ingrats. Mais de qui donc tenaient-ils la convulsion et la volupté de cette extase ? De leur corps et de cette terre. [...]
Il y a toujours eu bien des malades parmi les poètes et les enfiévrés de Dieu ; ils haïssent avec fureur celui qui connaît et la plus jeune des vertus, qu’on appelle honnêteté.
Ils regardent toujours en arrière vers des âges obscurs : alors, bien sûr, la folie et la foi étaient autre chose ; le délire de la raison rendait semblable à Dieu et le doute était un péché. [...]
Faites-moi la faveur d’écouter plutôt la voix du corps sain, mes frères : c’est une voix plus honnête et plus pure.
Il parle avec plus d’honnêteté et de pureté, le corps sain, le corps parfait et tiré au cordeau : et il parle du sens de la terre.
Ainsi parla Zarathoustra
De ceux qui prêchent les arrière-mondes
Nietzsche

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